19.2.10

Mai 1944

1 mai Les Jacques prennent à Saint Pierre un train pour Montpellier et Dédette un autre à Mars pour Moulins. Jacques de Lary et sa belle sœur Elisabeth passent l’après midi avec nous, très agréables l’un et l’autre.

2 Jolie journée, mais il faudrait de la pluie car il n’y a pas d’herbe. Marcelle distribue des carpes à tous ses amis et ils sont nombreux.

3 Yvonne va à Nevers. Les trois petites sont enrhumées. Il n’y a pas d’exemple que l’une l’ait été sans passer cela aux autres. Je râpe l’allée de … autour de la pelouse.

4 Marcelle et Yvonne déjeunent à Frontallier. Visite à Melle Valois. J’ai la visite de M. Perron, homme d’affaires de Monsieur Viejeux propriétaire de tous les bois qui m’entourent à Azy. Il vient me demander une sortie dans le Bois Renard pour faciliter l’exploitation de son bois Normand. Je charge Antonin Moreau d’examiner la chose et de me rendre compte. Je croyais Madame Ravier belle mère de M. de La Chapelle propriétaire de ces bois là. J’éclaircirai ça. Il n’y a plus de pain à Saint Parize, nous en empruntons à Callot où ils en font du très blanc et bon.

5 Toujours pas de pain. Premier vendredi du mois, je m’approche de la Sainte table. Montrichard emmène Marcelle à Nevers pù elle a une réunion pieuse. Elle déjeune chez Marie Antoinette avec un clan sélect : Comtesse Lafond, Miryenne de Martymprey M Th Augénieraa et Melle de Balloré. Madame Lafond abrite du Nozet, quelques officiers Boches et ses enfants sont relégués dans les communs. Le temps est très menaçant mais il ne pleut pas.

6 Pluie. Hervé passe la journée avec nous. Il plante des haricots dans le guéret du pré de l’étang et emporte 50 pieds de tomates pour son petit jardin et du lait pour ses enfants. Hier ils ont déjeuné chez les Belmont. Il achète 10 stères de bois à Migarnier chez Geneviève, la conduite lui coûte 600 francs. C’est moitié moins cher que d’ici à Nevers.

7 Dimanche. On trouve des tracts lancés tout autour de la maison pendant la nuit par des Américains. C’est par eux que nous reviendra le bonheur. J’en doute un peu.

8 Il fait froid, vent de bise. Je découds une culotte noire faite chez Gerbaut en 1912, je l’utilise pour me faire faire une paire de pantoufles. Buffet vient recouvrir avec un chapeau de paille notre petite volière. Je lis avec intérêt le retour à la monarchie 1815 1848 de Jules Bertaud qui me rappelle que les fils de Louis Philippe étaient au lycée Henri IV avec mon père.

9 Confirmation à Saint Parize, j’ai fait hier 160 tampons de ouate pour les nombreux confirmés. A 9 h ½ à la tête de mon conseil paroissial je reçois Monseigneur …… toujours jeune et plein d’entrain. Lettre de château de Zette très affectueuse et bien tournée. Lettre de Cécile qui a trouvé un délégué de son gout pour le secours national, ce qui lui ôtera de la besogne. Quelques pommes de terre gelées dans les jardins de Moiry.

10 Mademoiselle Janet est depuis 9 ans directrice de poste à Saint Parize, où elle a trouvé la sympathie générale. Elle a de l’avancement et va nous quitter pour aller à Cérilly. A l’instigation de Marcelle une liste de souscription a circulé pour lui offrir un souvenir de reconnaissance. On a recueilli 1200 F et avec cette somme on a acheté chez Montagnon une jolie faïence qu’une délégation de dames est allée lui porter. C’est la larme aux yeux qu’elle a reçu ce présent. Au retour, Madame Le Sueur reste dîner avec nous.

11 Premier saint de glace. Il y a quelques fraises gelées dans le jardin. Hier les boches ont réquisitionné cent camions à Nevers et 40 aujourd’hui pour une destination inconnue. On dit le Maréchal en surveillance au château de … près de Rambouillet et Laval arrêté à Moulins pour s’être opposé à la mobilisation générale des Français. Quant à moi je viens de planter des haricots, me laissera-t-on les manger si toutefois la sécheresse persistante leur permet de lever.

