20.1.19

Juillet 1919


+ 1er. Le baron Charles Gémeaux meurt dans sa propriété de Gémeaux. De son mariage avec ma cousine Marie Louise Pinet des Écots, il laisse trois enfants, un fils Albert, une fille religieuse et une autre fille mariée à M. de Champs, officier d'infanterie.
La vicomtesse de Langardière, née Septier de Rigny, meurt à Bourges, c'est une cousine de ma femme que je n'ai jamais vue.

2. Pluie de quelques heures ennuyeuse pour les foins mais bonne pour les légumes et les avoines, pas suffisante encore pour mettre de l'herbe dans les près.
Marcelle va à Nevers avec Caudry
Les du Part nous font une longue visite, Antoine me raconte qu'il vient de louer son domaine de Villecourt à Garnet avec 1/4 d'augmentation, bail de 3.6.9 résiliable à chaque période. Il .... 15000 francs du Chaumont, il en veut 17000, il va probablement transiger à 16000.

3. Les Clayeux nous quittent pour aller à Moulins retrouver leurs petites filles qu'ils doivent conduire aux courses. Henri nous amène sa mère pour goûter.
Je m'aperçois en traversant mes blés que beaucoup d'entre eux sont pourris dans une proportion de 2 à 3 dixième.

4. Edith nous quitte avec ses enfants pour aller s'installer à Bulhon, depuis près de 5 ans, elle a presque continuellement habité avec nous, son absence va faire un grand vide dans la maison, et mon petit fils va bien me manquer.
Les Américains font de temps en temps des ventes aux enchères dans le camp. Ils adjugent à la même personne tout ce qu'il y a dans une baraque, lits, vaisselle, vêtements, etc. Ce sont généralement des brocanteurs de Nevers ou de St. Pierre qui se rendent adjudicataires de tout le lot. Dernièrement l'un d'eux a acheté pour 3200 francs le contenu d'une baraque, qu'immédiatement il a revendu le double ou même le triple.
Une autre fois cinq brocanteurs ont acheté pour 350 francs plusieurs caisses contenant des bandes de pansement, qu'ils ont revendu, onze mille francs, paraît-il.
Un lot de bottes en caoutchouc est revenu à 6 francs 50 la paire à une vente de Nevers. L'acquéreur s'est débarrassé des premières paires pour 75 et voyant qu'il n'y en avait pas pour les curieux il a vendu les dernières à raison de 22.

5. Pluie toute la nuit. Nous déjeunons à Buy avec ma tante Eugenie. Je vais ensuite à St. Pierre voir Robet car j'ai depuis quelques jours un fort lumbago, qui n'a rien à faire heureusement avec la vessie.
Madame le Sueur et sa fille viennent en visite. Elles me racontent que ne pouvant rien obtenir des Américains comme indemnité pour le domaine de Roussy qui est traversé par la voie du chemin de fer. Monsieur de Laveissière a écrit à Clémenceau pour s'en plaindre.
Roussy de M. Guilbraud est en vente, il y avait aujourd'hui des marchands de biens qui le visitaient.

7. Les Charles Tiersonnier nous amènent à déjeuner Jeanne et Paul Jourdier qui sont depuis quelques jours à la Grâce, pendant que leur mère est restée à Paris où on doit lui faire une petite opération. François retour de Salonique, où il est depuis 18 mois, lui tient compagnie.

8. Pluie très abondante et sans orage. Claire et Marcelle partent pour Vauban d'où Roger doit les mener demain à Avallon pour le dîner de contrat de Robert-Goussart.
Ma normande fait veau.

9. Mariage de Maurice Moulin avec Melle de Laboulaye. Cécile nous apprend les fiançailles de Melle de Boisrouvray avec Monsieur de Chalus, ce qui prouve qu'il ne faut jamais désespérer.

11. Strichnine cessée aujourd'hui.
      Claire et Marcelle reviennent de Vauban et du mariage Robert-Goussart où tout s'est bien passé. La mariée est jolie mais ne fait aucun frais.

12. Je vais à Nevers, ce qui ne m'était pas arrivé depuis 2 mois et demi, pour y faire quelque commission et quel n'a pas été mon étonnement de trouver toute les maisons de banque fermées depuis midi. C'est alarmant pour un samedi jour de foire, ou tout le monde vient en ville pour ses affaires.
Voyage au retour en chemin de fer avec R. de Bouillé qui me dit que les La Madelaine ont envie d'acheter le Sallay, que seul le prix demandé les arrête. 175 hectares dont 35 en bois. 425 000 francs, les frais en plus.

13. Les Edmond Clayeux nous arrivent pour passer trois jours avec nous. 
Le Louzat, terre et château, vendu par les Musnier aux Salvenier-Château. Les anciens fermiers montent en grade pendant que les anciens propriétaires descendent.
Le Mout, propriété achetée par Louis Clayeux il y a quelques années à Fernand de La Roche, ou plutôt à ses héritiers, est acquise par Jean de Marne, à peu près ce qu'elle avait coûté, le bénéfice du château sera la plus value prise par les cheptels du domaine qui de 40 000 francs peut monter à 150 000.
Jeanne Clayeux de Coulon annonce qu'elle donne à ses filles 6000 francs de dot, et que chacun de ses enfants aura un jour 18 à 20 000 francs de fortune. Sa bonne administration pendant la guerre et sa très grande économie ont pu ramener à hauteur une situation fort compromise.

14. Fête de la Victoire, un soleil radieux se met de la partie. Les du Part viennent dîner et à la nuit nous montons sur les Craies, d'où nous voyons quantité de feu d'artifice et beaucoup de fusée éclairante apportées du front.  

15. Pluie 8 heures de suite. Paul Tiersonnier est fait Officier de la Légion d'Honneur. Geneviève Tiersonnier amène Marie de Balloy pour déjeuner. Les Edmond Clayeux et Marcelle vont dîner à Chevenon.

16. Les Clayeux partent et les Étienne de La Brosse avec leur fille, les remplacent. Lettre du Major Taves démobilisé et qui part pour l'Angleterre retrouver sa femme.

19. Henri nous amène sa mère et sa tante pour déjeuner.
Pluie dans l'après-midi.
La belle Thérèse de Catheu est fiancée à M. de Vaux de Foletier, lieutenant de dragon, fils du colonel et de Madame née de La Bonninière de Beaumont.

20. Beau temps.

21. Ces dames vont déjeuner à la Grâce, pendant qu'Etienne et moi gardons la maison.

23. François Jourdier, lieutenant au 1er chasseur d'Afrique et retour de Hongrie, nous amène en auto sa mère et les Charles Tiersonnier pour dîner, c'est un superbe cavalier, très joli garçon que je n'aurai pas reconnu si je l'avais rencontré sur le boulevard. Nous avons bu à ses 23 ans.
Les La Brosse nous quittent ce même jour.

24. Foire de St. Pierre, cours bien porteurs sur toutes les sortes. Le lieutenant Cornu du 160 qui commande les hommes chargés de veiller à la garde du camp dîne avec nous.

25. Je vais à Nevers pour constatation des dégât causés à mon immeuble de la rue des 3 carreaux qui vient de m'être rendu par le 19ème de ligne. Je ne sais pas quelle indemnité me donnera l'armée, mais je doute fort que cela soit suffisant pour remettre la maison en bon état, car il faudra tout refaire de la cave au grenier.   

26. Guillaume du Verne déjeune avec nous pendant que son frère et Marie-Antoinette sont à Paris où cette dernière a subi une seconde opération, ils rentrent demain à la Baratte.

27. Distribution des prix à l'école libre de St. Parize. C'est pour la dernière fois que les sœurs laïcisées qui la dirigent vont y donner des récompenses à leurs élèves. Leur maison mère les rappelle dans leur département d'origine. Le comte de Montrichard, propriétaire et bienfaiteur de l'école a trouvé une autre directrice qui entrera en fonction à la rentrée d'octobre. Je recommence à prendre de l'uraseptine pour voir si cela améliorera l'état de mes reins toujours douloureux.

28. Claire et Marcelle vont déjeuner à la Grâce.


31. Pendant que Claire et Marcelle vont à Nevers par le train, je vais déjeuner à la Barre où je trouve Trompette en compagnie de son ami Roy.

Juin 1919


1er. Cécile et Yvonne nous quittent pour aller prendre à St. Pierre l'express de midi pour Paris et gagner Rennes, sans arrêt dans la capitale.

Les Américains me donnent ce jour 16200 francs pour 13 mois d'occupation. Il y a la dessus 6890 francs pour Bagnolet. 3180 pour .... 200 pour Callot 6070 fr pour moi. Depuis le 31 janvier 1919, nous avons à faire au Génie Français pour les locations.

