28.2.10

A V R I L 1941

1ER Je vais à l’enterrement de Madame Danneron, l’église est pleine. Je vends deux vaches à Gueugnon. Dans sa grande sagesse, l’illustre Maréchal Pétain fait entrer une dame ou deux dans les conseils municipaux dont il choisit les membres, à Decize, c’est la Comtesse Junilhat qui est élue. Qu’aurait dit son père, le comte de Brezé si, il y a 4o ans, on lui avait annoncé une telle nouvelle, sûrement que le Roi était monté sur le trône.

2 . À 9h, je vais chercher Cécile à Mars, retour de son voyage aux Gouttes qui s’est accompli dans de parfaites conditions, hier elle a pu aller à Vichy avec les Edmond et Geneviève et y rencontrer Édith, Augustin, Miette et le jeune Sansal, ils ont déjeuné ensemble et se sont quittés à 5h du soir. Cécile a trouvé sa sœur en bon état. Ce matin, obligée de partir de bonne heure, elle a passé sa journée à Moulins, déjeuné chez les André et fait des courses en ville ; elle me rapporte des soies qui me permettent de finir mon ornement. N’étant pas prévenue, sa marraine a été bien surprise de la voir descendre de la bicyclette sur laquelle elle était montée à Dompierre, la pauvre vieille est bien courageuse et la visite de sa filleule lui a fait grand plaisir. Retour de la gare, j’ai trouvé à la maison les petites sœurs des pauvres venues pour nous demander à dîner et à coucher avec leur cocher et leur cheval.

3 . Mon rosaire.

4 . Cécile nous quitte, elle partage avec les Rouville le gazogène de Philippe pour aller prendre le train à Nevers, direction Tours où elle s’arrêtera 24 h chez les Villeneuve. Elle m’a fait bien grand plaisir en abandonnant sa chère ville de Rennes pendant qq jours à notre profit. Premier Vendredi du mois, je m’approche de la Sainte Table. À 11 h du soir, des troupes Allemandes, musique en tête, passent devant le Pied Prot, direction Moiry.

5 . Je vais à Nevers et je prends dans le car, la dernière place assise. Je monte place Ducale et je sonne chez moi où je trouve Madame Gonin avec son petit garçon de 4 ans. Elle a fait son salon dans la salle à manger, et dans le salon, son mari a installé tous ses instruments et il donne ses consultations. La maison est propre. Ma visite avait pour but de voir la mitre qui est sur la cheminée du petit salon qui menace de tomber. Je charge la maison Cassart de faire le nécessaire. Dans la rue, je rencontre l’aîné des Thoury qui me dit que la maison de son frère à Achun a été pillée. Je commande du vin à Aïn Kala. Je descends rue Claude Tellier pour payer les allocations de mon jardinier et j’ai la chance de trouver Montrichard qui me propose de me ramener ; j’accepte avec joie, cela me donne une heure de plus, et je suis sûr d’être assis. Je passe à la Sté Gale et au Crédit Agricole pour faire renouveler des bons échus. Au Crédit Lyonnais, je finis par éclairer ce qui s’est passé entre Augustin à propos de virements de fonds qui sont très difficiles entre les deux zones. Je rencontre Jacquemart, c’est une joie. Je veux l’emmener dîner et coucher, l’impossibilité de le faire reconduire le lendemain à Nevers l’empêche d’accepter. Devant le Crédit Lyonnais, 14 voitures sont arrêtées, il y a donc de l’essence pour certains ; trouvé Mr Rémi du Part, je finis ma tournée par une visite à Madame de Sansal qui est chez les Nadaillac avec leurs filles.

6 .pluie À la procession, il y a une centaine d’hommes, c’est bien beau, mais si le proverbe est vrai, nous aurons une année humide, car le vent souffle du coté de la pluie. Condoléances de Grincour.

