17.6.10

MARS 1943

1 A 7 h du soir, j’entends frapper. C’est Marie Thérèse Guillemain qui étant venu voir les Minard pensait mettre son vélo dans l’autobus et rentrer à Nevers comme cela. Malheureusement, il ne marche pas le lundi, alors elle est venue nous demander à dîner et nous l’avons gardée à coucher. Très agréablement, nous avons gibernéavec elle.

2 Marie Thérèse et Marcelle partent de bonne heure pour la ville. L’une offre à déjeuner à l’autre. J’achète un bon veau à Le Sueur pour Calot pour 7 100 F.

3 A 7 h du soir, nous voyons arriver Augustin débarquant de la gare de Mars. Parti de Bulhon, hier avec Hervé à bicyclette, ils prennent à Maringues un car qui les conduit à Vichy, où ils remontent à cheval, direction St Géraud de Vaux où ils déjeunent. Ils goutent et couchent aux Gouttes, partent le lendemain à 2 heures pour Moulins où ils prennent le train, Augustin pour Mars et Hervé pour Nevers où il va retrouver sa femme. Il paraît qu’Edmond souffre assez sérieusement de névralgies.

4 Cheveux coupés par Mr Thierry. Marcelle accompagnée des Le Sueur, part à Chevenon au mariage Martimprey du Part. Le temps est un peu froid, mais superbe. Naturellement, Antoine arrive un peu avant 11 h, deux minutes avant Monseigneur, qui bénit l’union et fait un très beau discours. Nombreuse assistance dont toute la famille Bardin côtoyant les Damas, Montrichard, Nadaillac, Gindre etc. Lunch au château mi partie assis et debout dans 4 pièces. Fermiers et tenanciers es 2 familles déjeunaient dans l’orangerie. Un traiteur de Bourges était venu faire la cuisine. Guillaume du Verne avait rempli la camionnette d’Aïn Kala qui amène son vin à découvert de nombreux invités endimanchés, cela ressemblait à une mascarade de Mardi gras. Quant aux habitants du Colombier, ils étaient venus dans un autobus de ville d’eau. Gérard de Martinprey était là avec sa fiancée. A 6 h Hervé nous arrive à bicyclette et à 6 h ½ Simone et Hubert par le car. Il est superbe, grand pour son âge me dit-on et l’air malin, sa mère énorme, mais très en beauté. Hervé a deux furoncles sur la figure qui ne l’empêchent pas de dîner.

5 Le Colonel de Lécluse meurt à Nevers à l’âge de 85 ans, on l’enterre le 8 à Pazy près Corbigny. Mrg Chatelux meurt à Lyon où il s’était retiré près de Fourvière et on l’enterre aujourd’hui dans la cathédrale de Nevers. L’assistance est très grande. Hervé grimpé en haut de mon échelle double à 6 mètres 50 de haut pour couper une grosse branche d’orme, tombe en même temps que la branche sans rien se casser heureusement, seule l’échelle est en deux morceaux. Robet demandé ne trouve qu’un coup peu grave au ventre et ordonne un repos étendu pendant deux ou trois jours. Je profite du passage du docteur pour faire prendre ma tension qui est normale 17 et le cœur est bon, mais je dois continuer la digitaline et l’iodalose.

6 Augustin va à Nevers, il donne de l’eau bénite au Colonel de Lécluse, passe chez le notaire et le pharmacien.

7 Dimanche. Je conduis Simone à la messe avec mon âne. Hervé va bien. Antoine de Sansal déjeune avec nous. Maigre menu, notre boucher n’a pas la moindre viande. On se rabat sur un morceau de salé. Il fait un vent du Nord glacial. Nous nous régalons avec des chocolats envoyés de la Mse de Sévigné par G de Rouville.

8 Augustin va à Nevers voir le notaire et déjeuner chez les Sansal. Marcelle montre à Hervé nos limites de bois y compris le Ravin. Ils rencontrent Couturier qui était venu pour chasser le sanglier et qui a tué un renard.

9 Mardi gras. Beau soleil. Glace le matin. Poule au riz.

10 Je vais recevoir les Cendres. Augustin va à Nevers à bicyclette pour se faire arracher une dent chez Magdinier.

11 Hervé va à Nevers, où il achète une remorque pour sa bicyclette chez Morizot pour mille francs. Visite des Antoine Robert et de Marie Thérèse. Suzanne Le Sueur vient goûter. Téléphone de Cécile qui nous dit que le 7 le bombardement Anglo américain sur Rennes a été terrible. Près de 300 morts dans le quartier de la gare.