2. Je passe la journée la plus atroce de la vie comme souffrance.

3. Robet vient me voir, me conseille de garder le lit, et me dit des paroles consolantes. Je suis très content de lui et de la sœur qui soigne Edith qui m'assiste avec intérêt.
Marguerite passe quelques heures avec nous, elle m'apporte à signer un pouvoir, car je devais aller ce soir à Fourchambault pour la réunion du conseil de famille des enfants de Georges.

4. Mon état ne s'améliore pas. Marcelle va à Nevers avec le garde et la jument Anglaise. Edith se lève pendant une heure. Il fait si froid qu'on allume du feu au salon.

5. Continuation de la crise, la sœur d'Edith et ma femme me soignent comme un enfant.

6.7. État stationnaire.

8. Légère détente dans mon état.

9. Une détente se produit.
Robert Senly meurt en Roumanie, où il fait partie de l'armée d'occupation. Ses malheureux parents sont bien éprouvés, ayant déjà eu deux de leurs gendres, les frères Gautley tués au champ d'honneur.

10. Robet vient me voir et me donne des paroles de consolation, mon état est sensiblement le même.
Albert de Marcy m'écrit pour avoir de mes nouvelles.
Chaleur écrasante, tout dessèche!

11. La chaleur continue et mon état reste sensiblement le même , je veux me promener un peu, mais mes jambes sont en coton.

12. Mon état à l'air de s'améliorer un peu, je vais jusqu'à Callot. La chère Miss Bergson nous vient pour 3 jours, elle arrive de Trèves où elle fait partie de l'armée d'occupation, il paraît que la bas, les Boches ont l'air très arrogants. Les grèves de chez nous ne sont pas faites pour les décourager.

13. État sensiblement le même, le jour je me traîne d'un domaine à l'autre, pour entendre les gémissements de chacun sur la sécheresse. Les foins se font avec rapidité, coupés le matin on peut les rentrer le soir.

15. Miss Bergson nous quitte pour retourner à Trêves. Claire va à Nevers pour faire une conférence chez les Petites Sœurs de l'Assomption. État stationnaire chez moi.

Trinité. Loué des domestiques à St. Parize, des gamins de 14 ans gagnent entré 1200 et 1500. Denis prend un assisté de 19 ans pour 1850 francs. Le directeur n'a pas voulu céder à moins, bien que l'intéressé soit moins exigeant.
Henri me fait une bonne et longue visite, il nous apprend que Madame Goussard, retour de Paris, s'est cassée un bras en descendant à la gare de Cravant.

17. Augustin retourne aujourd'hui à Bulhon par une chaleur horrible
Pluie bienfaisante mais de courte durée à 6 heures du soir.

18. Mariage Bouillé la Madeleine.  À la dernière heure, c'est à dire le 13, nous avons reçu une invitation à la cérémonie religieuse et au lunch. Notre réponse a été que nous irions à la messe, mais que nous déclinions l'invitation au repas. Quant à moi, je suis resté tranquille et ces dames y sont allées. Je parle de Claire et de Marcelle, car les Riberolles n'ayant pas été invités sont restés à la maison. Dans l'Eglise personne du peuple, le cortège assez nombreux, 4 quêteurs dont Guy Olivier remplaçant Joseph de Maumigny arrivé en retard. Plus de Bourbonnais que de Nivernais dans l'assistance. C'est l'abbé Vauquelin qui a célébré le mariage et prononcé le discours. Au retour Albert de Bouillé et sa fille Françoise se sont arrêté pour nous dire un petit bonjour, mon pauvre vieux camarade très ému, a pleuré tout le temps. Il ne parle que de son cher fils. Après le lunch servi dans une tente, par Poulet, restaurateur à Moulins, nous avons eu quelques visites, les Soultrait, les Henri Pinet et leurs fils, et les Clayeux qui sont restés pour dîner, Edmond, sa femme sa sœur et ses nièces.

19. Fête Dieu. Première communion à St. Parize. Notre curé dine avec nous et fait passer un examen de catéchisme à trois enfants de Moiry que Marcelle a préparé à leur première communion et qui la feront le jour de St. Jean, ce sont des assistés.
Claire va chercher à Nevers une jeune Irlandaise qu'Edith fait venir pour ses enfants.

21. Les américains font au camp une vente aux enchères de tout le contenu d'une baraque où l'on a entassé lits, chaises, tables, vêtements, etc. Un marchand de chiffons, de Nevers, se rend adjudicataire du tout pour 3150 francs et de suite il revend au détail les différents objets. Henri Robert rachète plusieurs choses, ma femme également. Quant à moi je vais un peu mieux.

22. Fête Dieu. Temps splendide si on n'avait pas besoin de pluie.
Fiançailles de Melle de Veyny, fille de Charles, avec Monsieur de Lagoutte du Vivier, beau frère de Béatrice de La Boutresse.

St. Jean. J'apprends la mort du Docteur Dézautière (75 ans) qui a exercé toute sa vie aux mines de la Machine, il vivait depuis quelques années à Corbigny dans une propriété qui lui venait de sa femme Melle Marion. Un fils officier de cavalerie marié. Deux filles, l'une mariée à M. Touchalaume, l'autre célibataire.
Le mariage de Thé-Marion qui se fait ce même jour à Moulins, a du être attristé par la mort de l'oncle.
Une épidémie de diphtérie se déclare à Magny, on prétend qu'elle a été amenée par les transbordements à travers les rues du village, des corps des Américains que l'on déterre pour les mener à Nevers.
Dans la matinée nous apprenons que la Paix à été enfin signée.

23. 10° seulement. On gèle. Une pluie très bienfaisante tombe à partir de midi.

25. Pour ma première sortie, je conduis ces dames à la messe du Sacré Cœur pendant que mon personnel apprête du foin. Je viens de payer à mon boucher pour 5 semaines 698 francs pour cinq maîtres et 4 domestiques et nous ne mangeons guère qu'un plat de viande à chaque repas, que serait-ce si, comme du temps de nos grands mères, on en avait régulièrement 2 le matin et 3 le soir. Il est vrai qu'à cette époque on vendait le cochon 8 sols la livre sur pieds, contre 9 francs aujourd'hui.

28. La Paix est signée aujourd'hui, sera t-elle sincère, que Dieu le veuille et que la Ligue des Nations nous garde contre un retours des horreurs que nous avons reçu. Je ne crois guère cependant à toute ces créations d'utopistes comme Wilson, et je persiste dans mon opinion, c'est que pour éviter la guerre il faut être le plus fort et être toujours sur ses gardes.
Louis de La Brosse est nommé au 29° Dragon à Provins.
Marie-Antoinette du Verne est de retour à la Baratte, maigrie mais bien portante maintenant qu'elle est débarrassée de son appendicite.
Claire et Marcelle déjeunent au Colombier, où elles trouvent René de Balloy assez fatigué. Elles reviennent par Fertot et la Grâce. Berthe revenait de la Haute Alsace où elle était allée prier sur la tombe de son malheureux frère.


30. René Clayeux et sa femme nous viennent pour trois jours.   

28.4.13

Juin 1919



1er. Cécile et Yvonne nous quittent pour aller prendre à St. Pierre l'express de midi pour Paris et gagner Rennes, sans arrêt dans la capitale.

Les Américains me donnent ce jour 16200 francs pour 13 mois d'occupation. Il y a la dessus 6890 francs pour Bagnolet. 3180 pour .... 200 pour Callot 6070 fr pour moi. Depuis le 31 janvier 1919, nous avons à faire au Génie Français pour les locations.

2. Je passe la journée la plus atroce de la vie comme souffrance.

3. Robet vient me voir, me conseille de garder le lit, et me dit des paroles consolantes. Je suis très content de lui et de la sœur qui soigne Edith qui m'assiste avec intérêt.
Marguerite passe quelques heures avec nous, elle m'apporte à signer un pouvoir, car je devais aller ce soir à Fourchambault pour la réunion du conseil de famille des enfants de Georges.

4. Mon état ne s'améliore pas. Marcelle va à Nevers avec le garde et la jument Anglaise. Edith se lève pendant une heure. Il fait si froid qu'on allume du feu au salon.

5. Continuation de la crise, la sœur d'Edith et ma femme me soignent comme un enfant.

6.7. État stationnaire.

8. Légère détente dans mon état.

9. Une détente se produit.
Robert Senly meurt en Roumanie, où il fait partie de l'armée d'occupation. Ses malheureux parents sont bien éprouvés, ayant déjà eu deux de leurs gendres, les frères Gautley tués au champ d'honneur.

10. Robet vient me voir et me donne des paroles de consolation, mon état est sensiblement le même.
Albert de Marcy m'écrit pour avoir de mes nouvelles.
Chaleur écrasante, tout dessèche!

11. La chaleur continue et mon état reste sensiblement le même , je veux me promener un peu, mais mes jambes sont en coton.