7 . Marie Berthelot, ma cuisinière a beaucoup de qualités, elle est propre et active, je lui connais cependant un défaut, c’est de trop aimer la bouteille, je lui en sors 4 chaque Dimanche, or Lundi matin, je me suis aperçu qu’elle en avait bu deux la veille, aussi nous avions remarqué Marcelle et moi qu’elle trébuchait en apportant le plat sur la table. Je suis ennuyé de cette remarque. J’ai trouvé des morilles à cinquante pas du bout de l’avenue, coté de Moiry. Pendant que j’écris, Barillet vient m’annoncer qu’un cochon qu’on engraissait au domaine pour le manger est crevé subitement. 16oo frs de fichu.

8 . Marcelle prépare le reposoir de la fête du Jeudi saint dans la chapelle du Sacré cœur avec Buffet le jardinier de la Chasseigne et manque la visite de Jacques de La Brosse

9 .-2° Marcelle va à Nevers à bicyclette, pendant qu’Antoine de Sansal vient ici chercher des provisions, il rapporte 2 fromages,1 litre de lait, 24 œufs.

Jeudi saint Forte gelée blanche, bien fraîche. Beaucoup de communion de femmes et de moi-même. Les Boches triomphent en Yougoslavie et en Grèce, et prennent toute l’avoine qui reste sur nos greniers. Un vent glacial souffle du Nord-Est, l’herbe rentre en terre.

Vendredi saint, glace. Chemin de croix à 3h à Moiry et à 9 h du soir à St Parize. Visite de Jacques de La Brosse. Je coupe des Nielles dans l’avoine d’hiver des Fraillons.
Samedi saint, glace Temps déplorable, de la glace, à 9h les prés sont encore tout blancs. Jeanne de Mollins venue par le car déjeune avec nous, on a toujours grand plaisir à recevoir cette aimable femme très sympathique à tout le monde, elle nous apporte des bonbons et du thé. Il y 5 Maçons aux Petites Granges, mais peu de sable et de chaux.

13 . Pâques Je constate avec plaisir qu’il y a beaucoup de jeunes gens de 14 à 17 ans à la messe, de communions des hommes, parmi eux, mes métayers et moi-même. Temps magnifique.

14 . Marcelle va faire une visite à Madame Barrier qui est souffrante, les du Part arrivant, je lui téléphone de revenir, la grippe a fait maigrir et vieillir Antoine qui ne voit pas l’avenir en rose. Il m’apprend que les héritiers de Jules de Lavesvre ont vendu Clamon 2 millions, château et deux domaines . La Seigneurie vaut un million de plus.

15 . Les Nadaillac nous amènent Roger de La Brosse pour déjeuner, j’ai été bien aise de voir mon cousin germain, le but de cette visite était de voir le garde Jeanty et de le faire venir à Chitry. Après déjeuner, à défaut de café, j’offre à Roger un verre d’eau de vie de prune. Qu’est-ce que tu me donnes, c’est l’eau de ton puits ? je goûte le liquide et je m’aperçois qu’en effet, l’alcool a disparu et qu’il a été remplacé par de l’eau claire. Heureusement que pour Nadaillac, j’avais rempli un petit verre d’Armagnac qui n’avait pas été baptisé, au moins je l’espère.

16 . Vérification faite, nous nous sommes aperçus que notre cuisinière qui sait bien lever le coude, était la coupable, et que dans mes trois bouteilles de marc, elle avait remplacé l’alcool par de l’eau. Marcelle l’a fortement grondé, et si nous ne la mettons pas à la porte, c’est qu’à cause de ce grave défaut, elle a de grandes qualités. Marcelle va faire une visite à Planchevienne.
Chassagnon, qui ne s’entend pas avec Magdinier pour l’exploitation du bois vient me parler, je tâcherai de les mettre d’accord.

