28.4.13

Juin 1919



1er. Cécile et Yvonne nous quittent pour aller prendre à St. Pierre l'express de midi pour Paris et gagner Rennes, sans arrêt dans la capitale.

Les Américains me donnent ce jour 16200 francs pour 13 mois d'occupation. Il y a la dessus 6890 francs pour Bagnolet. 3180 pour .... 200 pour Callot 6070 fr pour moi. Depuis le 31 janvier 1919, nous avons à faire au Génie Français pour les locations.

2. Je passe la journée la plus atroce de la vie comme souffrance.

3. Robet vient me voir, me conseille de garder le lit, et me dit des paroles consolantes. Je suis très content de lui et de la sœur qui soigne Edith qui m'assiste avec intérêt.
Marguerite passe quelques heures avec nous, elle m'apporte à signer un pouvoir, car je devais aller ce soir à Fourchambault pour la réunion du conseil de famille des enfants de Georges.

4. Mon état ne s'améliore pas. Marcelle va à Nevers avec le garde et la jument Anglaise. Edith se lève pendant une heure. Il fait si froid qu'on allume du feu au salon.

5. Continuation de la crise, la sœur d'Edith et ma femme me soignent comme un enfant.

6.7. État stationnaire.

8. Légère détente dans mon état.

9. Une détente se produit.
Robert Senly meurt en Roumanie, où il fait partie de l'armée d'occupation. Ses malheureux parents sont bien éprouvés, ayant déjà eu deux de leurs gendres, les frères Gautley tués au champ d'honneur.

10. Robet vient me voir et me donne des paroles de consolation, mon état est sensiblement le même.
Albert de Marcy m'écrit pour avoir de mes nouvelles.
Chaleur écrasante, tout dessèche!

11. La chaleur continue et mon état reste sensiblement le même , je veux me promener un peu, mais mes jambes sont en coton.

12. Mon état à l'air de s'améliorer un peu, je vais jusqu'à Callot. La chère Miss Bergson nous vient pour 3 jours, elle arrive de Trèves où elle fait partie de l'armée d'occupation, il paraît que la bas, les Boches ont l'air très arrogants. Les grèves de chez nous ne sont pas faites pour les décourager.

13. État sensiblement le même, le jour je me traîne d'un domaine à l'autre, pour entendre les gémissements de chacun sur la sécheresse. Les foins se font avec rapidité, coupés le matin on peut les rentrer le soir.

15. Miss Bergson nous quitte pour retourner à Trêves. Claire va à Nevers pour faire une conférence chez les Petites Sœurs de l'Assomption. État stationnaire chez moi.

Trinité. Loué des domestiques à St. Parize, des gamins de 14 ans gagnent entré 1200 et 1500. Denis prend un assisté de 19 ans pour 1850 francs. Le directeur n'a pas voulu céder à moins, bien que l'intéressé soit moins exigeant.
Henri me fait une bonne et longue visite, il nous apprend que Madame Goussard, retour de Paris, s'est cassée un bras en descendant à la gare de Cravant.

17. Augustin retourne aujourd'hui à Bulhon par une chaleur horrible
Pluie bienfaisante mais de courte durée à 6 heures du soir.

18. Mariage Bouillé la Madeleine.  À la dernière heure, c'est à dire le 13, nous avons reçu une invitation à la cérémonie religieuse et au lunch. Notre réponse a été que nous irions à la messe, mais que nous déclinions l'invitation au repas. Quant à moi, je suis resté tranquille et ces dames y sont allées. Je parle de Claire et de Marcelle, car les Riberolles n'ayant pas été invités sont restés à la maison. Dans l'Eglise personne du peuple, le cortège assez nombreux, 4 quêteurs dont Guy Olivier remplaçant Joseph de Maumigny arrivé en retard. Plus de Bourbonnais que de Nivernais dans l'assistance. C'est l'abbé Vauquelin qui a célébré le mariage et prononcé le discours. Au retour Albert de Bouillé et sa fille Françoise se sont arrêté pour nous dire un petit bonjour, mon pauvre vieux camarade très ému, a pleuré tout le temps. Il ne parle que de son cher fils. Après le lunch servi dans une tente, par Poulet, restaurateur à Moulins, nous avons eu quelques visites, les Soultrait, les Henri Pinet et leurs fils, et les Clayeux qui sont restés pour dîner, Edmond, sa femme sa sœur et ses nièces.