12. Mon état à l'air de s'améliorer un peu, je vais jusqu'à Callot. La chère Miss Bergson nous vient pour 3 jours, elle arrive de Trèves où elle fait partie de l'armée d'occupation, il paraît que la bas, les Boches ont l'air très arrogants. Les grèves de chez nous ne sont pas faites pour les décourager.

13. État sensiblement le même, le jour je me traîne d'un domaine à l'autre, pour entendre les gémissements de chacun sur la sécheresse. Les foins se font avec rapidité, coupés le matin on peut les rentrer le soir.

15. Miss Bergson nous quitte pour retourner à Trêves. Claire va à Nevers pour faire une conférence chez les Petites Sœurs de l'Assomption. État stationnaire chez moi.

Trinité. Loué des domestiques à St. Parize, des gamins de 14 ans gagnent entré 1200 et 1500. Denis prend un assisté de 19 ans pour 1850 francs. Le directeur n'a pas voulu céder à moins, bien que l'intéressé soit moins exigeant.
Henri me fait une bonne et longue visite, il nous apprend que Madame Goussard, retour de Paris, s'est cassée un bras en descendant à la gare de Cravant.

17. Augustin retourne aujourd'hui à Bulhon par une chaleur horrible
Pluie bienfaisante mais de courte durée à 6 heures du soir.

18. Mariage Bouillé la Madeleine.  À la dernière heure, c'est à dire le 13, nous avons reçu une invitation à la cérémonie religieuse et au lunch. Notre réponse a été que nous irions à la messe, mais que nous déclinions l'invitation au repas. Quant à moi, je suis resté tranquille et ces dames y sont allées. Je parle de Claire et de Marcelle, car les Riberolles n'ayant pas été invités sont restés à la maison. Dans l'Eglise personne du peuple, le cortège assez nombreux, 4 quêteurs dont Guy Olivier remplaçant Joseph de Maumigny arrivé en retard. Plus de Bourbonnais que de Nivernais dans l'assistance. C'est l'abbé Vauquelin qui a célébré le mariage et prononcé le discours. Au retour Albert de Bouillé et sa fille Françoise se sont arrêté pour nous dire un petit bonjour, mon pauvre vieux camarade très ému, a pleuré tout le temps. Il ne parle que de son cher fils. Après le lunch servi dans une tente, par Poulet, restaurateur à Moulins, nous avons eu quelques visites, les Soultrait, les Henri Pinet et leurs fils, et les Clayeux qui sont restés pour dîner, Edmond, sa femme sa sœur et ses nièces.

19. Fête Dieu. Première communion à St. Parize. Notre curé dine avec nous et fait passer un examen de catéchisme à trois enfants de Moiry que Marcelle a préparé à leur première communion et qui la feront le jour de St. Jean, ce sont des assistés.
Claire va chercher à Nevers une jeune Irlandaise qu'Edith fait venir pour ses enfants.

21. Les américains font au camp une vente aux enchères de tout le contenu d'une baraque où l'on a entassé lits, chaises, tables, vêtements, etc. Un marchand de chiffons, de Nevers, se rend adjudicataire du tout pour 3150 francs et de suite il revend au détail les différents objets. Henri Robert rachète plusieurs choses, ma femme également. Quant à moi je vais un peu mieux.

22. Fête Dieu. Temps splendide si on n'avait pas besoin de pluie.
Fiançailles de Melle de Veyny, fille de Charles, avec Monsieur de Lagoutte du Vivier, beau frère de Béatrice de La Boutresse.

St. Jean. J'apprends la mort du Docteur Dézautière (75 ans) qui a exercé toute sa vie aux mines de la Machine, il vivait depuis quelques années à Corbigny dans une propriété qui lui venait de sa femme Melle Marion. Un fils officier de cavalerie marié. Deux filles, l'une mariée à M. Touchalaume, l'autre célibataire.
Le mariage de Thé-Marion qui se fait ce même jour à Moulins, a du être attristé par la mort de l'oncle.
Une épidémie de diphtérie se déclare à Magny, on prétend qu'elle a été amenée par les transbordements à travers les rues du village, des corps des Américains que l'on déterre pour les mener à Nevers.
Dans la matinée nous apprenons que la Paix à été enfin signée.

23. 10° seulement. On gèle. Une pluie très bienfaisante tombe à partir de midi.

25. Pour ma première sortie, je conduis ces dames à la messe du Sacré Cœur pendant que mon personnel apprête du foin. Je viens de payer à mon boucher pour 5 semaines 698 francs pour cinq maîtres et 4 domestiques et nous ne mangeons guère qu'un plat de viande à chaque repas, que serait-ce si, comme du temps de nos grands mères, on en avait régulièrement 2 le matin et 3 le soir. Il est vrai qu'à cette époque on vendait le cochon 8 sols la livre sur pieds, contre 9 francs aujourd'hui.

28. La Paix est signée aujourd'hui, sera t-elle sincère, que Dieu le veuille et que la Ligue des Nations nous garde contre un retours des horreurs que nous avons reçu. Je ne crois guère cependant à toute ces créations d'utopistes comme Wilson, et je persiste dans mon opinion, c'est que pour éviter la guerre il faut être le plus fort et être toujours sur ses gardes.
Louis de La Brosse est nommé au 29° Dragon à Provins.
Marie-Antoinette du Verne est de retour à la Baratte, maigrie mais bien portante maintenant qu'elle est débarrassée de son appendicite.
Claire et Marcelle déjeunent au Colombier, où elles trouvent René de Balloy assez fatigué. Elles reviennent par Fertot et la Grâce. Berthe revenait de la Haute Alsace où elle était allée prier sur la tombe de son malheureux frère.

30. René Clayeux et sa femme nous viennent pour trois jours.  

22.4.13

Mai 1919



1er mai. Je me rends à Varennes pour assister au mariage Madire-Lenferna, ou je suis convoqué pour offrir mon bras dans le cortège à Zizi Delamalle, étant donné que les cavaliers sont en infime minorité, il le faut bien bien puisque l'on appelle la vieille garde. Malgré un temps horrible il y a beaucoup de monde et du meilleur. L'abbé Châtelain unit les jeunes époux et prononce un charmant discours ou personne n'est oublié. Après la cérémonie religieuse, lunch debout à la Croix, bon buffet, champagne mousseux. Les Marey sont là, venus de la Delouze et ayant amené dans leur auto le ménage Charles du Verne, (Quantum mutatus al illo). Mon vieux camarade me présente à sa jeune épouse. Oh la, la, Oh la, la, faut-il attendre si longtemps pour se mettre pareil boulet à la patte. La Veuve Compon-Guyet est bien , ce que l'on m'avait dit.

La grève générale était bien calme à Nevers, la ville avec ses magasins fermés, et les habitants restés chez eux, peut être à cause de la pluie qui n'a cessé de tomber, ressemblait à un jour de deuil. Seule une bande de moins de 100 personnes parcourt les rues, un drapeau rouge en tête et en chantant l'internationale.
Totote de Bouillé est fiancée à monsieur de la Madeleine, fils du Colonel et de Madame, née de Cazenove. Je suis bien aisé que cette pauvre fille sorte enfin de la fournaise qu'est devenue sa maison paternelle.
On me raconte que les Fontenay, sans laisser bien longtemps refroidir leur mort, ont loué Frondevaux aux Magnard, qui voudraient sortir ma pauvre nièce de Fourchambault pour changer le cours de ses idées qui sont toujours bien noires.
On me dit aussi qu'Henri de F a réclamé à sa belle sœur les diamants qu'Edouard lui avait donné, et qu'il voulait même avoir de suite la moitié de l'argenterie, mais à cela, les hommes de loi se seraient opposés.

3. Claire et Marcelle reviennent aujourd'hui de Paris et je vais les chercher par une pluie battante à la gare de St. Pierre, elles amènent Hervé qu'Edith leur a donné à Nevers, ce sera plus facile pour elle d'être débarrassée du jeune homme pour faire ses malles, car elle nous reviendra Lundi.
 En passant j'ai déjeuné à Buy ou Henri m'a fait part des fiançailles de Maurice avec Mademoiselle Goussart, fille de l'ancien président du tribunal d'Avallon. La famille est bien posée dans le pays, une fille qui est morte avait épousé Guy de Chalvron, la seconde est mariée à Hubert Vallière. Il y a deux fils, l'un qui a épousé la fille d'Ernest Olivier à Moulins, l'autre qui doit rester célibataire. Un sixième enfant du sexe faible, est mort jeune.
Les Henri ont l'air très satisfaits, c'est Roger de La Brosse qui a été la cheville ouvrière de ce rapprochement qui a eu lieu à Vauban pour la première entrevue. Mais c'est Lilise Clayeux à qui revient l'honneur d'avoir pensé d'abord à cette union.