17 . Marcelle déjeune à Buy avec Marie Theron qui y est seule, elle déblatère tout le temps, prétend du Part, contre Georges et sa femme. La situation est très tendue entre eux, elle a remis leurs dissidents entre les mains de la justice, les Antoine ne quittent pas le Plaix. Marcelle passe au Lieu Maslin où tout va bien, il n’en est pas de même au Lieu Normand où la déveine s’acharne sur les Bringault, ils ont perdu en un an leurs trois juments, 4 vaches à la suite de la cocote, et dernièrement plusieurs veaux de la septicémie à leur naissance. J’avais très peur qu’étant à bout de bail au 11 Novembre prochain, ils ne demandent à s’en aller, heureusement ils veulent rester, mais à l’année seulement, aux mêmes conditions, le bail continuant par tacite reconduction. J’ai la visite de Renaud, mon architecte, je lui exprime tout mon mécontentement sur la lenteur des travaux. Ce qui ne m’empêche pas de verser un acompte de dix mille francs à Pierre Lavergne pour qu’il puisse payer ses fournitures qui arrivent bien tardivement.

18 . pluie Avec Marcelle, je vais voir dans le bois de Madame Guillera qui me touche comment se fait la carbonisation avec les fours métalliques ou les anciens fourneaux couverts de terre. Les premiers sont moins astreignants. J’en reviens éreinté. Madignier vend le stère de moule 7o Frs pris au bois et 9o sur la chaussée de Tâches où Richard l’amène pour 2o frs. Pour en conduire 4 stères à Nevers, il prend 3oo frs.

19 . Madame de Sansal et Antoine déjeunent avec nous. Ils espéraient remporter beaucoup d’œufs, mais mes métayères les gardent pour leurs clients habituels à qui elles les vendent le prix fort, qu’elles ne veulent pas que je connaisse. Dans l’après-midi, 1o jeunes filles de Nevers, sous la conduite de Madame Bounet, nous arrivent 3 par 3 pour passer la soirée et coucher, nous leur offrons le bureau avec un bon lit de paille peu confortable.

2o . Elles assistent à la première messe, déjeunent avec une gibelote de lapins et partent à 9 h pour visiter les ruines de Rosemont e rentrer à Nevers. Lettre de Gazoutte de Villaines qui nous dit qu’Odet est au lit pour un mois à la suite d’une opération d’un ongle incarné, et que Massias se meurt de la poitrine. Il est installé à Lyon avec sa famille. À peu près personne à la grand’ messe, il y avait trop de monde pour Pâques.

21 . Tollet fait réparer la maison qu’il a acheté aux Galopier, un plâtrier d’Imphy lui prend 35 frs par mètre carré pour les plafonds, et 6 frs pour badigeonner la cuisine de Mr. Marcelle emmène Anne de Rouville déjeuner à Chevenon où le jardinier nouvellement arrivé a fort à faire. Antoine se désintéresse de l’extérieur.

22 . Marcelle assiste au mariage de la plus jeune des Fleury. Selon son habitude, Montrichard arrive en retard à la Mairie. Comme je revenais des Petites Granges, un camionneur descend de sa voiture et me demande « êtes-vous Mr Clayeux » Ayant été chauffeur chez Madame Lazzot, il était allé plusieurs fois aux Gouttes. Visite d’Alain de Rouville.

23 . Marcelle va au Veurdre d’où elle peut téléphoner aux Gouttes, où il n’y a rien de neuf et mettre une lettre à la poste pour Augustin où je lui explique ce qui se passe pour ses comptes en dépôt au Crédit Lyonnais.

24 . Moreau me mène à la foire de St Pierre où il y a moins de dix bêtes à cornes. Grosse baisse sur les petits cochons. J’achète du pain de mie et des sardines, car le ravitaillement joue un grand rôle, ces deux derniers jours, nous faisons maigres.