19. Fête Dieu. Première communion à St. Parize. Notre curé dine avec nous et fait passer un examen de catéchisme à trois enfants de Moiry que Marcelle a préparé à leur première communion et qui la feront le jour de St. Jean, ce sont des assistés.
Claire va chercher à Nevers une jeune Irlandaise qu'Edith fait venir pour ses enfants.

21. Les américains font au camp une vente aux enchères de tout le contenu d'une baraque où l'on a entassé lits, chaises, tables, vêtements, etc. Un marchand de chiffons, de Nevers, se rend adjudicataire du tout pour 3150 francs et de suite il revend au détail les différents objets. Henri Robert rachète plusieurs choses, ma femme également. Quant à moi je vais un peu mieux.

22. Fête Dieu. Temps splendide si on n'avait pas besoin de pluie.
Fiançailles de Melle de Veyny, fille de Charles, avec Monsieur de Lagoutte du Vivier, beau frère de Béatrice de La Boutresse.

St. Jean. J'apprends la mort du Docteur Dézautière (75 ans) qui a exercé toute sa vie aux mines de la Machine, il vivait depuis quelques années à Corbigny dans une propriété qui lui venait de sa femme Melle Marion. Un fils officier de cavalerie marié. Deux filles, l'une mariée à M. Touchalaume, l'autre célibataire.
Le mariage de Thé-Marion qui se fait ce même jour à Moulins, a du être attristé par la mort de l'oncle.
Une épidémie de diphtérie se déclare à Magny, on prétend qu'elle a été amenée par les transbordements à travers les rues du village, des corps des Américains que l'on déterre pour les mener à Nevers.
Dans la matinée nous apprenons que la Paix à été enfin signée.

23. 10° seulement. On gèle. Une pluie très bienfaisante tombe à partir de midi.

25. Pour ma première sortie, je conduis ces dames à la messe du Sacré Cœur pendant que mon personnel apprête du foin. Je viens de payer à mon boucher pour 5 semaines 698 francs pour cinq maîtres et 4 domestiques et nous ne mangeons guère qu'un plat de viande à chaque repas, que serait-ce si, comme du temps de nos grands mères, on en avait régulièrement 2 le matin et 3 le soir. Il est vrai qu'à cette époque on vendait le cochon 8 sols la livre sur pieds, contre 9 francs aujourd'hui.

28. La Paix est signée aujourd'hui, sera t-elle sincère, que Dieu le veuille et que la Ligue des Nations nous garde contre un retours des horreurs que nous avons reçu. Je ne crois guère cependant à toute ces créations d'utopistes comme Wilson, et je persiste dans mon opinion, c'est que pour éviter la guerre il faut être le plus fort et être toujours sur ses gardes.
Louis de La Brosse est nommé au 29° Dragon à Provins.
Marie-Antoinette du Verne est de retour à la Baratte, maigrie mais bien portante maintenant qu'elle est débarrassée de son appendicite.
Claire et Marcelle déjeunent au Colombier, où elles trouvent René de Balloy assez fatigué. Elles reviennent par Fertot et la Grâce. Berthe revenait de la Haute Alsace où elle était allée prier sur la tombe de son malheureux frère.

30. René Clayeux et sa femme nous viennent pour trois jours.  

22.4.13

Mai 1919



1er mai. Je me rends à Varennes pour assister au mariage Madire-Lenferna, ou je suis convoqué pour offrir mon bras dans le cortège à Zizi Delamalle, étant donné que les cavaliers sont en infime minorité, il le faut bien bien puisque l'on appelle la vieille garde. Malgré un temps horrible il y a beaucoup de monde et du meilleur. L'abbé Châtelain unit les jeunes époux et prononce un charmant discours ou personne n'est oublié. Après la cérémonie religieuse, lunch debout à la Croix, bon buffet, champagne mousseux. Les Marey sont là, venus de la Delouze et ayant amené dans leur auto le ménage Charles du Verne, (Quantum mutatus al illo). Mon vieux camarade me présente à sa jeune épouse. Oh la, la, Oh la, la, faut-il attendre si longtemps pour se mettre pareil boulet à la patte. La Veuve Compon-Guyet est bien , ce que l'on m'avait dit.