4. Beau temps, 15° au thermomètre.

5. Continuation du beau temps, je vais à Nevers chercher Edith et toute sa maison.

6. 7. Continuation du beau temps mais les terres sont encore trop humides pour que l'on puisse labourer.   On vient de trouver pendu dans les Queudres le père Bouillard, âgé de 75 ans, qui avait quitté sa maison depuis 10 jours.

8. Les La Brosse nous amènent Louis qui est en permission pour passer la journée, Félix les accompagne.
Les Pracomtal de Châtillon marient leur fille au comte de Castellano, ils ont eu deux fils tués glorieusement.
Guillaume de Pracomtal, fils de mon ami Rostaing, vient d'épouser la fille du député James Hennessy, ça va mettre un peu de beurre dans les épinards de la maison qui devait en avoir grand besoin.

9. Le père Witické amène en visite dans son auto, Madame Joseph du Verne et Simone, pendant que Claire et moi allions à Buy porter nos compliments, la bague de fiançailles ayant été donnée l'avant veille.
Le soir dernier concert au camp, on le dit du moins, je souhaite que cela soit vrai. Les prisonniers Boches arrivés depuis quelques jours travaillent activement à extraire de la pierre pour réparer les routes qui en ont bien besoin.

10. J'assiste à la société d'Agriculture à une séance orageuse, le motif en est que Saône-et-Loire voudrait que l'on donnât à notre race bovine le seul nom de Charolaise, et la majorité de l'assemblée de ce jour tient à conserver le titre de Charolaise-Nivernaise.  Dans la discussion, le gros Colas, conseiller général d'Azy, dit à André Blandin qu'il ferait mieux de se taire, qu'il n'avait pour lui que la fortune!!!

12. René Clayeux et sa femme nous viennent pour 48 heures par un temps idéal.
Depuis 8 jours la végétation a fait de rapides progrès et les près sont superbes.

14. Madame Raymond Thuret vient nous faire une visite avec ses enfants après un déjeuner  d'adieux au camp. Ce sont des Américanisés qui vont regretter le départ de nos alliés.

15. Skinner et Taves déjeunent avec nous pour la dernière fois. Au camp, l'on continue à brûler quantité de choses utiles. Rien ne peut arrêter cette destruction.

16. Marcelle et moi allons déjeuner à la Grâce, je vais ensuite au Colombier voir le petit père Balloy qui a causé des inquiétudes aux siens, ayant eu il y a quelques jours de sérieux étouffements pendant la nuit. À 4 heures nous passons par la gare de Saincaize pour y prendre la sœur Valentine réclamée par Edith.

17. Raymond d'Aux, chef d'escadron au X épouse aujourd'hui Riquette de Chargères, par un temps magnifique, à Paris.

18. Le colonel Skinner m'emmène déjeuner à Vauban, après quoi nous allons visiter Vezelay et Chastellux où le Duc de Duras nous fait les honneurs de sa royale maison. Retour par les étangs de Vaux que je ne connaissais pas et qui valent la peine qu'on aille les voir.
Les blés sont superbes dans tout le département, je n'ai pas vu un champ qui ne soit cultivé, et il y a de l'herbe partout. Il y a un vieux proverbe qui dit: le mois de Mai abime tout, où remet tout d'aplomb. C'est bien vrai cette année car depuis le 4, il fait un temps très favorable à l'agriculture et la lune rousse n'est pas méchante.

20. Le colonel Skinner et Taves viennent nous faire leurs adieux, ils quittent le camp ce soir. Le colonel nous donne tous les meubles rustiques qui garnissent sont home. Partout ailleurs les Américains brûlent tables, bancs, caisses, etc, sans compter les vêtements, chaussettes, caleçons, chandails, qui auraient pu habiller bien des pauvres.

21. Gelée blanche. Je vais à Saint Pierre chercher Augustin retour de Bulhon. La grande route est tellement atroce que nous revenons par Cougny et Saint Parize.

22. J'apprends les fiançailles de Moulin, célibataire endurci, avec Mademoiselle de La Boulaye, autre célibataire, non moins endurcie.
Foire de St. Pierre, baisse de 0,50 par livre sur les cochons.

23. Yvonne fait aujourd'hui sa première communion, en son honneur je m'approche du sacrement à la messe de Saint Parize dite pour elle.
Marguerite Messance, fille aînée d'Athanase Jourdan, meurt de la grippe infectieuse, laissant plusieurs petits enfants, son mari qui était veuf lorsqu'il l'a épousée , en avait déjà trois de son premier lit.

25. Edith accouche la nuit dernière d'une fille, tout se passe normalement. On aurait plutôt désiré un garçon. Pour mon compte, je me trouve satisfait, me rapportant au vieux dicton qui prétend qu'il vaut mieux une fille faite qu'un garçon à faire.

27. Je vais à Saint Pierre chercher Cécile qui nous arrive pour quelques jours avec Yvonne, car c'est elle qui doit être marraine de Bernadette. La route est toujours horrible et le rouleau ne fait pas son apparition pour écraser les pierres qui ne diminuent pas de volume. Les Goussart sont à Buy avec les fiancés.

28. Continuation de la sécheresse. Les jardins sont grillés et rien ne profite.

29. Ascension. Baptême de ma petite-fille Bernadette qui a été tenue sur les fonts baptismaux par le capitaine Comte d'Aunay et par ma fille Cécile Banéat. Le parrain a fort bien fait les choses, cadeau à la mère et à la marraine. Beaucoup de dragées et de chocolat.

30. Monsieur d'Aunay part à 1h40 et les Charles Tiersonnier viennent déjeuner .

9.12.12

Avril 1919



1. Le Cdt Jones nous amène dans sa limousine déjeuner à la Grâce. À cinq heures et demi nous prenons le thé à Nevers chez Edith et nous revenons par Chevenon faire une visite aux du Part. Nous passons par la route des Tuileries et du Chaumont à cause de la crue qui coupe celle du bas. La vue est splendide mais le chemin impraticable pour toute voiture autre que américaine.

2. Monsieur Giraud, propriétaire du magasin des 3 quartiers à Nevers, achète le château du Plessis aux Chargères qu'on dit ruinés. Au cercle agricole, il nous débarrasse du billard pour 1000 francs. Moins riche que lui, je me contente de retenir pour les donner à mes filles 6 gravures anglaises et pour moi une pendule et une table à jeu.

3. Je pars pour Paris avec Marcelle. À Nevers nous prenons Marielle qui vient dans la capitale pour voir son frère. En effet nous le trouvons à la Gare de Lyon, avec Josepha, tous nous allons dîner, rue de Varenne chez Antoinette Jourdier. Marcelle y reste coucher pendant que je vais hôtel de l'intendance, rue de l'Université.

4. Le lendemain nous déjeunons chez les Edmond Clayeux, de là je me dirige au rendez vous que m'a donné le Dr. Michon. Après un long interrogatoire, il me dit de venir le trouver dans huit jours. Nous dinons chez Paul Tiersonnier avenue de Saxe, ou nous sommes reçus de façon grandiose, menu raffiné, vins généreux, éclairage éclatant. La maîtresse de maison fort gaie et s'intéressant à tout ce qui se passe en Nivernais.

5. À 7 heures, nous sommes à Montparnasse ou nous montons dans le rapide de Brest qui nous dépose à 3 heures et demie à Rennes. Cécile et Yvonne nous attendent à la gare et nous amènent à pied jusqu'au boulevard Sevigné en passant par le célèbre Thabor. La ville me fait bonne impression et la maison de ma fille me paraît être bien ce qu'il lui faut. Elle est au bon air, dans un quartier élégant et facile à chauffer. Le jardinet est pratique et les petits pois commencent à sortir de terre. De la chambre que j'habite du côté du nord, l'on ne voit que des arbres parmi lesquels de beaux cèdres et des magnolias en fleurs.

6. Dimanche. À neuf heures, M. Baneat vient nous prendre, Yvonne et moi, pour aller à la messe à Notre Dame. En en sortant nous trouvons sa femme qui nous reconduit jusqu'au boulevard Sevigné. Dans la soirée, réception chez Cécile qui a organisé un Bridge en mon honneur. Après le goûter servi dans la salle à manger, on dresse 4 ateliers dans les deux salons. 13 dames et 9 messieurs prennent les cartes en main et je suis dans l'admiration de voir combien les femmes jouent correctement et commettent peu de faute à ce jeu pourtant difficile. La raison en est simple, c'est que tous les jours des Bridges s'organisent dans la société et que seules sont invitées dans les réceptions mondaines les dames et jeunes filles qui aiment à courtiser le carton.  

