26.2.10

Février 1941

1er .pluie Marcelle qui me reproche d’être toujours en avance, voit le car qu’elle voulait prendre passer sur le Pied Prot au moment où elle se disposait à sortir, cette fois, je triomphe. Elle saute alors sur sa bicyclette pour aller à Nevers, mais en arrivant à Magny, elle trouve Mr Guéraud qui se disposait à partir à la ville dans son auto et qui lui offre une place. Elle a eu plus de chance qu’elle n’en méritait. De Magny, elle me rapporte un excellent Gorgonzola.

La Chandeleur. Pas mal de bougies à la grande messe. Le Maire annonce que 14 paires de chaussures seront affectées à la commune, et toute personne ayant 2 paires à peu près en bon état ne pourra en acheter.

3 . J’oublie mon Rosaire. Malgré une forte tourmente de neige, Marcelle qui est intrépide va goûter à Planchevienne. À 9 h du soir, coup de téléphone d’André, nous croyons que c’est pour nous annoncer la mort de mon beau-frère, pas du tout, c’est qu’il va mieux.
4 . Neige glacée, routes impraticables. Bonne nouvelle cependant, le conseil général est remplacé par 7 membres, parmi lesquels le Comte de Nadaillac, A Naudin, sénateur, Flandin, sujet remarquable, Pielin, Lospied, cette fois ce n’est plus la politique qui les nomme, mais bien le mérite qui les fait choisir. Vive Pétain !

5 . Lettre de Guiguite qui dit être allé à Tours à Corval pour faire constater par huissier les dégâts occasionnés par les Boches, ils son importants. J’écris à Nadaillac pour le féliciter.

6 .-5° Bien aimablement, Montrichard vient me prendre pour me conduire à Nevers où je fais plusieurs visites, au colonel d’Assigny, aux Mollins, à Simon d’Assigny. Je vois sa mère qui se trouve mieux, et enfin M.A. du Verne qui se remet tout doucement de sa chute, sa nièce M-.Thérèse la soigne. Je giberne un bon moment avec Charles de Fontenay qui me reçoit dans le petit cagibi qui lui sert de salon où en sa qualité d’aveugle, il se tient.

7 .dégel 1er Vendredi du mois. Beaucoup de la FSP. Les routes sont si verglacées que je ne vais pas à la messe. Lettre de Roger, 6 pages, c’est toujours un régal de le lire, comme tous les autres, il est bien inquiet de l’avenir, cette discorde entre le brave Maréchal Pétain si sympathique à beaucoup et Pierre Laval si favorable aux Boches fait trembler.

8 . Monsieur Barial, propriétaire de la ferme de Gy m’ayant plusieurs fois invité à visiter son domaine, j’y suis allé et j’ai constaté qu’il avait beaucoup fait comme améliorations des bâtiments, mais comme cheptel, c’est horrible, il a 13o bovins, la plupart venus d’Auvergne, cuisse de grenouille, dos de harengs, q q charollais un peu meilleurs mais tous dans un état de maigreur impressionnant car il y a du fourrage pour nourrir 5o bêtes. Albert Barillet, qui a la charge de ce troupeau, en a honte. Barial veut faire un étang dans l’une des vallées et capter une source pour amener l’eau dans toutes les écuries avec un moteur.

9 .Dimanche Nadaillac me remercie des compliments que je lui avais adressés. Discorde entre Pétain et Laval, cela va mal. À la sortie de la messe, on vend des quantités de cartes postales à l’effigie du sympathique Maréchal au profit du secours national.

1o . Lettres d’Édith et d’Augustin du 4 Février, arrivées par je ne sais quelle voie. Ils vont tous bien, ils se plaignent de n’avoir que peu de nouvelles d’Afrique. Perrette va un peu mieux. Roy va à Nevers chercher de l’engrais et des pommes de terre de semences. Il faut en changer chaque année, si on veut récolter qq chose. Dans ma jeunesse, on mangeait des Vitelattes d’un bout de l’année à l’autre.