12 Augustin nous quitte, il a hâte de retourner à Bulhon, une lettre de Miette lui annonçant deux mauvaises nouvelles. Le jardinier est malade et une de leurs vaches Bretonnes a dû être abattue. Dédette après avoir subi une petite opération dans une clinique est en convalescence chez les Léotard. Marcelle et Hervé vont faire une visite à Gy au père Barillet qui est assez fatigué.

13 Marcelle va à Nevers assister à une messe de quarantaine pour Geneviève de Maumigny., déjeuner chez les Mollins et trouver à 2 h ½ madame Clech 42 rue de l’Oratoire pour lui louer le 1er étage de notre maison, Marie Antoinette du Verne ayant retenu le rez-de-chaussée pour ses œuvres.

14 Dimanche. Je conduis Simone à la messe que je ne peux pas lire, on m’a pris les lunettes que je laisse habituellement dans le banc de fabrique pour cet usage.

15 Marcelle et Hervé vont visiter nos bois de St Ouen, où les coupes de 40 et 41 ne sont pas encore terminées et dans celle de cette année il n’y a que deux vieux ouvriers. Ils reviennent par chez les du Part qui attendent les jeunes mariés demain. Il fait nuit depuis une heure quand ils rentrent pour dîner. Je me fâche contre ma chère fille qui adore les promenades après le coucher du soleil. Lettre de Roger qui tue des quantités de sangliers et qui se plaint de la grande sécheresse. Il attend sans enthousiasme son 5 éme petit fils. Bien des gens me demandent des nouvelles de Cécile après le bombardement de Rennes.

16 J’oublie mon rosaire, Marcelle aussi.

17 Hervé va se faire couper les cheveux à Magny. Il en revient avec une coupe nouvelle mode, comme un pelé. Nous lui rions au nez en nous moquant de lui. Visite du ménage Chleq, qui vient nous demander à louer le 1er étage de notre maison de Nevers, rendez-vous est pris pour le 24 pour examiner sur place les réparations qu’ils demandent.

18 Aux Champs blonds, Chassagnon paye la corde de cimiot à Camille Moquera 120 F et la vend prise au bois 300 F (2 stères 33). Richard et Michel la mènent à Nevers pour 350, ce qui fait 650 F plus l’octroi. (mention marginale : bois) A 6 h du soir, une dépêche nous annonce la mort du Général du Part.

19 St Joseph. Je m’approche de la Sainte Table. Il y a peu de monde à la messe, qui du reste est célébrée avec une grande simplicité et sans enfant de chœur. Visite de Paulette qui parle avec volubilité. Toujours la fâcheuse sécheresse. Tournée du contrôleur dans les greniers poulaillers et clapiers pour vérifier les déclarations de chacun.

20 Marcelle emmène Hervé visiter les domaines d’Azy. Chez Renaud tout va bien, il a 16 veaux. Chez Bringault, il y a 8 vaches qui sont vides, mais on leur offre à goûter et on leur donne une belle miche de pain blanc et de la farine à rapporter. J’ai la visite de Jean Guillemain. Anne de Rouville nous arrive pour dîner et passer 48 h. Le chien Farino n’étant en rien bon pour signaler le passage des intrus, je le noie dans l’étang. Lettre de Dédette qui tient compagnie à Madame de Léotard qui n’a aucune nouvelle de son mari emmené il y a une dizaine de jours par la Gestapo avec son chef, le colonel de La Roque dans une destination inconnue d’elle. Hervé a reçu d’Aix une proposition pour entrer dans la D.C.A. Il ne sait que répondre.

21 Dimanche. Je conduis Simone à la messe. Ma Normande met son premier veau au monde. Il est énorme. Je suis tout triste, tant de choses contribuent à assombrir l’avenir, cette horrible guerre qui ne veut pas finir, le brave Maréchal critiqué par bien des gens, le désaccord entre amis, les uns sont pour les Anglo américains, les autres contre, les communistes qui relèvent la tête, les difficultés que j’ai à faire ma déclaration d’impôts sur le revenu pour remplir les nouveaux imprimés auxquels je ne comprends rien, la sècheresse qui règne depuis le 14 février, plus de foin sur les lassies, pas d’herbe dans les prés, les avoines ne peuvent pas naître, que vont devenir mes petits fils, pas de nouvelles de Valence, hésitation d’Hervé pour savoir s’il va répondre à l’offre qui lui est faite d’entrer dans la DCA dans l’état de sa femme qui attend prochainement un second enfant ce qui ne l’empêche pas d’aller à pied goûter à Villard manoir. Hervé va à St Ouen relever sur la matrice cadastrale les numéros de nos bois, car nous payons pour 5 hectares qui ne nous appartiennent plus, pour réclamer au contrôleur.