7. Nous déjeunons chez les parents Baneat et dans l'après midi, monsieur nous emmène visiter son musée ou j'admire de forts jolies choses. À cinq heures, Bridge chez Mme Fournel née de Montmarin de l'Orléanais. Trois tables, je suis le seul homme présent. Après le dîner chez Cécile, madame Le Jarel et sa fille viennent faire une partie. Ces dames causent beaucoup mais jouent encore mieux. Elles ont la réputation d'assurer la matérielle avec leur talent.

8. À cinq heures et demie, un fiacre vient nous quérir pour nous conduire à la gare de tramway qui devra nous déposer à 9 heures et demie à St. Servan. Partis sous la pluie nous avons la chance de trouver un soleil radieux en approchant de la mer. Nous passons à St. Malo et à Dinard une journée fort agréable. Je suis dans l'admiration de ce pays dont j'entend parler depuis longtemps.

9. Nouveau bridge chez Cécile ou les 4 tables réglementaires sont dressées, le sénateur de la ville, Moysan, est parmi les lutteurs. Il est resté 24 heures de plus qu'il ne devait à Rennes, pour faire ma connaissance, ce dont je suis très touché. Je remercie beaucoup toutes les dames de la société de l'accueil si aimable qu'elles ont fait à ma fille. L'une d'elle me dit que c'est dans son salon qu'Augustin a lu ses premiers vers pendant qu'il faisait son droit à Rennes.

10. Je prends congé de mes enfants et de la Bretagne et je reviens à Paris avec la pluie sans discontinué. Tout le pays que je traverse est inondé et je ne vois pas une belle récolte, même en Beauce.

11. Je déjeune chez Edmond avec les Louis de La Brosse. Mon neveu passe tous les après midi à Paris, ce qui lui est facile, tenant garnison à Bécon les Bruyères. Trois heures et demie m'appellent chez Michon qui l'examine sur tous les sens et me dit que l'intervention des couteaux est pour le moment inutile. Il me donne un long traitement à suivre, la suite me prouvera si c'est le bon.

12. Je rentre à Tâches ou rien ne s'est passé d'anormal pendant mon absence.

13. Messe des rameaux, assistance très nombreuse. Dans l'après midi je vais à Buy, voir Henri qui est aux prises avec un gros rhume, sa femme est au Plaix. Il me montre 3 belles juments anglaises arrivées depuis 8 jours. Il m'en a envoyé une de même race que je voulais mettre à Callot mais mon métayer ne l'ayant pas trouvé assez forte, je vais chercher à la revendre. C'est une superbe carrossière de 6 ans, 1,65 m
La pluie continue à tomber. Riquette de Chargère est fiancée à son oncle à la mode de Bretagne, Raymond d'Aix. Elle doit avoir 40 ans et l'autre 52. Pourquoi ont-ils attendu aussi longtemps pour unir leurs destinées, se méfiaient-ils du prix du pot-au-feu, il est cependant plus cher que jamais. On prétend que Raymond guette l'héritage de sa tante de Léautaud, s'il en est ainsi, le beurre arriverait dans les épinards.
Madame de Flamarre épouse un monsieur de 60 ans (Leneven) qui a autant de 1000 livres que d'années.
Le jeune de Durat, fils de Jehan, est fiancé à la fille du comte Dinet, ancien officier au 10 eme chasseur et anobli par le pape, à cause de sa grande piété.
Melle de Roquefeuille a épousé un M. du Ligondès.

15. Geneviève de Buzonnière vient au camp voir Frison et en son honneur, le colonel nous invite, Claire et moi, à déjeuner, les convives étaient au nombre de neuf, le repas servi à l'américaine était plutôt médiocre, un seule plat sérieux, des côtelettes de veau mal grillées, seul le dessert était abondant, tarte à la citrouille présentée sur la même assiette que des fromages de Hollande, salade de fruits passable, café et chocolats servis au milieu du repas.
Pluie et encore de la pluie.

17. Je sème dans le champ Guérin de l'avoine blanche américaine.
Il y a au camp un cas de petite vérole. L'unité est consignée.
Vent du Nord; beau temps.

Vendredi Saint. Vent Nord Est. Beau temps. Claire part pour Paris et Rennes et moi pour Nevers, ou je reste jusqu'au samedi soir.

Samedi. Les Clayeux, Geneviève et ses filles déjeunent chez Edith et à 3h1/2 goûter auquel assistent quelques dames amies de Geneviève, dont Madame de Verna et ses filles, M Thérèse Pinet, Jeanne Delamalle.

Pâques. Je fais mes dévotions à St. Parize ou plusieurs hommes s'approchent également de la Sainte Table et une trentaine de jeunes gens de 12 à 17 ans.

21. René Clayeux passe 24 h avec moi et Henri déjeune avec nous. Ensemble nous allons à Magny ou je paye la note de feu le Dr. Turpin qu'on a enterré il y a quelques jours. Nous voilà bien sans médecin dans notre pays.

23. Il gèle à glace, vent N.E. les arbres fruitiers n'ont cependant pas de mal.

24. Foire de St. Pierre, cours très élevés. Je vends 2 bœufs de Tâches 5900 Fr. ce qui les met à 385 la % de Kos.
Pluie dans la matinée.

27.28. 29. Alternatives de pluie, neige et glace. Charmant printemps!

30. Pluie, neige, froid. La lune rousse commence aujourd'hui. Dieu veuille qu'au lieu de ses méfaits ordinaires elle nous ramène un temps plus clément.


18.11.12

Mars 1919



1. Son pauvre vieux mari va la retrouver dans l'autre monde après avoir reçu l'extrême onction la veille. Ce rapprochement dans la mort pour ces braves gens est bien touchant. Ménage très uni et respectueux envers les maîtres, ils me rappelaient les gens d'autrefois, espèce très rare aujourd'hui. Les majors Scott et John viennent faire un bridge, ce sont des hommes bien élevés, ce qui est plutôt rare, dans tout ce monde américain.

2. Heure avancée, on est tout désorienté, ce qui ne m'empêche pas d'aller à une heure au Rond de Bourg attaquer 2 sangliers avec l'équipage Duchemin, dans le ravin de Chenut. Les Américains scrutent dans le bois de la ligne où il n'y avait pas de chasseur et prennent leur parti, sur la futaie de Tâches, les Ravaut, etc. Rentré à quatre heures à la maison, j'attelle Sylvia et je vais à Buy voir 2 magnifiques juments anglaises qu'Henri a acheté dans la réforme de l'armée, par l'intermédiaire d'un commissionnaire à qui j'en commande 2 pour mon compte.

4. Je prends à Henri une des juments susnommées pour le service de la maison et remplacer Sylvia que je vais tâcher de vendre. Encore de la pluie, c'est enrageant. Carlo de Chargères épouse aujourd'hui Anne-Marie Drake del Castello à Paris, dans la chapelle du catéchisme de Sainte Clotilde.

8. Je vais à Nevers pour la Foire concours où on donne des prix aux meilleurs taureaux, ceci se passe sous des torrents de pluie. À la maison, je trouve les deux petits avec de la fièvre, Coueto qui les a vu, ne voit rien d'inquiétant. Je prends un bon du trésor de 10 000 Fr avec l'argent provenant de mes carrières de pierre et de sable.

10. Une dépêche d'Augustin nous dit qu'Edith est toujours souffrante, aussi à quatre heures du soir j'attelle Sylvia et je conduis Claire à Nevers ou nous trouvons le Dr. Coueto auprès de notre fille qui, heureusement n'a qu'un peu de fatigue occasionnée par la peine qu'elle a prise en soignant ses enfants qui eux vont mieux. Je remonte en voiture sans avoir dételé et à sept heures et quart je suis à Tâches.

12. Edith et les enfants allant mieux, Claire revient et je vais la chercher à l'express de St. Pierre 1h42.

13. Nous allons aux vespres de Magny pour entendre le sermon de notre évêque venu pour remercier St. Vincent de son intervention pour la victoire de la France. On chante le Te Deum.

15. Isabelle de Faverges écrit à Claire pour lui faire part des fiançailles de sa fille Marie-Thérèse avec le vicomte Jean de Vannoise, fils aîné d'Henriette de la Rupelle. M. de la Rupelle grand-père du fiancé à été pendant longtemps trésorier payeur général à Nevers, il avait une maison très élégante et dans l'hôtel d'Assigny où il habitait, les gens de mon âge se rappellent les fêtes magnifiques qu'il se plaisait à donner.

16. J'assiste à St. Pierre à une vente de chevaux et de mulets américains, les uns et les autres sont en bon état et en bon âge, ils se vendent les premiers 1600 Fr et les seconds 1000 à 1100 comme moyenne. Les du Part viennent nous voir dans la soirée, Antoine est gai comme un pinson.

