20.1.19

Juillet 1919


+ 1er. Le baron Charles Gémeaux meurt dans sa propriété de Gémeaux. De son mariage avec ma cousine Marie Louise Pinet des Écots, il laisse trois enfants, un fils Albert, une fille religieuse et une autre fille mariée à M. de Champs, officier d'infanterie.
La vicomtesse de Langardière, née Septier de Rigny, meurt à Bourges, c'est une cousine de ma femme que je n'ai jamais vue.

2. Pluie de quelques heures ennuyeuse pour les foins mais bonne pour les légumes et les avoines, pas suffisante encore pour mettre de l'herbe dans les près.
Marcelle va à Nevers avec Caudry
Les du Part nous font une longue visite, Antoine me raconte qu'il vient de louer son domaine de Villecourt à Garnet avec 1/4 d'augmentation, bail de 3.6.9 résiliable à chaque période. Il .... 15000 francs du Chaumont, il en veut 17000, il va probablement transiger à 16000.

3. Les Clayeux nous quittent pour aller à Moulins retrouver leurs petites filles qu'ils doivent conduire aux courses. Henri nous amène sa mère pour goûter.
Je m'aperçois en traversant mes blés que beaucoup d'entre eux sont pourris dans une proportion de 2 à 3 dixième.

4. Edith nous quitte avec ses enfants pour aller s'installer à Bulhon, depuis près de 5 ans, elle a presque continuellement habité avec nous, son absence va faire un grand vide dans la maison, et mon petit fils va bien me manquer.
Les Américains font de temps en temps des ventes aux enchères dans le camp. Ils adjugent à la même personne tout ce qu'il y a dans une baraque, lits, vaisselle, vêtements, etc. Ce sont généralement des brocanteurs de Nevers ou de St. Pierre qui se rendent adjudicataires de tout le lot. Dernièrement l'un d'eux a acheté pour 3200 francs le contenu d'une baraque, qu'immédiatement il a revendu le double ou même le triple.
Une autre fois cinq brocanteurs ont acheté pour 350 francs plusieurs caisses contenant des bandes de pansement, qu'ils ont revendu, onze mille francs, paraît-il.
Un lot de bottes en caoutchouc est revenu à 6 francs 50 la paire à une vente de Nevers. L'acquéreur s'est débarrassé des premières paires pour 75 et voyant qu'il n'y en avait pas pour les curieux il a vendu les dernières à raison de 22.

5. Pluie toute la nuit. Nous déjeunons à Buy avec ma tante Eugenie. Je vais ensuite à St. Pierre voir Robet car j'ai depuis quelques jours un fort lumbago, qui n'a rien à faire heureusement avec la vessie.
Madame le Sueur et sa fille viennent en visite. Elles me racontent que ne pouvant rien obtenir des Américains comme indemnité pour le domaine de Roussy qui est traversé par la voie du chemin de fer. Monsieur de Laveissière a écrit à Clémenceau pour s'en plaindre.
Roussy de M. Guilbraud est en vente, il y avait aujourd'hui des marchands de biens qui le visitaient.

7. Les Charles Tiersonnier nous amènent à déjeuner Jeanne et Paul Jourdier qui sont depuis quelques jours à la Grâce, pendant que leur mère est restée à Paris où on doit lui faire une petite opération. François retour de Salonique, où il est depuis 18 mois, lui tient compagnie.

8. Pluie très abondante et sans orage. Claire et Marcelle partent pour Vauban d'où Roger doit les mener demain à Avallon pour le dîner de contrat de Robert-Goussart.
Ma normande fait veau.

9. Mariage de Maurice Moulin avec Melle de Laboulaye. Cécile nous apprend les fiançailles de Melle de Boisrouvray avec Monsieur de Chalus, ce qui prouve qu'il ne faut jamais désespérer.

11. Strichnine cessée aujourd'hui.
      Claire et Marcelle reviennent de Vauban et du mariage Robert-Goussart où tout s'est bien passé. La mariée est jolie mais ne fait aucun frais.