La grève générale était bien calme à Nevers, la ville avec ses magasins fermés, et les habitants restés chez eux, peut être à cause de la pluie qui n'a cessé de tomber, ressemblait à un jour de deuil. Seule une bande de moins de 100 personnes parcourt les rues, un drapeau rouge en tête et en chantant l'internationale.
Totote de Bouillé est fiancée à monsieur de la Madeleine, fils du Colonel et de Madame, née de Cazenove. Je suis bien aisé que cette pauvre fille sorte enfin de la fournaise qu'est devenue sa maison paternelle.
On me raconte que les Fontenay, sans laisser bien longtemps refroidir leur mort, ont loué Frondevaux aux Magnard, qui voudraient sortir ma pauvre nièce de Fourchambault pour changer le cours de ses idées qui sont toujours bien noires.
On me dit aussi qu'Henri de F a réclamé à sa belle sœur les diamants qu'Edouard lui avait donné, et qu'il voulait même avoir de suite la moitié de l'argenterie, mais à cela, les hommes de loi se seraient opposés.

3. Claire et Marcelle reviennent aujourd'hui de Paris et je vais les chercher par une pluie battante à la gare de St. Pierre, elles amènent Hervé qu'Edith leur a donné à Nevers, ce sera plus facile pour elle d'être débarrassée du jeune homme pour faire ses malles, car elle nous reviendra Lundi.
 En passant j'ai déjeuné à Buy ou Henri m'a fait part des fiançailles de Maurice avec Mademoiselle Goussart, fille de l'ancien président du tribunal d'Avallon. La famille est bien posée dans le pays, une fille qui est morte avait épousé Guy de Chalvron, la seconde est mariée à Hubert Vallière. Il y a deux fils, l'un qui a épousé la fille d'Ernest Olivier à Moulins, l'autre qui doit rester célibataire. Un sixième enfant du sexe faible, est mort jeune.
Les Henri ont l'air très satisfaits, c'est Roger de La Brosse qui a été la cheville ouvrière de ce rapprochement qui a eu lieu à Vauban pour la première entrevue. Mais c'est Lilise Clayeux à qui revient l'honneur d'avoir pensé d'abord à cette union.

4. Beau temps, 15° au thermomètre.

5. Continuation du beau temps, je vais à Nevers chercher Edith et toute sa maison.

6. 7. Continuation du beau temps mais les terres sont encore trop humides pour que l'on puisse labourer.   On vient de trouver pendu dans les Queudres le père Bouillard, âgé de 75 ans, qui avait quitté sa maison depuis 10 jours.

8. Les La Brosse nous amènent Louis qui est en permission pour passer la journée, Félix les accompagne.
Les Pracomtal de Châtillon marient leur fille au comte de Castellano, ils ont eu deux fils tués glorieusement.
Guillaume de Pracomtal, fils de mon ami Rostaing, vient d'épouser la fille du député James Hennessy, ça va mettre un peu de beurre dans les épinards de la maison qui devait en avoir grand besoin.

9. Le père Witické amène en visite dans son auto, Madame Joseph du Verne et Simone, pendant que Claire et moi allions à Buy porter nos compliments, la bague de fiançailles ayant été donnée l'avant veille.
Le soir dernier concert au camp, on le dit du moins, je souhaite que cela soit vrai. Les prisonniers Boches arrivés depuis quelques jours travaillent activement à extraire de la pierre pour réparer les routes qui en ont bien besoin.

10. J'assiste à la société d'Agriculture à une séance orageuse, le motif en est que Saône-et-Loire voudrait que l'on donnât à notre race bovine le seul nom de Charolaise, et la majorité de l'assemblée de ce jour tient à conserver le titre de Charolaise-Nivernaise.  Dans la discussion, le gros Colas, conseiller général d'Azy, dit à André Blandin qu'il ferait mieux de se taire, qu'il n'avait pour lui que la fortune!!!