12 Le temps se réchauffe, le baromètre baisse mais inutilement. Nous avons la visite de Gabriel Mathieu. J’ai toujours grand plaisir à m’entretenir avec Monsieur qui est très compétent sur bien des choses. Je lui dis qu’après moi, il sera bien aimable d’aider Marcelle à faire sa déclaration d’impôts sur le revenu.

13 Marcelle va voir Madame de Montrichard qui est assez fatiguée. Monsieur Viejeux n’accepte pas l’arbitrage de Moreau pour les bois d’Azy. Nous en resteront donc comme par le passé.

14 Dimanche. A son prône M. le curé nous dit que c’est demain les rogations. Combien d’entre nous viendront demander la fin de la sécheresse. Téléphone de Cécile qui a passé ses huit dernières journées dans le village de Bruz situé à 10 kilomètres de Rennes complètement détruit par les bombardements Anglo Américains. Le château de la Herverie recouvre sous ses ruines deux jeunes femmes et 4 enfants. Madame de La Herverie née du Halgouet est une amie d’Yvonne et petite fille de Charrette. Le secours national apporte vivres et vêtements aux rescapés.

15 Message de Jean du 15 février à Madame de Valence. Il va bien, il est avec Pierre. Où ? On gèle. Les du Part déjeunent avec nous.

16 Je ne veux plus retourner à Callot, car je n’y vois que des choses tristes dans le champ Carreau. De l’orge d’hiver qui ne peut pas épier, dans le pré, 24 vaches maigres comme celles citées dans l’histoire sainte, un métayer qui se désole etc. Bringault vient me payer son terme. Je lui donne 1660 F pour le garde Roy qui m’a marqué mon bois. 8 h 30 à 200 F. Marcelle déjeune avec Gabrielle de Rouville arrivée hier à Planchevienne avec Alain.

17 Gelée blanche. Pommes deterre dans les châssis légèrement touchées. Kiki reçoit un message de son papa daté du 24 mars, il lui arrive par la nonciature. C’est jusqu’ici le moyen le plus rapide. Yvonne va à Nevers et selon son habitude déjeune chez les Lary. 17 h Edmond nous téléphone que sa mère est morte à 4 heures.

18 Ascension. Renaud du Lieu Maslin vient payer son terme. Il a perdu une jument qui à défaut d’herbe, avait mangé trop de terre soulevée à la surface par les vers. Mais comme il est prévoyant, il avait dressé 4 jeunes bœufs et il peut faire son ouvrage. Pas de monde aux processions des rogations, mais assistance assez nombreuse à la messe aujourd’hui.

19 Marcelle va à Nevers participer à une vente de charité des sœurs de l’Assomption et s’embarque à 6 heures du soir pour Moulins où elle couchera chez les Hervé.

20 Pluie qui avec elle devaient aller le lendemain à l’enterrement de ma pauvre belle sœur en compagnie des André en frettant un taxi. Celui-ci leur a fait faux bond de sorte que Marcelle m’est revenue à 4 heures. Pas de pain à Saint Parize. Je dé… des pommes de terre pour en apporter à une famille de réfugiés du Pas de Calais qui a 8 enfants. Je leur envoie une paire de drap et une chemise de rechange, elle n’en a qu’une.

21 Fête des mères. Elles sont réunies dans la cour de l’école libre avant la messe. M . le curé vient les chercher en procession après les avoir bénies. Montrichard glorifie les familles nombreuses et remet trois médailles de la part du gouvernement, une d’or, une d’argent, une de bronze aux plus méritantes. Dans son discours il trouve que c’est la France le pays du monde où il y a le moins d’enfants. Garret vient me payer son terme du 11 mai : 1/3 de blé, 2/3 de viande sans rouspéter. Je lui ai dit que je lui donnera 1 500 F pour l’aider à faire mettre quelques tuiles sur la vieille locature, il payera le reste. Mes filles, petites filles et arrière petites filles vont goûter à Villars où elles rencontrent les Mathieu et les Thonnier. Je soigne les poules et les onze petits canards.