17. Henri, sa femme et George déjeunent avec nous. Picard, homme d'affaire, m'écrit pour me demander le prix que je veux de ma maison des Trois Carreaux, je la lui fait 25 000 francs.

18. Aline nous amène ses petites filles pour 7 jours avec Nenette de Soultrait qu'elles ont prise à Dornes en passant. Cette jeunesse vient jouir un peu de la vie américaine. René m'envoie ses prix de vente de la dernière foire de Dompierre: 2 bœufs pesant 1870 kg aux Gouttes vendus 6 900 Fr, 2 bœufs 1550= 5250, 2 bœufs 1470 kilos = 4900, une vache 455 kilos 1475, 2 vaches 1020 Kg= 3100 Fr, ce qui fait du 340 Fr les 100 Kg, c'est fou!

19. St. Joseph. Nous allons à la messe en marchant dans la neige.

20. 2 degrés et de la pluie toute la nuit, c'est charmant mais ce qui l'est moins c'est ma vessie qui me fait passer une nuit atroce.

21-22-23 pluie incessante et froide et vessie toujours en mauvais état, aussi je me décide à demander au Dr Michon une consultation à Paris pour le commencement d'avril.

26. Je vais à Nevers par le train et je trouve Edith et les enfants en bonne santé.

27. Nous recevons à déjeuner Geneviève Tiersonnier qui nous amène son beau frère de Balloy, Isabelle, Blanche et Berthe Tiersonnier. Nous avons en même temps les du Part et le captain Jones . À deux heures, nous montons au camp pour y voir jouer un opéra comique, scène dans un sérail. Nombreuse assistance civile, les marquises de Mortemart et de la Roche, les Soultrait, les Montrichard.  Tasse de thé chez le colonel après la comédie. Pluie, toujours de la pluie. À St. Pierre où je suis allé à la foire, on m'annonce les fiançailles d'Henri de Thé avec une fille du Général Marion. Comme situation sociale, il va devenir régisseur de son futur beau frère Chambon. Les cours de la foire de St. Pierre toujours élevés, il y a cependant un peu de ralentissement, l'humidité en est la cause. Les près de rivière étant tous sous l'eau. J'ai vu vendre des petits cochons pesant à peine 15 livres 155 Fr.

28. Pluie glacée, nos paysans attribuent l'horreur de ce printemps aux méfaits de la lune car une chose qui ne se produit que tous les 26 ans arrive cette année, il y a 2 lunes en janvier, 2 en mars et pas en février...

30. Inondation. Les 2 pièces d'eau devant la maison n'en font plus qu'une et dans la cave aux pommes de terres, il y a 20 cm d'eau, ce que je n'avais jamais vu.
 

12.11.12

Février 1919



1. Mon courrier m'apporte une nouvelle peu banale, l'annonce des fiançailles de Charles du Verne, né en 1859, avec Madame veuve Puget de Marseille, âgée de 45 et munie d'un fils aviateur. C'est la femme Davout, née  Rémuzat, qui a amené ce numéro à son oncle.
Claire et Marcelle vont dans l'après-midi à un concert au camp, elles y retrouvent la marquise de la Roche et ses deux filles, suivent ensuite Geneviève Tiersonnier, amenant Berthe, Blanche et Isabelle de Balloy. Ces dernières viennent goûter à la maison.  Le chanoine Thépénier honorant la fête de sa présence, se faisant la douce obligation de répondre à une aimable invitation du colonel.

3. Neige persistante avec 4° sous zéro. Je vends à Ratheau de Beaumont 5 génisses de mon domaine pour 4925 Fr.

4. Claire et Marcelle conduisent les enfants d'Edith à Nevers.

5. Les Edmond Clayeux nous viennent pour 48 heures, nous leur faisons faire un bridge avec les commandants Scott et Jones. Le dégel se produit très rapidement.

6. Plus apparence de neige.

Statistiques des camps au 5 février.
Personnel actif officiers.      925
Soldats.                             3950
Malade officiers.                   15
Soldats                              1100
Total                                  5390.

La Roche vient déjeuner et visiter le camp, ou je le promène en compagnie d'Edmond. Nous trouvons Skinner dans son château jouant du piano. Pendant ce temps le colonel Hanon qui était de nos convives reste faire l'aimable avec les dames.

7. Je conduis les Edmond prendre le train à Saint-Pierre et j'en profite pour payer mon impôt sur le revenu de 1918 qui est de 950 Fr. moins cher que l'année précédente. De là, je vais voir les taureaux de Fassier à Alligny. Je les trouve très bons.
Soirée au Topsiel theater, nous y assistons, Marcelle et moi, danses nègres, musiques à l'avenant.

8. Il gèle à 10°, ce qui doit être fort mauvais pour les récoltes après la pluie trop abondante de la veille.

9. Même froid avec fort vent du NE qui vous déshabille.

10. Idem.

11. Skinner nous emmène, Claire, Marcelle et moi, déjeuner à Dornes, où il admire toutes les jolies choses. Au retour je le fais passer par le Rond du Perray et Azy. Il trouve l'étang de Massin magnifique. Le fait est que par un soleil couchant resplendissant, le coup d'œil était magnifique.
 Henri m'écrit qu'il vient de vendre Vary à Coint pour 505 000, c'est un beau reve.  Il change les propriétés de Madame Busserolles à Montmarault qui rapportaient 7 000 de rente contre 35 000. ... à Coint, il achète Vary avec l'argent de sa fille Madame Messelet, le mari de celle ci, dont j'ai connu le père petit commerçant à Nevers, ayant gagné la forte somme en construisant les instruments agricoles avant la guerre et des obus pendant celle ci. Toutain est fait officier de la Légion d'honneur et marie sa fille à M. Grandet.

13. Henri, sa femme et son fils Maurice déjeunent avec nous.

15. Je vais passer 48 h à Moulins pour le concours et je loge chez les Clayeux qui se trouvent très bien dans leur nouvelle installation. La maison se chauffe bien. Le concours est pauvre car les nivernais n'ont pas exposé à cause de la fièvre aphteuse. La Rouillerie à tous les succès sous le nom de Joseph Durand son régisseur.

17. Les Soultrait viennent déjeuner pour ensuite assister au camp à un concert où nous retrouvons du gratin, Mis et Mse de Mortemart, Mse de La Roche, les R Thuret, Bouillé, Montrichard. la fête se termine par un thé offert par le colonel qui est heureux de se frotter à notre vieille noblesse. Les démocrates sont friands de cette fréquentation. J'oubliais de mentionner Trompette qui m'apprend le mariage de Verny le petit fils de Villate avec la fille de Joseph de Champigny.

18. Le père Whitaker nous amène Madame Ossay et la générale Bazin à déjeuner. Dans l'après midi il retourne à Nevers faire un enterrement, y conduit Claire qui en profite pour aller voir Schleck, pendant ce temps nous faisons force bridge.

19. J'assiste à l'enterrement d'Etienne Massin à Azy, le pauvre garçon était d'une santé délicate et ne pouvait rester seul, du vivant de son père, celui ci le faisait toujours accompagner par un médecin, ces temps derniers, son garde veillait sur lui. La Presles où habite la famille Massin lui vient du Comte de Mauduit, qui lui même l'avait acheté à Monsieur Ernest de Chabrol qui après avoir fait de mauvaises affaires, avait été obligé de vendre terres et bois, dont la forêt de Chabet.

20. Je viens de rendre un dernier devoir à mon vieil ami Samuel de Thé, mort à Nevers dans sa 79 année. Il n'a pas pu supporter les suites de l'opération de la prostate et son trop long séjour au lit à occasionner une congestion pulmonaire qui l'a emporté. L'église de Saincaize était trop petite pour contenir tous les paroissiens de cette commune dont il était maire depuis longtemps et ou ses ancêtres remplissaient depuis la création des mairies en France. Son fils François, aviateur et actuellement dans l'armée d'occupation en Allemagne n'avait pas pu venir à temps pour assister aux derniers moments de son excellent père. Les Toutaris nous font part des fiançailles de leur fille avec le lieutenant Grandet, fils de feu Grandet et de Mme née de Vaulserre.

21. Nous déjeunons à Buy et le soir, les Gabriel de Montrichard nous amènent leurs enfants pour dîner et aller ensuite au cynematographe du camp. Marcelle voyait pareil spectacle pour la première fois de sa vie, ce qui doit être un record.

22. Je conduis ces dames à Nevers avec le tonneau. La route est de plus en plus atroce, nous avons mis deux heures car les américains sont de détestables cantonniers, mais comme ils ont l'habitude de se promener dans la prairie en auto, le mauvais état de nos chaussées ne les surprend pas. Edith et les enfants vont bien, Miette embellit.