25 .St Marc Si le proverbe qui dit : de St Marc, la belle journée promet une belle année, se réalise, il n’en sera rien, car toute la journée, il fait un froid glacial, avec accompagnement de neige. Marcelle assiste à la messe et à la procession. Je vais à pied à la Mairie déposer les pièces nécessaires pour obtenir la retraite ouvrière pour le ménage Chirat.

26 .pluie glaciale Michel et Richard sont allés hier et retournent aujourd’hui chercher du sable à la rivière pour la construction de ma grange, mon métayer aime mieux être payé 5o frs par tombereau que de travailler pour le domaine. J’écris aux Riberolles par une occasion. À 9 h, G. de Rouville téléphone à Marcelle que Marguerite de Pazzis arrive et qu’il faut qu’elle vienne déjeuner avec elle. Partie à 6 h de la Charnaye à bicyclette, elle prend le train à la Charité qui la dépose à Nevers où elle remonte sur sa bécane pour venir à Planchevienne, où Marcelle est bien contente de retrouver cette bonne amie qui retourne chez elle par le même moyen et sous une pluie battante.

27 . Dimanche,pluie Temps horrible, glacial. Personne à la messe Je fais un tour dans les craies avec mon parapluie. Le blé du champ de la † est beau.

28 . Marcelle va à Nevers en bécane. Elle passe chez Givoteau, son oculiste, qui la rassure sur sa vue. Elle mange ses deux œufs chez Madame de Sansal, qui avait une carte d’Édith qui elle-même en avait une d’Hervé qui avait pu aller voir les Valence. Elle croise Jacques de La Brosse qui lui annonce qu’il est fiancé avec Beloute Talabot. Loiseau m’envoie 1oo kg de pommes de terre de semence, Ronde jaune, provenance Finistère. Je les planterai dans la Varenne Callot. Les habitants de Nevers meurent de faim, ceux qui peuvent trouver du lait même écrémé sont rares.

29 . Le garde Jeanty m’apporte différentes affaires laissées par son maître Mr. Godenal. La liste est écrite dans le tiroir supérieur à gauche de mon bureau. Guillaume du Verne à la recherche de chevaux, nous dit un petit bonjour en passant, il est accompagné de sa nièce Monique qui n’a pas pu ou voulu rester au couvent où elle faisait ses études à Moulins. Il paraît que sa mère va un peu mieux, elle engraisse. Le prix des chevaux augmente tous les jours, variant de 25ooo à 4oooo frs. À Callot, Charlotte a mis au monde la nuit dernière un mâle et le soir même, le poulain était crevé. La veine pour les chevaux continue. Il y avait au Marais vente aux enchères du matériel, tout s’est vendu plus cher qu’au marché. Ainsi, un rouleau a été adjugé pour 5ooo frs, il vaudrait un peu moins à la fabrique. Un saloir vendu 4oo, il en vaut 15o chez le quincailler. Un des principaux acheteurs est Mr. Piaton, de St Parize, le nouveau propriétaire de Beaudreuil, venant des Brezé. Il veut faire valoir ce domaine en l’exploitant lui-même, son père boulanger dans notre commune avait des idées très avancées, son fils en a de plus raisonnables, et n’est pas du tout partageux comme Papa. Magdinier vient me parler de son différent avec Chassagnon, qui m’ennuie bien.

3o. pluie Moreau vient lui aussi me voir pour que je lui donne des renseignement sur le métayage, car il vient de prendre une famille du Nord pour cultiver son domaine (7 enfants). Il tonne.

4 commentaires:

EDITH a dit…

Comment mettre en ordre chronologique ???

Hubert a dit…

Je crains que ce soit trop compliqué pour moi et ça n'a pas fini d'arriver dans le désordre car il y a des saisies faites par Yves et d'autres faites par moi, sans compter les cahiers disparus !

EDITH a dit…

En tout cas BRAVO à tous les 2 pour la saisie

EDITH a dit…

J'aime beaucoup l'histoire de l'eau de vie remplacée par de l'eau !