23 Montrichard a la complaisance de nous conduire à Nevers Simone Hervé et moi. Nous déjeunons chez Madame de Sansal. Le contrôleur des contributions veut bien me recevoir et préparer avec moi ma déclaration d’impôt sur le revenu à laquelle je ne comprends rien et j’ai vu qu’il n’y comprenait pas beaucoup plus que moi. Passé chez Adenot pour assurer deux juments poulinières pour la mise bas, coût 2 900 F. Visite à Madame de Pardieu qui est peinte comme un vieux tableau et à la toujours aimable Jeanne de Mollins qui avait chez elle Germaine de Savigny, qui m’a dit que son frère Henri prisonnier en Allemagne était assez gravement malade. J’essaie un complet chez le tailleur Bourcicot. En rentrant à Tâches je trouve les petites sœurs des pauvres avec cocher et cheval qui viennent nous demander à dîner et à coucher. Il n’y a plus d’eau dans la Loire.

24 Marcelle et Hervé partent de bonne heure, passent par Le Mou où ils sont retenus par le fermier Garnet qui leur offre un bon déjeuner. A Nevers, ils retrouvent rue de l’Oratoire Mme Chleq et Marie Antoinette pour s’entendre au sujet de la location. Il tombe 25 gouttes de pluie dans la soirée.

25 Mon jardinier achète pour 750 F un petit cochon à Calot. Il n’a rien pour le nourrir, ce sont mes faibles réserves qui vont y passer. Lettre d’Augustin qui a toute la guigne possible, il a été obligé d’abattre une vache qui n’a pas pu mettre bas, il en achète une autre qui fait veau en arrivant et qui est prise d’une pneumonie infectieuse dont elle va probablement crever. Hervé va à Nevers et commence à ranger dans la maison différentes choses dans la lingerie qui va faire le garde meubles.

26 Légère pluie. Michel met ses vaches au pré, c’est un mois trop tôt. Avec Hervé qui est beaucoup plus fort que moi, nous faisons ma déclaration d’impôt sur le revenu. C’est un casse tête dont j’aurais eu de la peine à sortir tout seul. Hervé apprend qu’il est nommé aux chantiers de la jeunesse à Pontgibaud. Gérard Clayeux est arrivé la nuit dernière aux Fougis, la série des garçons continue.

27 Pluie. Dimanche. Nous attaquons un excellent jambon préparé par Marcelle. Les Hervé lui font honneur car l’un et l’autre sont de gros appétits.

28 Avant de me coucher, j’avance ma pendule d’une heure. Hervé s’embarque à 12 h 40 à St Pierre , direction Riom et Châtelguyon pour voir ses futurs chefs, c’est ainsi que l’on nomme ceux qui commandent dans les chantiers de jeunesse et gagner ensuite Bulhon. Marcelle passe sa journée à Nevers pour ranger dans la maison. Mesdames de Mollins et Mabire viennent bien aimablement changer la poussière de place. Quant à moi, je bêche un des 4 carrés du rond.

29 Nous dînons sans lumière.

30 Les Massias et Suzanne Le Sueur viennent goûter.

31 M. Mauban me fait une visite pendant que sa femme accompagnée de 3 dames de Nevers fait une conférence aux ligueuses de St Parize et leur apprend à faire des escalopes de veau, sans viande mais avec du fromage caillé. Une cinquantaine de femmes assistaient à cette réunion qui avait été organisée par ma fille dans la salle de l’école libre.

3.6.10

FEVRIER 1943

1 Marcelle enfourche sa bicyclette pour aller à St Pierre prendre le train de 12 h 40 direction les Gouttes où elle veut aller voir sa vieille tante et ensuite si possible à Boutavent pour embrasser Yvonne et ses trois filles. Son train a deux heures de retard. Les gardes du SHC font un procès à Asselineau qu’ils prennent surveillant une tente de collets.

2 La Chandeleur. Edmond a aujourd’hui 64 ans. Miette nous revient par le train de 18 h 40. Elle est accompagnée d’Eliane Villedey qui vient passer quelques jours ici. La conversation ne chôme pas jusqu’à 11 h du soir.