12. Je vais à Nevers, ce qui ne m'était pas arrivé depuis 2 mois et demi, pour y faire quelque commission et quel n'a pas été mon étonnement de trouver toute les maisons de banque fermées depuis midi. C'est alarmant pour un samedi jour de foire, ou tout le monde vient en ville pour ses affaires.
Voyage au retour en chemin de fer avec R. de Bouillé qui me dit que les La Madelaine ont envie d'acheter le Sallay, que seul le prix demandé les arrête. 175 hectares dont 35 en bois. 425 000 francs, les frais en plus.

13. Les Edmond Clayeux nous arrivent pour passer trois jours avec nous. 
Le Louzat, terre et château, vendu par les Musnier aux Salvenier-Château. Les anciens fermiers montent en grade pendant que les anciens propriétaires descendent.
Le Mout, propriété achetée par Louis Clayeux il y a quelques années à Fernand de La Roche, ou plutôt à ses héritiers, est acquise par Jean de Marne, à peu près ce qu'elle avait coûté, le bénéfice du château sera la plus value prise par les cheptels du domaine qui de 40 000 francs peut monter à 150 000.
Jeanne Clayeux de Coulon annonce qu'elle donne à ses filles 6000 francs de dot, et que chacun de ses enfants aura un jour 18 à 20 000 francs de fortune. Sa bonne administration pendant la guerre et sa très grande économie ont pu ramener à hauteur une situation fort compromise.

14. Fête de la Victoire, un soleil radieux se met de la partie. Les du Part viennent dîner et à la nuit nous montons sur les Craies, d'où nous voyons quantité de feu d'artifice et beaucoup de fusée éclairante apportées du front.  

15. Pluie 8 heures de suite. Paul Tiersonnier est fait Officier de la Légion d'Honneur. Geneviève Tiersonnier amène Marie de Balloy pour déjeuner. Les Edmond Clayeux et Marcelle vont dîner à Chevenon.

16. Les Clayeux partent et les Étienne de La Brosse avec leur fille, les remplacent. Lettre du Major Taves démobilisé et qui part pour l'Angleterre retrouver sa femme.

19. Henri nous amène sa mère et sa tante pour déjeuner.
Pluie dans l'après-midi.
La belle Thérèse de Catheu est fiancée à M. de Vaux de Foletier, lieutenant de dragon, fils du colonel et de Madame née de La Bonninière de Beaumont.

20. Beau temps.

21. Ces dames vont déjeuner à la Grâce, pendant qu'Etienne et moi gardons la maison.

23. François Jourdier, lieutenant au 1er chasseur d'Afrique et retour de Hongrie, nous amène en auto sa mère et les Charles Tiersonnier pour dîner, c'est un superbe cavalier, très joli garçon que je n'aurai pas reconnu si je l'avais rencontré sur le boulevard. Nous avons bu à ses 23 ans.
Les La Brosse nous quittent ce même jour.

24. Foire de St. Pierre, cours bien porteurs sur toutes les sortes. Le lieutenant Cornu du 160 qui commande les hommes chargés de veiller à la garde du camp dîne avec nous.

25. Je vais à Nevers pour constatation des dégât causés à mon immeuble de la rue des 3 carreaux qui vient de m'être rendu par le 19ème de ligne. Je ne sais pas quelle indemnité me donnera l'armée, mais je doute fort que cela soit suffisant pour remettre la maison en bon état, car il faudra tout refaire de la cave au grenier.   

26. Guillaume du Verne déjeune avec nous pendant que son frère et Marie-Antoinette sont à Paris où cette dernière a subi une seconde opération, ils rentrent demain à la Baratte.

27. Distribution des prix à l'école libre de St. Parize. C'est pour la dernière fois que les sœurs laïcisées qui la dirigent vont y donner des récompenses à leurs élèves. Leur maison mère les rappelle dans leur département d'origine. Le comte de Montrichard, propriétaire et bienfaiteur de l'école a trouvé une autre directrice qui entrera en fonction à la rentrée d'octobre. Je recommence à prendre de l'uraseptine pour voir si cela améliorera l'état de mes reins toujours douloureux.