11 . Les Pierre de Rouville déjeunent avec nous. Suzanne nous fait d’excellentes pommes de terre frites et Marcelle un délicieux canard rôti suivi d’une tarte non moins bonne.. Dans l’après-midi, visite des Gabriel Mathieu et de M.-Th de Champeaux venue au ravitaillement, mais elle ne trouve rien. Sa tante va mieux.

12 . Marcelle ravitaille à Paris Louis Monnier et ses six enfants, elle lui remplit une caisse avec des carottes, des haricots et des pommes de terre que je vais porter à Mars pour les expédier, la chef de gare me dit que pour ces deux derniers légumes, il faut une autorisation de la préfecture sans cela ils risquent d’être saisis à l’octroi de la capitale. Je passe outre, à la grâce de Dieu.

13 .pluie J’envoie chercher foin et paille à la Petasse. Il nous arrive de Semelay Nuven une cuisinière Marie Berthelot, 5o ans, séparée son mari, pas d’enfant, bons certificats, sa figure me revient assez.

14 . Lettre du 11 de Marguerite Clayeux qui dit que son beau-père a encore rechuté, et qu’il a une garde avec laquelle il fait bon ménage.

15 .pluie Mon métayer des Petites Granges enfreint le règlement en vendant à la maison des nourrains de 45 kg parce qu’il n’a plus de quoi les nourrir. C’est comme pour le monde dont beaucoup meurt de faim.

16 .Dimanche Lettre de Cécile, qui sur la recommandation de M. A du Verne va voir Madame du Crest, née Veygny dont le mari a une modeste situation à la préfecture de Rennes, pour lui faire la charité de la part du secours national, elle la trouve faisant sa cuisine dans un appartement composé de deux pièces où elle habite avec ses 3 enfants.

17 .pluie Je reçois une lettre d’André qui me demande quelle est la dot de mes petites filles, j’en suis flatté, mais il m’est difficile de répondre, car avec un avenir aussi trouble, on est sûr de rien. Un officier Allemand visite la maison en vue d’un cantonnement, je lui dis que nous n’avons ni électricité ni pétrole, cela fera peut-être retarder une nouvelle occupation. Je vends deux vaches à Callot avantageusement et cela fera de la place pour loger les veaux qui naissent. Envoi de pintades à Louis Monnier et de 12 œufs aux Jacquemain, ce sont les premiers de la saison achetés à la polonaise du Pied Prot.

18 .pluie Je profite de ce que je fais livrer une vache à Magny pour envoyer chercher des betteraves chez Goby qui les vends 3oo frs les mille kg. Marcelle déjeune à Planchevienne.

19 . Avec ma cuisinière, nous mettons sous-clés 1o9 bouteilles de vin Aïn Kala, 89 dans la première, 2o dans la seconde.

2o . Lettre d’Edmond, son père ne quitte plus guère son lit, il est content de sa garde. Il m’envoie une lettre d’Hervé qui se plait à Tlemcen où il a trouvé un petit appartement convenable. J’envoie une corde de bois d’orme aux Rouville. Marcelle va à Nevers en bécane pour y voir M.Th Anginieur qui retourne à la Terrasse. Elle lui fait emporter des épinards pour Édith, ce légume ne poussant pas à Bulhon.

21 neige En 194o, le Général de Gaulle abandonne l’armée Française pour aller se mettre au service des Anglais, en même temps, nous apprenons que le capitaine Paul Jourdier qui tenait garnison en Syrie était parti pour rejoindre lui aussi les Anglais sur la côte Africaine, emmenant avec lui tout son escadron de spahis. Or le mois dernier, la radio annonçait que ce même capitaine était entré le premier avec ses hommes dans la ville de Tobrouk d’où il avait chassé les Italiens alliées des Anglais. Doit-on s’en réjouir, l’avenir nous le dira. ! Mais lors de sa désertion, la conduite du capitaine fut jugée sévèrement par les uns et approuvée par les autres. Jacques de La Brosse vient goûter avec Marcelle. La neige fond dans la soirée.