3 Les gardes du SHC prennent Dupré surveillant une tente de collet dans le champ de Nevers, où il râpe de l’épine, d’où nouveau procès. Mes 3 filles déjeunent chez leur amie Paulette Le Sueur.

4 Pluie. Marcelle revient pour dîner après trois dures journées en chemin de fer, car, autos et surtout bicyclette dont 25 kilomètres sous une pluie battante. Enfin elle est venue à bout de son programme, c'est-à-dire Les Gouttes le 1 et le 2, Boutavent le 3. Elle y va par Le Donjon, Marigny et Cluny. Elle trouve Yvonne assez maigre et les petites en bon état. Madame de Valence l’accueille très aimablement, mais bien simplement. Elle n’a pas de domestique et sa fille Yvonne et elle-même font le service. Il y a de très beaux meubles dans le salon. Pour le retour, Marcelle et sa nièce vont à Cluny à bicyclette, là elles prennent un taxi qui les mène à La Clayette. Là elles se séparent. Marcelle prend sa monture jusqu’à Roanne où elle prend pour Nevers, d’où elle nous arrive encore à vélo, pas trop fatiguée.

5 Premier vendredi. Je m’approche de la Ste Table avec mes petites filles et Eliane. A midi, téléphone de Geneviève Clayeux disant que le Lt Plessart qui tenait garnison avec Jean a été fait prisonnier et rapatrié en France par les Boches en avion. Il est à Roanne et prie d’avertir sa femme qui est à Rennes. C’est ce que nous faisons. Il nous apprend que Jean après s’être battu en Novembre est maintenant à Oudjda. Paulette Le Sueur arrive pour gouter, en apportant des gâteaux. On fait l’obscurité dans la salle à manger, où sont allumées 25 bougies en l’honneur des 25 ans d’Eliane Villedey. Je fais remplacer dans l’avenue 3 érables qui sont morts. Plusieurs hommes de la Commune passent une visite médicale en vue d’être envoyés en Allemagne comme travailleurs, dont le domestique des Petites Granges. Il ne nous restera personne dans les champs.

6 La commandantur se charge de faire elle-même les réquisitions de pommes de terre d’œufs et d’avoine, même où il n’y en a pas. Elle exige que chaque commune garde pendant les nuits les voies de chemin de fer qui les traversent. Les hommes de 18 à 60 ans devront assurer ce service. Ils seront payés 7 francs par heure et chaque équipe veillera 3 nuits de suite. Mes trois filles vont déjeuner à Nevers où elles retrouvent Paule de Villaines à la Dame Blanche. Elles goutent chez Melle Franc Bernard avec les Sansal. A 2 h, Marcelle accompagnée de Picard, mon homme d’affaires, font avec Gonin, le locataire de notre maison, l’inventaire de celle-ci, qu’il quitte. Marie Antoinette du Verne, nous la demande pour ses œuvres.

7 St Blaise. Beaucoup d’hommes de la confrérie à la Messe. Je me fais inscrire dans ses rangs, j’aurais dû le faire depuis longtemps. Eliane Villedey nous quitte pour aller voir sa jeune sœur qui est en pension à Chantenay.

8 Mes petites filles retournent à Bulhon. C’est toujours avec un gros serrement de cœur que je vois un des miens me quitter, car je me demande si ce n’est pas pour la dernière fois. J’ai dit plus haut qu’à Rennes, elles avaient été invitées à gouter chez Madame Hubert. Cécile nous écrit que Miette avait été remarquée par un de ses fils qui demande à la revoir. Celle-ci interrogée, dit qu’elle n’y tenait pas. C’est toujours flatteur.

9 Pluie. Le chien Farinot s’étant sauvé et réfugié au Colombier, Marcelle va y déjeuner pour le ramener. Pendant ce temps, je vends la coupe de St Ouen à Magdinier, que je ne connais guère, mais il me donne un gros acompte en signant le marché, ce qui est la meilleure des garanties.

10 Journée sans histoire. Carte d’Yvonne.

11 Madame de Lépinière et sa fille Marie Thérèse viennent passer la journée avec nous par l’autobus.

12 Gabriel Dervault se remarie avec une veuve de 65 ans qui a un château, Mme de La Thibaudière, très bien de sa personne. Cet animal a eu le talent d’épouser deux jolies veuves. Les Guillemain viennent de vendre salle Drouot une bergère Louis XV qui était dans leur salon de Corbigny pour 220 000 F. La tapisserie était très râpée et il lui manquait un pied. Téléphone de Cécile qui a eu la visite du Ct Pressard dont la mère habite Rennes et dont la femme et les enfants sont à Oujda avec Jean. Il a été ramené en France le 19 janvier avec un avion Boche. Marcelle goute chez les Le Sueur qui lui vendent une épaule de mouton, 20 F la livre, celle du cochon en vaut 25 poids vif. Je dis à Faucher de me faire une corde sciée à 0,33 pour qu’il entre dans le poêle du vestibule.

