9.12.12

Avril 1919



1. Le Cdt Jones nous amène dans sa limousine déjeuner à la Grâce. À cinq heures et demi nous prenons le thé à Nevers chez Edith et nous revenons par Chevenon faire une visite aux du Part. Nous passons par la route des Tuileries et du Chaumont à cause de la crue qui coupe celle du bas. La vue est splendide mais le chemin impraticable pour toute voiture autre que américaine.

2. Monsieur Giraud, propriétaire du magasin des 3 quartiers à Nevers, achète le château du Plessis aux Chargères qu'on dit ruinés. Au cercle agricole, il nous débarrasse du billard pour 1000 francs. Moins riche que lui, je me contente de retenir pour les donner à mes filles 6 gravures anglaises et pour moi une pendule et une table à jeu.

3. Je pars pour Paris avec Marcelle. À Nevers nous prenons Marielle qui vient dans la capitale pour voir son frère. En effet nous le trouvons à la Gare de Lyon, avec Josepha, tous nous allons dîner, rue de Varenne chez Antoinette Jourdier. Marcelle y reste coucher pendant que je vais hôtel de l'intendance, rue de l'Université.

4. Le lendemain nous déjeunons chez les Edmond Clayeux, de là je me dirige au rendez vous que m'a donné le Dr. Michon. Après un long interrogatoire, il me dit de venir le trouver dans huit jours. Nous dinons chez Paul Tiersonnier avenue de Saxe, ou nous sommes reçus de façon grandiose, menu raffiné, vins généreux, éclairage éclatant. La maîtresse de maison fort gaie et s'intéressant à tout ce qui se passe en Nivernais.

5. À 7 heures, nous sommes à Montparnasse ou nous montons dans le rapide de Brest qui nous dépose à 3 heures et demie à Rennes. Cécile et Yvonne nous attendent à la gare et nous amènent à pied jusqu'au boulevard Sevigné en passant par le célèbre Thabor. La ville me fait bonne impression et la maison de ma fille me paraît être bien ce qu'il lui faut. Elle est au bon air, dans un quartier élégant et facile à chauffer. Le jardinet est pratique et les petits pois commencent à sortir de terre. De la chambre que j'habite du côté du nord, l'on ne voit que des arbres parmi lesquels de beaux cèdres et des magnolias en fleurs.

6. Dimanche. À neuf heures, M. Baneat vient nous prendre, Yvonne et moi, pour aller à la messe à Notre Dame. En en sortant nous trouvons sa femme qui nous reconduit jusqu'au boulevard Sevigné. Dans la soirée, réception chez Cécile qui a organisé un Bridge en mon honneur. Après le goûter servi dans la salle à manger, on dresse 4 ateliers dans les deux salons. 13 dames et 9 messieurs prennent les cartes en main et je suis dans l'admiration de voir combien les femmes jouent correctement et commettent peu de faute à ce jeu pourtant difficile. La raison en est simple, c'est que tous les jours des Bridges s'organisent dans la société et que seules sont invitées dans les réceptions mondaines les dames et jeunes filles qui aiment à courtiser le carton.  

7. Nous déjeunons chez les parents Baneat et dans l'après midi, monsieur nous emmène visiter son musée ou j'admire de forts jolies choses. À cinq heures, Bridge chez Mme Fournel née de Montmarin de l'Orléanais. Trois tables, je suis le seul homme présent. Après le dîner chez Cécile, madame Le Jarel et sa fille viennent faire une partie. Ces dames causent beaucoup mais jouent encore mieux. Elles ont la réputation d'assurer la matérielle avec leur talent.

8. À cinq heures et demie, un fiacre vient nous quérir pour nous conduire à la gare de tramway qui devra nous déposer à 9 heures et demie à St. Servan. Partis sous la pluie nous avons la chance de trouver un soleil radieux en approchant de la mer. Nous passons à St. Malo et à Dinard une journée fort agréable. Je suis dans l'admiration de ce pays dont j'entend parler depuis longtemps.

9. Nouveau bridge chez Cécile ou les 4 tables réglementaires sont dressées, le sénateur de la ville, Moysan, est parmi les lutteurs. Il est resté 24 heures de plus qu'il ne devait à Rennes, pour faire ma connaissance, ce dont je suis très touché. Je remercie beaucoup toutes les dames de la société de l'accueil si aimable qu'elles ont fait à ma fille. L'une d'elle me dit que c'est dans son salon qu'Augustin a lu ses premiers vers pendant qu'il faisait son droit à Rennes.