28. Claire et Marcelle vont déjeuner à la Grâce.


31. Pendant que Claire et Marcelle vont à Nevers par le train, je vais déjeuner à la Barre où je trouve Trompette en compagnie de son ami Roy.

Juin 1919


1er. Cécile et Yvonne nous quittent pour aller prendre à St. Pierre l'express de midi pour Paris et gagner Rennes, sans arrêt dans la capitale.

Les Américains me donnent ce jour 16200 francs pour 13 mois d'occupation. Il y a la dessus 6890 francs pour Bagnolet. 3180 pour .... 200 pour Callot 6070 fr pour moi. Depuis le 31 janvier 1919, nous avons à faire au Génie Français pour les locations.

2. Je passe la journée la plus atroce de la vie comme souffrance.

3. Robet vient me voir, me conseille de garder le lit, et me dit des paroles consolantes. Je suis très content de lui et de la sœur qui soigne Edith qui m'assiste avec intérêt.
Marguerite passe quelques heures avec nous, elle m'apporte à signer un pouvoir, car je devais aller ce soir à Fourchambault pour la réunion du conseil de famille des enfants de Georges.

4. Mon état ne s'améliore pas. Marcelle va à Nevers avec le garde et la jument Anglaise. Edith se lève pendant une heure. Il fait si froid qu'on allume du feu au salon.

5. Continuation de la crise, la sœur d'Edith et ma femme me soignent comme un enfant.

6.7. État stationnaire.

8. Légère détente dans mon état.

9. Une détente se produit.
Robert Senly meurt en Roumanie, où il fait partie de l'armée d'occupation. Ses malheureux parents sont bien éprouvés, ayant déjà eu deux de leurs gendres, les frères Gautley tués au champ d'honneur.

10. Robet vient me voir et me donne des paroles de consolation, mon état est sensiblement le même.
Albert de Marcy m'écrit pour avoir de mes nouvelles.
Chaleur écrasante, tout dessèche!

11. La chaleur continue et mon état reste sensiblement le même , je veux me promener un peu, mais mes jambes sont en coton.

12. Mon état à l'air de s'améliorer un peu, je vais jusqu'à Callot. La chère Miss Bergson nous vient pour 3 jours, elle arrive de Trèves où elle fait partie de l'armée d'occupation, il paraît que la bas, les Boches ont l'air très arrogants. Les grèves de chez nous ne sont pas faites pour les décourager.

13. État sensiblement le même, le jour je me traîne d'un domaine à l'autre, pour entendre les gémissements de chacun sur la sécheresse. Les foins se font avec rapidité, coupés le matin on peut les rentrer le soir.

15. Miss Bergson nous quitte pour retourner à Trêves. Claire va à Nevers pour faire une conférence chez les Petites Sœurs de l'Assomption. État stationnaire chez moi.

Trinité. Loué des domestiques à St. Parize, des gamins de 14 ans gagnent entré 1200 et 1500. Denis prend un assisté de 19 ans pour 1850 francs. Le directeur n'a pas voulu céder à moins, bien que l'intéressé soit moins exigeant.
Henri me fait une bonne et longue visite, il nous apprend que Madame Goussard, retour de Paris, s'est cassée un bras en descendant à la gare de Cravant.

17. Augustin retourne aujourd'hui à Bulhon par une chaleur horrible
Pluie bienfaisante mais de courte durée à 6 heures du soir.