13 Monsieur de Costa étant chez son coiffeur à Morlaix a été tué par un éclat d’obus lancé par les Anglais.

14 Dimanche. Marcelle va gouter à La Chasseigne. C’est elle qui lui apprend la mort de son cousin germain.

15 Pluie. Carte d’Augustin. Farino apporte à la cuisine un lapin qui a un collet au cou.

16 Neige. Suzanne Le Sueur déjeune et passe la journée avec nous. Elle est vraiment très agréable. Jean m’emmène voir des veaux à Chéron et à Dérhé.

17 La loi sur les successions ayant été mal interprétée par le notaire d’Yvonne, celle-ci a encore à verser au fisc 207 000 F et cependant parce que son père a été tué au champ d’honneur, les droits à payer pour l’héritage de son grand père ne sont que ceux de père à fille. Heureusement que je peux lui venir en aide de même que je viens de le faire en faveur des Riberolles pour la succession d’Edith. Marcelle trouvera sa part sur la valeur du cheptel qui a monté considérablement ces années dernières et sur celle des bois.

18 -5°. Carmen et Simone passent la journée avec nous. Cette dernière qui attend dans 3 mois est énorme. Nous leur faisons manger notre dernière dinde et un fromage à la crème, ce qu’on mesure au compte gouttes car le lait devient une rareté (Mention marginale : St Ouen) Les Soultrait ont 183 hectares de bois et la Commune ne leur demande que 40 stères de chauffage à fournir aux Allemands, le même nombre qu’à mes filles qui n’en ont que 95. Les Féligonde nous téléphonent la mort de Geneviève de Maumigny.

19 -5°. Moreau nous emmène à Nevers. J’en profite pour donner l’ordre au Crédit Agricole d’envoyer 150 000 F au notaire d’Yvonne pour payer au fisc un supplément aux droits de succession qu’elle a déjà payés pour son grand père. Ils sont énormes et cependant ils ne sont que de père à enfant parce que le sien a été tué à l’autre guerre. J’envoie aussi à Augustin leur part dans le premier versement du bois de St Ouen. Je vais voir Hubert qui fait honneur à sa nourrice. C’est un superbe gars aux yeux bleus et aux cheveux blonds qui a 7 dents et qui commence à marcher. Marcelle revient à bicyclette et va à 2 h retrouver Picard dans notre maison pour parler de la location. Marie Antoinette du Verne prendra le rez-de-chaussée pour ses œuvres. Lettre de Roger de La Brosse qui a été assez fatigué.

20 -3°. Marcelle va en bécane jusqu’à Limont rendre un dernier devoir à sa bonne amie Geneviève de Maumigny, morte à 56 ans après une longue maladie. Elle déjeune avec la famille et goute au Chazeau en revenant.

21 Dimanche. En l’absence de sa femme, Montrichard vient déjeuner avec nous par un temps radieux.

22 J’envoie à Maître Lefeuvre notaire à Rennes, un chèque postal de 150 000 F pour payer les droits de succession qu’Yvonne doit verser pour l’héritage de son grand père. Ils sont énormes n’étant cependant que ceux de père à fille, parce que le sien est mort en 1914 au champ d’honneur. Avec Gonin et mon jardinier, je fais dégager la bonde métallique de l’étang Américain à l’aide d’un tombereau. Je voudrais changer mon vieil âne contre un jeune. On m’en offre un à Mars pour 30 000 F. Je recule devant ce prix astronomique. Il fait un temps d’été.

23 J’envoie à Madame de Brezé et de Villaine une offrande pour la quête des petites sœurs des pauvres. Il fait un temps idéal, on peut rester assis dehors comme hier.

24 Koutchi nous fait part des fiançailles de Gérard avec Monique de Foulque. Guite nous écrit que Tours a été bombardé par les Anglais 3 jours de suite, plusieurs morts et de nombreuses machines de chemin de fer détruites. Je finis d’aménager la chaussée de l’étang des Chaumes Vieilles. La ligne de démarcation entre les zones prendra fin le premier mars.