22 On gèle. J’allume du feu. Anne de Champeaux nous fait part des fiançailles de Joseph avec Melle Chantal de Boisset. Yvonne va à Nevers voir son dentiste. J’écris à Jean de Marne pour le remercier des condoléances qu’il m’a adressées à l’occasion de la mort de ma belle sœur. Chalvron, gendre des Massias a été enfermé à Fresnes par les Allemands.

23 Gelée. Jean Pige de Loucet, me demande à louer la maison du Pied Prot. Il n’a pas l’air malin, en effet mes maçons me disent qu’il n’est bon qu’à jouer de l’accordéon. Lavergne, Pierdet et Lespot commencent à découvrir la grange du vieux château. Je me traîne jusqu’à l’Ouchette où Chicon sème des betteraves, toujours par le vent de bise ;

24 Gonin m’apporte un petit tombereau de sable que j’écarte autour de la maison. Yvonne bèche avec acharnement un carré du jardin du Pied Prot.

25 Les Lary viennent goûter et font honneur au fromage à la crème. Je trouve Jacques très gentil mais sa femme est devenue bien sourde. Foire à saint Pierre. Les boucheries sont fermées pour abatages clandestins.

26 Je livre à la réquisition le veau de ma Normande. Il pèse 95 kg. Les Hervé nous arrivent pour passer les fêtes de la Pentecôte avec nous. Je trouve Edith superbe. Hubert est à Bulhon.

27 Hervé prend à Saint Pierre le train de 13 h pour aller à La Palisse faire une conférence sur la défense passive. Nous avons la visite des Maurice Robert qui sont à Buy. Leur fils qui est au premier escadron de la défense française de l’Indre a été classé 4 éme sur 120 candidats élève brigadier. Il y a deux escadrons motorisés en Savoie. Les Château viennent m’apporter un supplément à leur fermage du 11 mai que je leur ai réclamé sur l’avis d’Antonin Moreau, membre de la chambre paritaire du canton de Saint Pierre comme propriétaire. Yvonne va à Nevers se faire coiffer.

28 Pentecôte. Première communion dans la paroisse, 30 enfants beaucoup de monde et des belles toilettes. En sortant de la messe le garde champêtre fait signer une liste à chaque exploitant lui prescrivant qu’il doit livrer à l’autorité allemande ¼ des fils de fer qui clôturent leurs prés. Comme avec l’affreuse sécheresse qui nous mène à la famine on ne peut plus tenir les animaux dans leur pâture vu qu’il n’y a pas plus d’herbe que sur la grande route cela va être gai. Hervé revient de Moulins à bicyclette pour déjeuner en 1 h 50 (40 kilomètres).

29 +30°, j’écris 30 ° Quand autrefois mon thermomètre arrivait à 27, il y avait de l’orage et la température baissait de moitié. Présentement plus rien n’y fait. La sécheresse nous accable et la famine nous guette. Hervé me dit : nous sommes sur terre non pour nous amuser, mais pour gagner le ciel. Résignons nous donc. Bien peu en ont le courage, moi le premier. Hervé tombe la chemise et pioche ses pommes de terre. 1500 morts à Marseille hier bombes tombées sur la canebière.

30 Hervé part à 1 h à Saint Pierre et je conduis Simone prendre le train à Mars au train de 6h 40 du soir. Mon arrière petite fille est une superbe enfant qui fait honneur à sa nourrice. Pendant les quatre jours passés près de nous on ne l’a pas entendu. Les Anglo Américains nous envoient des tracts par avion. Deux jeunes bandits armés emportent les tickets d’alimentation du mois de juin de la mairie de Saint Parize où le pain manque aujourd’hui. Je suis taxé à livrer aux Boches 20 kilos de fil de fer de barrage.

31 Lettre de Roger. Chapelet de jérémiades toujours intéressantes. Visite de Melle Thonier, de sa belle sœur et de Nicole qui est aussi jolie que sa mère. Pas de pain à Saint Parize. Yvonne va en chercher à Luthenay, elle en rapporte une livre. Madame Thiery me coupe les cheveux ainsi qu’à Monique.

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