18. Mariage Bouillé la Madeleine.  À la dernière heure, c'est à dire le 13, nous avons reçu une invitation à la cérémonie religieuse et au lunch. Notre réponse a été que nous irions à la messe, mais que nous déclinions l'invitation au repas. Quant à moi, je suis resté tranquille et ces dames y sont allées. Je parle de Claire et de Marcelle, car les Riberolles n'ayant pas été invités sont restés à la maison. Dans l'Eglise personne du peuple, le cortège assez nombreux, 4 quêteurs dont Guy Olivier remplaçant Joseph de Maumigny arrivé en retard. Plus de Bourbonnais que de Nivernais dans l'assistance. C'est l'abbé Vauquelin qui a célébré le mariage et prononcé le discours. Au retour Albert de Bouillé et sa fille Françoise se sont arrêté pour nous dire un petit bonjour, mon pauvre vieux camarade très ému, a pleuré tout le temps. Il ne parle que de son cher fils. Après le lunch servi dans une tente, par Poulet, restaurateur à Moulins, nous avons eu quelques visites, les Soultrait, les Henri Pinet et leurs fils, et les Clayeux qui sont restés pour dîner, Edmond, sa femme sa sœur et ses nièces.

19. Fête Dieu. Première communion à St. Parize. Notre curé dine avec nous et fait passer un examen de catéchisme à trois enfants de Moiry que Marcelle a préparé à leur première communion et qui la feront le jour de St. Jean, ce sont des assistés.
Claire va chercher à Nevers une jeune Irlandaise qu'Edith fait venir pour ses enfants.

21. Les américains font au camp une vente aux enchères de tout le contenu d'une baraque où l'on a entassé lits, chaises, tables, vêtements, etc. Un marchand de chiffons, de Nevers, se rend adjudicataire du tout pour 3150 francs et de suite il revend au détail les différents objets. Henri Robert rachète plusieurs choses, ma femme également. Quant à moi je vais un peu mieux.

22. Fête Dieu. Temps splendide si on n'avait pas besoin de pluie.
Fiançailles de Melle de Veyny, fille de Charles, avec Monsieur de Lagoutte du Vivier, beau frère de Béatrice de La Boutresse.

St. Jean. J'apprends la mort du Docteur Dézautière (75 ans) qui a exercé toute sa vie aux mines de la Machine, il vivait depuis quelques années à Corbigny dans une propriété qui lui venait de sa femme Melle Marion. Un fils officier de cavalerie marié. Deux filles, l'une mariée à M. Touchalaume, l'autre célibataire.
Le mariage de Thé-Marion qui se fait ce même jour à Moulins, a du être attristé par la mort de l'oncle.
Une épidémie de diphtérie se déclare à Magny, on prétend qu'elle a été amenée par les transbordements à travers les rues du village, des corps des Américains que l'on déterre pour les mener à Nevers.
Dans la matinée nous apprenons que la Paix à été enfin signée.

23. 10° seulement. On gèle. Une pluie très bienfaisante tombe à partir de midi.

25. Pour ma première sortie, je conduis ces dames à la messe du Sacré Cœur pendant que mon personnel apprête du foin. Je viens de payer à mon boucher pour 5 semaines 698 francs pour cinq maîtres et 4 domestiques et nous ne mangeons guère qu'un plat de viande à chaque repas, que serait-ce si, comme du temps de nos grands mères, on en avait régulièrement 2 le matin et 3 le soir. Il est vrai qu'à cette époque on vendait le cochon 8 sols la livre sur pieds, contre 9 francs aujourd'hui.

28. La Paix est signée aujourd'hui, sera t-elle sincère, que Dieu le veuille et que la Ligue des Nations nous garde contre un retours des horreurs que nous avons reçu. Je ne crois guère cependant à toute ces créations d'utopistes comme Wilson, et je persiste dans mon opinion, c'est que pour éviter la guerre il faut être le plus fort et être toujours sur ses gardes.
Louis de La Brosse est nommé au 29° Dragon à Provins.
Marie-Antoinette du Verne est de retour à la Baratte, maigrie mais bien portante maintenant qu'elle est débarrassée de son appendicite.
Claire et Marcelle déjeunent au Colombier, où elles trouvent René de Balloy assez fatigué. Elles reviennent par Fertot et la Grâce. Berthe revenait de la Haute Alsace où elle était allée prier sur la tombe de son malheureux frère.


30. René Clayeux et sa femme nous viennent pour trois jours.