25 Monsieur le curé déjeune avec nous et à gouter nous avons la charmante Melle Valois. Je termine ma chaussée d’étang et je constate avec peine que la bonde est trop élevée d’une dizaine de centimètres. Cécile nous envoie ½ livre de beurre qui est la bienvenue. Elle ne sera pas dans la zone interdite.

26 Marcelle loue à Naudin pour 400 F une chambre attenant à sa maison pour y installer une pharmacie. Bertrand, apothicaire à Nevers lui ayant procuré à prix coutant des remèdes utiles que les gens du pays trouveront là sans aller les chercher au loin. Pour y mettre aussi les provisions que propriétaires et fermiers voudront bien leur envoyer : haricots, farine, sucre etc. pour faire des colis pour les prisonniers de la commune qui sont peu fortunés. Je vends à Dufour à la scierie de St Pierre un orme loupé pour 800 F et un autre qui ne l’est pas 400 F le stère. De Moulins, Edmond nous téléphone qu’Augustin nous fait dire qu’avec Hervé, il viendra nous voir en bicyclette la semaine prochaine et qu’ils feront escale aux Gouttes.

27 Je perds la parole pendant quelques heures avec assez violent mal de tête, ça se passe pendant la nuit. Marcelle me fait une piqure d’arécoline. Cécile nous téléphone que Rennes a été bombardé, mais qu’elle n’a pas de mal. Carte d’Hervé nous annonçant que la ligne de démarcation allant être supprimée le 4 mars à Moulins, il viendrait nous voir avec son père à bicyclette.

28 Dimanche. En allant à la messe, je porte différentes choses dans l’officine de Marcelle.

2.6.10

JANVIER 1943

1 Dégel. Les chemins sont si mauvais que je ne peux pas aller à la messe. Au coin du feu je demande au Bon Dieu d’envoyer une paix prochaine à notre malheureuse France. J’ai des lettres de tous mes petits enfants sauf Valence, Kiki m’écrit son premier mot, Yvonne me dit qu’elle travaille bien. Téléphone de Cécile. Lettre de Pierre Tassain qui ne m’oublie jamais. Il vit seul à Nevers, fait son marché, sa cuisine et des économies. Pour qui ?

2 Journée sans histoire.

3 Dimanche. Messe, pas de Vêpres. Lettre de la Mse de Chargères qui déplore de voir tant de Français se diviser. Moi qui suis très panache, je garde mes préférences au chef que nous avons et non à ces Anglais qui ont toujours désiré notre ruine dans tous les siècles de notre histoire.

4 J’ai la visite du garde Joly qui me parle de la réquisition du bois de chauffage et de la difficulté de trouver des ouvriers pour le faire faire. Je vais en prévenir le Maire. Visite des Massias qui emmènent Marcelle goûter chez les Le Sueur. Nous tuons un cochon de 80 kilos mis au saloir par le boucher Renaud. Marcelle envoie un jambon à Monnier et une épaule aux Jacquemard. Suzanne de Rouville me comble, je reçois une boîte de chocolats de chez Marquis, ceci pour reconnaître l’abandon que je fais en sa faveur du tabac que je touche chaque mois et qui n’est pas une privation pour moi.

5 +6°. Il fait plus chaud dehors que dans ma chambre. La buée est à l’extérieur. Suzanne Le Sueur et Jean viennent nous souhaiter la bonne année. Leclercq me fait espérer qu’il pourra me donner les 40 stères de bois qu’on me demande à St Ouen pour la réquisition.

6 Jean Le Sueur devait nous conduire à Nevers, son gazo n’a pas voulu partir. Je fais rouler de la pierre cassée provenant des baraques du camp sur le chemin du domaine qui est complètement défoncé. Le père Michel l’écarte.

7 Les Le Sueur emmènent Marcelle à Nevers avant déjeuner et Moreau m’y conduit après. Je visite le concours agricole. Dosson de La Grace a tous les premiers prix. Les ventes vont vite et tous les veaux partent pour de gros prix. Je passe chez Picard mon homme d’affaires qui est mon intermédiaire avec mon locataire Gonin qui me paye en retard et prétend que je ne peux pas le mettre à la porte. Je patiente ayant très peur de voir entrer les Allemands chez moi, s’ils voyaient la maison libre car il la leur signalerait. Visite à Jeanne de Mollins. Les Gabriel Mathieu nous amènent M.A. du Verne qui vient très aimablement passer 48 h avec nous.