23. Pluie torrentielle, le pré des Petites Granges ressemble à un étang.

24. La grippe reprend de plus belle à Moulins. Guiguite est bien prise et à Dornes, Gaspard de Soultrait qui est en permission, donne des inquiétudes. Maurice Robert m'amène son équipage de lapins et nous en tuons 5.

25. Claire et Marcelle vont à un bal donné à la Croix Rouge des 110 par la chief-nurse. Il tombe des torrents d'eau.

26. Je touche enfin l'émoluement qui m'est dû pour mes carrières de pierre.
Marcelle et moi allons au topside theater après dîner pour voir les nègres sur la scène, ils chantent, dansent, font des calembours. Ils sont grimés de façon grotesque, ils agrandissent leur bouche, ce qui est du reste inutile, ils ressemblent à des grenouilles avalant un papillon sur le bord d'une mare. L'assistance est dans le délire.

27. Foire à St. Pierre. Cours toujours en hausse, tout est à 9 Fr la livre. Claire part pour Nevers ou elle couchera et présidera demain sa réunion de l'œuvre des Tabernacles. Louis d'Assigny est nommé Chevalier de la Légion d'honneur. Marie Bouy, mère de ma métayère des Petites Granges, meurt hier et sur le chemin, deux heures après qu'on l'a emporté à Varennes ou elle doit être inhumée.

8.11.12

Janvier 1919


Janvier 1919




1er janvier 1919 (64 ans ce jour). À minuit, la sirène du camp pousse des rugissements pour annoncer la nouvelle année ce qui me réveille en sursaut, je bénis nos alliés de ce manque de tact. De nombreux pétards sont tirés qui me font croire que les cambrioleurs envahissent la maison. Le jour arrive triste, humide et maussade et nos chemins ne sont plus que des cloaques horribles.
Hervé a un gros rhume, qui nécessite la visite du médecin qui constate qu'il n'y a rien aux bronches. Miette est également aux prises avec la toux mais moins forte que celle de son frère. Comme nous n'avons pas l'habitude d'être à Tâches pour le jour de l'an, nos gens ne nous souhaitent pas la bonne année, ce qui n'est pas désagréable.
Madame Moreau, née Cornu, meurt à Nevers dans sa 81ème année, son mari nommé ingénieur en chef dans notre ville s'y installe complètement en faisant bâtir son joli château sur le boulevard Saint Gildard qui, à ce moment la était la pleine campagne. D'idées un peu avancées, comme beaucoup de polytechnicien de son époque, il se faisait pour cette raison souvent rabrouer par mon père qui était un peu son parent, mais surtout son ami, et qui lui disait en jouant au Whist, dans les salons de notre ancien cercle agricole: occupe toi du jeu des autres plus que du tien, vieux républicain. Moreau prenait cela de bonne part grâce à son tact et sa grande bonhomie. Tant qu'il a vécu, nos familles ont entretenu ensemble des relations parfaites. Après lui, sa fille étant en âge de se marier, sa mère dont la vanité était la passion dominante, la fit épouser le Comte de Chabanne, officier de cavalerie mais sourd et sans le sol. À partir de ce moment elle rompit complètement avec nous, pauvres hères dont les ancêtres ne remontaient pas aux croisades, ne se rappelant pas qu'un jour elle m'avait demandé de la promener à mon bras, entre les chaises de la cathédrale pour une quête, et que par bonté d'ami je lui avais fait cet honneur.
Grâce aux Américains, nous mangeons d'excellents chocolats, qui nous sont envoyés par le colonel Skimmer, par Hebert, Becker et par les nurses qui échangent des goûters avec ces dames.

5. Le temps doux et humide continue avec persistance, il a tellement plu la nuit dernière, que l'eau baigne les pieds des marronniers et passe sur toute l'avenue.
La comtesse Eblé, née Marie de Bricourt, est emportée en quelques jours par la grippe infectieuse, morte au Creuzot ou son mari est ingénieur, elle sera inhumée à Paris. Elle laisse 4 petits enfants en bas âge.

8. Mariage Villaines-Marcy. Le temps s'était mis de la partie et a favorisé la fête. Le cortège était fort réussi, de nombreux uniformes fort bien portés par les Villaines qui sont de belle taille. Cela faisait contrefort au parti adverse. Carlo de Chargères y donnait le bras à sa future qui est charmante et bon enfant. La marquise était la aussi et, dans la sacristie, ou je suis allé la saluer, je lui ai dit que si nous n'étions pas dans le lieu saint, je lui demanderai la permission de l'embrasser, qu'à cela ne tienne me répond-elle en me présentant sa joue.
Charles du Verne faisait parti du cortège, ce qui m'a fort surpris, après tout ce qui s'était passé, il a fallu une rude éponge pour nettoyer tout cela.
Le lunch servi au grand hôtel était bon. Le revers de la médaille à été de parcourir avec le tonneau le chemin de Moiry à Nevers que les Américains sont en train de charger avec des cailloux de St. Reverin, et qu'ils s'en sortent comme les goujats qu'ils sont.
Edith, vu son état de grossesse, a préféré aller à Nevers par le chemin de fer avec Madame de Montrichard, elles sont arrivées à point pour la sacristie.
Samuel de Thé a été opéré ce même jour de la prostate par le Dr. Papin qui est content de son travail.

9. Je mène Fulgence et André chez Blond à Lille voir des taureaux ou ils en achètent une paire pour 6000 Fr. En principe ils ne devaient pas mettre plus de 2000 Fr. par numéro mais ils se sont laissés tenter et ont choisi les deux meilleurs de l'écurie.

10. Marcelle m'ayant demandé de l'accompagner au théâtre américain, j'y suis allé comme un chat qu'on fouette, c'était à tort car j'ai passé une charmante soirée. La troupe du camp de Verneuil était seule sur les planches et je dois dire que pour ces acteurs qui ne sont pas de profession, ils ont été merveilleux. L'opéra bouffe composé par le captain xxx s'appelle j erou le permissionnaire et se passe dans un grand hôtel de France. Il est tout d'actualité et les rôles des femmes qui sont tous tenus par des hommes frisent la réalité, il faut qu'il en soit ainsi sans cela la pièce serait un peu leste, car quand il arrive des permissionnaires on fait danser ces dames au salon pour les divertir.  La musique est bonne et le chant à l'avenant, il y a un quatuor qui m'a paru supérieur à celui de notre camp, je l'ai dit à Tades qui n'en a pas été content. Le lever du rideau était fort réussi, cinq grand diable tout de rouge habillés, faisaient passer le Kaiser en jugement et naturellement le passaient à tabac.

11. Nous allons, Claire et moi, déjeuner au Colombier et en passant nous déposons Marcelle à la Grâce ou elle restera 3 jours, en compagnie de Blanche Tiersonnier.

13. Miss Bergson vient nous faire ses adieux et n'arrive pas les mains vides, elle donne à Marcelle des bottes et un chapeau en .... et à moi une robe de chambre multicolore, thé, chocolat, etc. Cette excellente fille part pour Trêves. Elle était accompagnée du Colonel Hanon, retour de Nice.

14. Bernigaud arrive à la première heure pour me prier de l'accompagner auprès du chef de la police, car hier soir a 6 heures il a été attaqué près de sa bergerie par un nègre qui, le menaçant du couteau, lui a volé son portefeuille qui contenait environ 300 Fr. Déjà la semaine dernière un autre nègre, ou le même, s'est jeté sur Duchantoin qui retournait à Moiry, l'a frappé sur la tête avec un gros bâton et lui a volé son porte monnaie.
Augustin nous arrive ce matin pour trois jours, il ira à Bourges savoir ce que l'on veut faire de lui.

16. Hartman dine avec nous, retour de Nice ou il s'est follement amusé.

17. Skinner, Hanon et Taves déjeunent avec nous.

20. Je conduis Augustin à Nevers ou il va faire un soit disant service au 41. le Lycée. Je vais voir mon ami de Thé qui ne peut me recevoir, son état de faiblesse étant encore très grand à la suite de son opération de la prostate que Papin lui a enlevé le 8. Celle ci qui normalement pèse 90 grammes, en faisait 170.

21. Je conduis Claire et Marcelle à St. Pierre pour prendre un train qui les conduira à Moulins ou elles vont suivre une retraite.
Julien Clayeux est porté comme tué le 27 mars, on dit un service pour lui demain dans la cathédrale de Moulins, ces dames y assisteront.
Le colonel Hanon toujours aimable m'apporte une veste de peau.

22. Le même colonel m'apporte encore une paire de lunettes en Zylonite et deux boites de chocolats, il en met 3 dans l'auto de Madame de Montrichard qui était venue goûter avec Edith en amenant Gabi jouer avec Hervé, pendant que Claire et Marcelle suivent à Moulins la retraite annuelle des enfants de Marie.