22 . Je vais à Nevers par le car et pour le retour, j’arrive une heure d’avance pour être sûr d’avoir une place assise. Je passe chez le contrôleur pour faire ma déclaration de d’impôt sur le revenu. Je trouve un Mr pas complaisant et connaissant peu son affaire. À la StéGale, je leur montre qu’ils tiennent mal mon carnet. Je laisse une douzaine d’œufs à Madame de Sansal, ils sont les bien venus. Comme toujours, M. Antoinette du Verne n’est pas chez elle, Marcelle donne à son cabinet de toilette un aspect présentable, il en avait besoin ; le linoléum à carreaux blancs et rouges est d’un très bel effet . Pendant mon absence, un élégant jeune homme installé à Moiry dans la maison Fournier achète 6 génisses à Callot pour les mettre dans des prés qu’il a loués à Mars, 14 ha.

23 .Dimanche,pluie Temps horrible, 12 hommes seulement à la g d. messe, sans compter les fidèles jocistes. À l’heure du Goûter, Jacques de La Brosse arrive pour faire des beignets aux pommes avec Marcelle. Je commence un rhume.

24 .pluie L’homme affable qu’était le Commandant Ducrot meurt dans sa propriété de Sesseigne qu’il adorait depuis 79 ans. Il va aujourd’hui retrouver dans le cimetière de Gersagny sur Loire, la tombe de son illustre père qui repose dans un superbe monument.

25 . -3° André ayant à faire à Nevers, vient avec sa femme et Madame Golliot nous demande à déjeuner. Je les accompagne en ville, emportant une peau de martre et deux de putois, dont je n’avais que faire. Un marchand de fourrures m’ayant dit qu’il pouvait me les acheter, je les lui présente, il les trouve mal tannées et vieilles, ce qui est vrai. Il n’est pas preneur. Tout confus, je les présente à un autre fourreur, rue du commerce, lui aussi fait la grimace, mais au moment où je me disposais à les remballer, le marchand me dit, tout de même, je vais vous en offrir un petit prix, 1ooo, one thousand, ça vous va-t-il ? Tu parles si j’ai accepté. Je dépose ma déclaration d’impôts sur le revenu chez le contrôleur. Jacques vient goûter et apporter une lapine à Marcelle. C’est le jour des cadeaux, Simone d’Assigny lui envoie un joli cocker noir répondant au nom de Jimmy.

26 . Mercredi des cendres. Messe à 1oh½ à laquelle j’assiste. Bien peu de monde. Marcelle va à St Pierre.

27 . Jeudi, foire à St Pierre où Moreau doit me conduire en me prenant à 8h½, il est 9 h et il n’est pas encore là ; c’est qu’il marche à l’heure Française et moi à l’heure Allemande, ce n’est pas par sympathie. Enfin il arrive et je monte dans son minuscule tonneau attelé d’un minuscule poney à la marche lente mais sûre. Peu de monde sur le foirail et encore moins de bétail. Mon cheptel y est représenté par 4 petits cochons de Callot qui se vendent bien, leurs semblables étant peu nombreux, car la nourriture devient fort rare et que les pommes de terre sont plus recherchées que les truffes.

28 . Marcelle ayant obtenu un laissez-passer de la commandantur va au Veurdre en bécane, déjeune à la Charnaye d’où elle téléphone à Édith qui est pour 8 jours aux Gouttes. Mon beau-frère va plutôt mieux. Dans l’après-midi, elle va avec Paulette Le Sueur faire sa correspondance chez Mr Lescane et retraverse le pont sans difficulté.

7 commentaires:

Hubert a dit…

Texte saisi par Yves dans un cahier autre que le 24

EDITH a dit…

En 1944, Edith était décédée ???

Hubert a dit…

Erreur de titre corrigée, c'est bien le mois de février 1941 et non 44.

Geoffroy a dit…

On ne s'ennuie pas à la lecture!!!

qui peut dire ce qu'est le vin Aïn Kala??...

H2R a dit…

Un vin d'Algérie

Onc' Doudou a dit…

M.Th Anginieux: ce sont les Anginieur qui étaient à la Terrasse.
Merci à Jojo pour sa question que je partageais et à Hughes de sa réponse

Geoffroy a dit…

@Onc'Doudou: j'ai corrigé les Anginieur...