8 Carte de Dédette qui nous annonce qu’avec Miette, elle viendra nous voir le 12. Lettre de Berthe qui accuse réception à Marcelle d’un chèque de 2 500 F qu’elle lui a envoyé, Aline, Geneviève et Edmond l’ayant prié de le lui faire parvenir pour venir au secours de sa détresse. C’est bien généreux et gentil de leur part. Paulette Le Sueur est venu apprendre à ma fille à faire de la galette à la grignaude. On enterre aujourd’hui le Ct Bouchacourt âgé de 78 ans, mort à la suite d’une courte maladie. Ses derniers jours ont été très attristés, le ménage de son fils marchant très mal. Mgr Fillon, archevêque de Bourges est enterré également aujourd’hui, victime des Boches. Un jour où il avait besoin de changer de zone, ils l’ont fait déshabiller et l’ont laissé tout nu pendant un ¼ d’heure dans une pièce froide d’où pneumonie et mort.

9 Tournée des agents du S.H.C. qu’on voit rarement.

10 Pluie. Dimanche. Bien peu de monde à la messe. Les femmes brillent par leur absence. Paulette Le Sueur vient manger des pieds de cochon avec nous. Elle est agréable, avec l’exubérance de son père. Madigner me paye l’écornage des arbres de lisière du bois des Antes. Les prés sont à blanc d’eau.

11 Pluie. Les fossés débordent partout. Il a encore plu toute la nuit. J’espère que le puits du Lieu Maslin que l’on voussait chaque matin est enfin rempli. Carte d’Yvonne qui n’a toujours pas de nouvelles de Jean.

12 Orage, grêle, pluie, tempête. A 6 h ½ Marcelle prend Jaurès et descend à Mars au devant de Miette et Dédette qui nous viennent pour quelque temps et pour rapporter les valises pendant qu’elles montent sur leurs bicyclettes. Elles arrivent trempées mais avec bonne mine. Nous gibernons jusqu’à 11 h. J’ai la visite de Bongrand, marchand de bois, accompagné de mon garde Joly. Nous ébauchons un marché pour ma coupe mais ne concluons pas.

13 Tempête qui découvre en partie la grange du domaine du petit château. Pourrais-je la réparer car on ne trouve plus ni tuiles ni lattes. Le côté couchant avait été fait il y a quelques années et j’attendais des jours meilleurs pour refaire l’autre côté. J’ai eu tort.

14 La tempête continue jusqu’à midi. Paulette Le Sueur vient voir mes petites filles. La conversation ne chôme pas. J’envoie au notaire Gallicher un chèque de 134 000 francs pour payer les droits de succession de ma chère fille. Jeanne de Mollins téléphone à Marcelle pour lui demander si elle n’aurait pas quelque chose à lui envoyer à manger. Ils meurent de faim.

15 Nous avons la visite des Gabriel Mathieu, toujours très agréables. Lettre de Cécile qui attend ses nièces. Ses amies la ravitaillent copieusement.

16 Mon rosaire. J’ai un peu de trouble dans la vue et la parole pendant une heure. Miette me fait une piqure d’Arécoline. André Robert va un peu mieux. A la suite d’une congestion pulmonaire, on l’a cru perdu. Pendant 48 h sa fille Jalenques est près de lui. Ceci écrit de Moulins par Edmond qui dit que l’assistance au concours agricole est très brillante. Marcelle, Miette et Dédette vont à Nevers à bicyclette. Les petites déjeunent avec Paule de Villaine à qui elles ont donné rendez-vous.

17 Jacques de La Brosse de passage dans la Nièvre en se rendant à Paris, s’arrête ici pour déjeuner et manger notre dernière dinde.

18 Mes petites filles vont coucher chez les Sansal pour prendre demain le train à 5 h 45 pour Paris, où elles doivent passer 3 jours à Asnières chez leur amie Madame Brucy et aller ensuite à Rennes. J’envoie à la réquisition une vache de Calot pesant 560 kg et ma vieille Bretonne pesant 380 kg.

19 +8°. Madame de Montrichard vient nous voir à pied. Le plus jeune des petits Michel se casse une jambe en tombant d’une échelle. Il fait un temps de printemps.

20 Je fais faire un fossé le long de la clôture qui sépare le pré de la Joie de celui des Petites Granges pour empêcher les animaux de se mélanger. Pierre Lavergne commence à réparer la grange du domaine. Il met le peu de tuiles mécaniques qui lui restent à la place des vieilles petites tuiles. Il est loin d’en avoir assez.