10. Je prends congé de mes enfants et de la Bretagne et je reviens à Paris avec la pluie sans discontinué. Tout le pays que je traverse est inondé et je ne vois pas une belle récolte, même en Beauce.

11. Je déjeune chez Edmond avec les Louis de La Brosse. Mon neveu passe tous les après midi à Paris, ce qui lui est facile, tenant garnison à Bécon les Bruyères. Trois heures et demie m'appellent chez Michon qui l'examine sur tous les sens et me dit que l'intervention des couteaux est pour le moment inutile. Il me donne un long traitement à suivre, la suite me prouvera si c'est le bon.

12. Je rentre à Tâches ou rien ne s'est passé d'anormal pendant mon absence.

13. Messe des rameaux, assistance très nombreuse. Dans l'après midi je vais à Buy, voir Henri qui est aux prises avec un gros rhume, sa femme est au Plaix. Il me montre 3 belles juments anglaises arrivées depuis 8 jours. Il m'en a envoyé une de même race que je voulais mettre à Callot mais mon métayer ne l'ayant pas trouvé assez forte, je vais chercher à la revendre. C'est une superbe carrossière de 6 ans, 1,65 m
La pluie continue à tomber. Riquette de Chargère est fiancée à son oncle à la mode de Bretagne, Raymond d'Aix. Elle doit avoir 40 ans et l'autre 52. Pourquoi ont-ils attendu aussi longtemps pour unir leurs destinées, se méfiaient-ils du prix du pot-au-feu, il est cependant plus cher que jamais. On prétend que Raymond guette l'héritage de sa tante de Léautaud, s'il en est ainsi, le beurre arriverait dans les épinards.
Madame de Flamarre épouse un monsieur de 60 ans (Leneven) qui a autant de 1000 livres que d'années.
Le jeune de Durat, fils de Jehan, est fiancé à la fille du comte Dinet, ancien officier au 10 eme chasseur et anobli par le pape, à cause de sa grande piété.
Melle de Roquefeuille a épousé un M. du Ligondès.

15. Geneviève de Buzonnière vient au camp voir Frison et en son honneur, le colonel nous invite, Claire et moi, à déjeuner, les convives étaient au nombre de neuf, le repas servi à l'américaine était plutôt médiocre, un seule plat sérieux, des côtelettes de veau mal grillées, seul le dessert était abondant, tarte à la citrouille présentée sur la même assiette que des fromages de Hollande, salade de fruits passable, café et chocolats servis au milieu du repas.
Pluie et encore de la pluie.

17. Je sème dans le champ Guérin de l'avoine blanche américaine.
Il y a au camp un cas de petite vérole. L'unité est consignée.
Vent du Nord; beau temps.

Vendredi Saint. Vent Nord Est. Beau temps. Claire part pour Paris et Rennes et moi pour Nevers, ou je reste jusqu'au samedi soir.

Samedi. Les Clayeux, Geneviève et ses filles déjeunent chez Edith et à 3h1/2 goûter auquel assistent quelques dames amies de Geneviève, dont Madame de Verna et ses filles, M Thérèse Pinet, Jeanne Delamalle.

Pâques. Je fais mes dévotions à St. Parize ou plusieurs hommes s'approchent également de la Sainte Table et une trentaine de jeunes gens de 12 à 17 ans.

21. René Clayeux passe 24 h avec moi et Henri déjeune avec nous. Ensemble nous allons à Magny ou je paye la note de feu le Dr. Turpin qu'on a enterré il y a quelques jours. Nous voilà bien sans médecin dans notre pays.

23. Il gèle à glace, vent N.E. les arbres fruitiers n'ont cependant pas de mal.

24. Foire de St. Pierre, cours très élevés. Je vends 2 bœufs de Tâches 5900 Fr. ce qui les met à 385 la % de Kos.
Pluie dans la matinée.

27.28. 29. Alternatives de pluie, neige et glace. Charmant printemps!

30. Pluie, neige, froid. La lune rousse commence aujourd'hui. Dieu veuille qu'au lieu de ses méfaits ordinaires elle nous ramène un temps plus clément.