12. René Clayeux et sa femme nous viennent pour 48 heures par un temps idéal.
Depuis 8 jours la végétation a fait de rapides progrès et les près sont superbes.

14. Madame Raymond Thuret vient nous faire une visite avec ses enfants après un déjeuner  d'adieux au camp. Ce sont des Américanisés qui vont regretter le départ de nos alliés.

15. Skinner et Taves déjeunent avec nous pour la dernière fois. Au camp, l'on continue à brûler quantité de choses utiles. Rien ne peut arrêter cette destruction.

16. Marcelle et moi allons déjeuner à la Grâce, je vais ensuite au Colombier voir le petit père Balloy qui a causé des inquiétudes aux siens, ayant eu il y a quelques jours de sérieux étouffements pendant la nuit. À 4 heures nous passons par la gare de Saincaize pour y prendre la sœur Valentine réclamée par Edith.

17. Raymond d'Aux, chef d'escadron au X épouse aujourd'hui Riquette de Chargères, par un temps magnifique, à Paris.

18. Le colonel Skinner m'emmène déjeuner à Vauban, après quoi nous allons visiter Vezelay et Chastellux où le Duc de Duras nous fait les honneurs de sa royale maison. Retour par les étangs de Vaux que je ne connaissais pas et qui valent la peine qu'on aille les voir.
Les blés sont superbes dans tout le département, je n'ai pas vu un champ qui ne soit cultivé, et il y a de l'herbe partout. Il y a un vieux proverbe qui dit: le mois de Mai abime tout, où remet tout d'aplomb. C'est bien vrai cette année car depuis le 4, il fait un temps très favorable à l'agriculture et la lune rousse n'est pas méchante.

20. Le colonel Skinner et Taves viennent nous faire leurs adieux, ils quittent le camp ce soir. Le colonel nous donne tous les meubles rustiques qui garnissent sont home. Partout ailleurs les Américains brûlent tables, bancs, caisses, etc, sans compter les vêtements, chaussettes, caleçons, chandails, qui auraient pu habiller bien des pauvres.

21. Gelée blanche. Je vais à Saint Pierre chercher Augustin retour de Bulhon. La grande route est tellement atroce que nous revenons par Cougny et Saint Parize.

22. J'apprends les fiançailles de Moulin, célibataire endurci, avec Mademoiselle de La Boulaye, autre célibataire, non moins endurcie.
Foire de St. Pierre, baisse de 0,50 par livre sur les cochons.

23. Yvonne fait aujourd'hui sa première communion, en son honneur je m'approche du sacrement à la messe de Saint Parize dite pour elle.
Marguerite Messance, fille aînée d'Athanase Jourdan, meurt de la grippe infectieuse, laissant plusieurs petits enfants, son mari qui était veuf lorsqu'il l'a épousée , en avait déjà trois de son premier lit.

25. Edith accouche la nuit dernière d'une fille, tout se passe normalement. On aurait plutôt désiré un garçon. Pour mon compte, je me trouve satisfait, me rapportant au vieux dicton qui prétend qu'il vaut mieux une fille faite qu'un garçon à faire.

27. Je vais à Saint Pierre chercher Cécile qui nous arrive pour quelques jours avec Yvonne, car c'est elle qui doit être marraine de Bernadette. La route est toujours horrible et le rouleau ne fait pas son apparition pour écraser les pierres qui ne diminuent pas de volume. Les Goussart sont à Buy avec les fiancés.

28. Continuation de la sécheresse. Les jardins sont grillés et rien ne profite.

29. Ascension. Baptême de ma petite-fille Bernadette qui a été tenue sur les fonts baptismaux par le capitaine Comte d'Aunay et par ma fille Cécile Banéat. Le parrain a fort bien fait les choses, cadeau à la mère et à la marraine. Beaucoup de dragées et de chocolat.

30. Monsieur d'Aunay part à 1h40 et les Charles Tiersonnier viennent déjeuner .