21 Cholette de Sandol et Bernadette de Noblet viennent à bicyclette déjeuner avec nous. Cette dernière est une superbe fille. A 2 h je vais à St Parize enterrer la femme Couillard née Bignolet. A 4 h ½, Marcelle prend part à un grand gouter donné au manoir de Villar pour fêter les 18 ans de Guite Le Sueur. Tout le voisinage était là : Grincour, Gozard, de Fontenay Thonnier et deux camarades de pension. Anne de Rouville et Solange de Barrau que Marcelle qui aime toujours avoir du monde amène dîner et coucher ici.

22 +12°. Temps doux, idéal. J’ai la tête un peu lourde, aussi Marcelle me fait une autre piqure d’Ascéoline.

23 Moreau m’amène à Nevers où j’essaye mon complet chez le tailleur Bourriquat. La maison de Marie Antoinette du Verne est fermée, mais je suis reçu par Marguerite Pinet qui m’apprend que sa fille a réintégré le domicile conjugal où elle a trouvé Madame Dugas qui a 98 ans. A Nevers ni fromage ni chocolat auquel j’ai droit.

24 Dimanche. Je marque dans la carrière des Chétives Vignes 50 pieux d’acacias pour faire une clôture dans les craies du domaine du Pied Prot. Dervault de St Parize revenu de captivité a l’impression que les Boches se considèrent comme ayant perdu la guerre.

25 Marcelle déjeune à Buy avec Ginette Jalenques venue pour voir son père qui va mieux. Carte d’Hervé qui a été à Châtel Guyon voir mon cousin Ballot qui est chargé du recrutement des officiers démobilisés pour les mettre dans les chantiers de jeunesse, où il voudrait trouver une situation.

26 Les Le Sueur nous emmènent à Poiseux à l’enterrement de ma vieille amie Marie de Marcy, morte après une assez longue maladie. Plus de monde que je n’aurai cru avec la rareté des voitures. Marcelle n’a jamais pu trouver de voiture pour les Chargères. Les d’Aux étaient venus la veille et Villeneuve était allé les chercher avec sa voiture à Nevers. Riquette a beaucoup maigri et ressemble énormément à sa mère. Mon ami d’Anchald a 100 ans. Nous nous sommes embrassés. En passant à Nevers, Marcelle a vu Simone et Hubert arrivés hier rue du Sort.

27 Marcelle déjeune à Chevenon, où elle apprend que le mariage est fixé au 4 mars et qu’il sera bénit par notre évêque. Elle manque la visite des démarcheurs de la Société Générale.

28 Foire de St Pierre à peu près nulle. Avec mon âne, je vais jusqu’aux Champs Blonds de Tassain, où je me suis réservé 6 cordes de bois qui auraient dû m’être livrées il y a un an, mais là comme ailleurs, on ne trouve pas d’ouvriers. Madinier m’offre un peu plus cher que Bongard du bois de St Ouen, j’attends encore.

29 Les Edmond Clayeux et Geneviève viennent passer la journée avec nous et nous apprennent une nouvelle qui me fait grand plaisir, c’est que quelqu’un a entendu à la radio qu’un M. de Valence faisait dire du Maroc à sa famille de France, qu’il se portait bien. Mes petites filles nous arrivent pour déjeuner retour de Rennes, où elles ont laissé leur tante Cécile en bonne santé. Sa maison est toujours aussi hospitalière. Elles y ont vu Mesdames Le Gonidec, d’Héliant et Nénette Feuchère sans compter un Boche. A Paris, les petites ont passé 48 h chez leur amie Brucy. Edmond Clayeux à qui les Boches ont retiré son fusil comme à tous les autres, ne veut plus garder que 2 bassets, amène le chien Farino à Marcelle qui espère qu’il aboiera quand un intrus traversera la cour. A Rennes Madame Hubert, femme du docteur invite mes petites filles à gouter, est-ce dans un but intéressé ?

30 Pluie. Les petites vont à Nevers par l’autobus pour assister à une conférence indépendante qui se tient chez Melle Franc Bernard, tous les mois et présidée par Monseigneur et se retrouvent les jeunes filles du monde : Melles de Croy, de Damas, de Nadaillac, de Villaines, Le Sueur, de La Brière, de St Germain qui est leur présidente. Miette part pour La Belouze passer 48 h. Les Le Sueur ramènent Dédette.

31 Dimanche. Mon métayer de Tâches achète une vache Normande pour avoir du lait, ceci à ses frais pour 8 500 F avec un veau d’un mois. Je discuterai plus tard les conditions dont il la gardera.