23. Foire de St. Pierre, peu ou pas de bêtes à cornes, quelques cochons hors de prix.

26. Claire et Marcelle reviennent de Moulins.
2500 américains quittent le camp.

27. La neige tombe en abondance.

La neige tombe encore davantage le 28 aussi Edith qui devait aller s'installer à Nevers avec ses enfants part seule en chemin de fer pour aller retrouver son mari.

29. Froid et neige, les routes cirées par les camions américains sont impraticables. La bergerie de Villars brûle, 19 agneaux sont victimes de l'incendie, allumé par la lampe d'un gamin qui faisait le fourrage.

31. Neige et froid, malgré cela, nous allons, Marcelle et moi, voir jouer au ... théâtre , la bataille de Bourges donnée par des actrices anglaises. Comme les autres, cette pièce tenait plutôt du music-hall que d'autre chose, plusieurs rôles étaient cependant bien interprétés, salle comble.




1.11.12

Décembre 1918


Décembre 19181er décembre. À midi, comme je revenais de la messe du dimanche, je trouve en haut de l'avenue un américain qui m'attendait, porteur d'une lettre de Roger de la Brosse  au colonel Skimer dans laquelle, il l'invitait à venir à Vauban pour rapporter la dépouille d'un énorme sanglier qu'il venait de tuer. Le colonel me faisait dire qu'il partirait à 12h30 pour le Morvan. Je déjeune quatre à quatre et je grimpe au camp ou je trouve les autos sous pression. Je monte dans la limousine avec le grand chef et Taves, et en route, par Chevenon, Saint Éloi et Guérigny. Une voiture d'ambulance nous suivait, non pour ramasser les blessés, mais pour rapporter la peau de la bête, ce qui était  du luxe, par ce temps de restrictions, ou je ne peux pas me procurer la moindre goutte d'essence… Un soleil magnifique réchauffait le temps froid du matin et la vue pouvait s'étendre au loin, aussi mes compagnons été émerveillés par les superbes paysages qui défilaient sous nos yeux.
A deux heures et demie nous arrivions à Vauban ou malheureusement nous ne rencontrons pas Roger qui était à la chasse. Je mène mes américains faire le tour du propriétaire et contempler le cèdre gigantesque qui se trouve sur la pelouse, nous entrons au grand salon, où je fais admirer le portrait du Maréchal, le bureau Louis XV et les glaces de Venise. Nous remontions ensuite en voiture et nous étions ici pour dîner. Sur toute la route, dans les champs et dans les bois, je n'ai vu que chasseurs, poilus ou civils, avec ou sans chien, mais dont beaucoup ont du rentrer bredouille, s'il n'y a pas plus de gibier dans les cantons traversés que je n'en ai ici.

2. Je reçois à déjeuner le Lieutenant du génie Vallet, venu à Saint-Parize pour faire l'état des lieux des terrains réquisitionnés par les Américains postérieurement au 7 janvier. Hier j'ai reçu une lettre de Rondoleur chef de l'entreprise Porchats dans laquelle il me dit qu'on me paiera mes pierres à raison de 0,90 par mètre cube et il me fait espérer que prochainement on me paiera le sable et la pierre. L'administration congédie tous ses ouvriers, ce qui me donne à penser que prochainement tout sera évacué et que nous retrouverons peut être la paix. Il est vrai que nos ouvriers depuis six mois travaillent au  camp, y auront pris de bien mauvaises habitudes, grassement payés sans rien faire.

3. Les américains changent d'avis, ils rappellent 600 ouvriers, pour quoi faire grand Dieu! Je conduis Marcelle à la Chasseigne pour faire de la musique avec Mademoiselle Anne de Guébriant qui a un véritable talent de violoniste.

4. Nous  allons à Nevers, Claire, Marcelle et moi, déjeuner chez les La Brosse qui sont encore inquiets de leurs belle-filles, assez fatiguées l'une et l'autre. Mademoiselle Frison retourne à Paris après avoir fait ma miniature, sans barbe et avant la cinquantaine d'après une photographie, cette manière de poser me plaît assez. Celles d'Hervé et de Marcelle sont réussies. Elle emporte de nombreuses commandes, celle de Claire, des Clayeux, et de nombreux Américains.

5. Avec Édith et Marcelle nous allons assister à un service à Gimouille chanté pour le pauvre Antoine Jourdier, nous déjeunons ensuite à la Grâce.

7. Concert à la maison de trois à six, Madame de Montrichard accompagne sa sœur qui nous joue de son violon quelques superbes morceaux, le colonel  Skimer nous amène un très remarquable orchestre, pianiste, violon et violoncelliste, commandant Taves, capitaine Carter et lieutenant Decker prennent pendant ce temps une tasse de thé et mangent des gâteaux.

 10. Les Charles Tiersonnier nous amènent pour déjeuner Nenette et Fafa de Soultrait et dans l'apres midi, nous les conduisons dans une baraque du camp pour y retrouver les Montrichard et toutes les chefs nurses et Dames de la Croix Rouge. À quatre heures et demie, goûter dans le latrac Skimmer, thé, chocolat, gâteau et pendant la dégustation, le quatuor se fait entendre.

11. La marquise de Berulle, née Chabrol-Chameau meurt presque subitement à Paris, elle laisse un fils unique marié à Mademoiselle Busson-Billaut. Elle n'a pas pu retourner dans sa propriété des Ardennes que les boches viennent d'abandonner. Les Pierre de Sampigny vendent leur terre du Boucard au Schneider, un beau denier, je suppose. Le gendre Saint Sauveur va faire à Apremont une résidence seigneuriale, dont le territoire sera plus étendu qu'avant la débâcle.

13. Édouard Yvan de Baudreuil de Fontenay meurt à Nevers à l'âge de quatre-vingt-deux ans. Sa vertu dominante a été l'avarice. La famille Yvan est très ancienne dans la Nièvre. Elle comptait des magistrats au présidial de Saint Pierre le Moutier, l'un d'eux fut député du Tiers État pour les Êtas Généraux de 1789. J'ai beaucoup fréquenté Fontenay et nombreuses sont les parties de chasse que nous avons faites ensemble, soit à tir, soit à courre. La vènerie le passionnait et pendant quelques années, il eut un équipage de chevreuil qui n'était pas sans valeur, grâce à son piqueux Jaubart qui lui avait amené plusieurs bons chiens de chez son ancien maître Monsieur Benoît-Champy.

14. Je vais à l'enterrement du précédent, il y avait beaucoup de monde. Auguste du Verne m'apprend qu'Anne est accouchée la nuit précédente d'une fille Cécile. Ce qui leur fait cinq enfants dont deux mâles. Madame de Chargères écrit à Claire pour lui annoncer les fiançailles de Carlo avec Mademoiselle Anne Marie de Castello. C'est la jeune fille qui a demandé le jeune homme. J'avais oublié à la page précédente que Geneviève Clayeux et ses filles étaient venues le 13 passer 24 heures pour assister au camp à une comédie (la lampe rouge) jouée par des nurses et des officiers, tout le vestiaire avait été fourni par nous, aussi The Martian, dans un de ses articles, avait publié que M. Robert Tâches pour la circonstance avait ouvert ses gardes robes fermées depuis 5 ans pour habiller tous les acteurs. La comédie a été fort bien jouée et cela nous a amusé de voir sur la scène une robe de soirée de Claire, mon smoking, un bonnet de Marie, etc.  Miss Bergson nous avait envoyé chercher par une auto de la croix rouge qui devait, ou au moins nous l'espérions, nous conduire jusqu'à la porte du theatre. Pas du tout, elle nous fait descendre à 150 mètres de là parce que les chemins devenaient impraticables et force a été pour ces dames à finir ce trajet dans 20 centimètres de boue, avec leurs petits souliers.
15. Melle Comte, fille du Docteur, meurt à 20 ans de la grippe, elle était fiancée à M. Philippon.
Claire, Marcelle et moi déjeunons à la Grâce avec le colonel Skinner, le commandant Taves, Geneviève Tiersonnier et Isabelle de Balloy. On fait force musique et le chauffeur se fait entendre.
Les nouveaux riches - Pourneau fermier à Gain, et fils de notre ancien fermier de Bouvy, vient d'acheter le château et les 4 domaines de Boisvert pour 600 000 Fr. C'est du 2%. Cette terre est vendue par  M. de Marcellus et n'a pas été habité depuis 50 ans. Madame de Donne, fille de Monsieur du Rosay et belle-soeur du précédent avait liquidé sa part il y a quelques années au profit de la générale Perigot.
Pinos, sujet espagnol, marchand de primeurs à Saint-Pierre le Moutier depuis 5 ans s'est rendu acquéreur du domaine d'Autry, situé près de Buy et appartenant à M. Jalladon de la Barre, divorcé puis remarié à une américaine, ce qui ne l'empêche pas d'être ruiné.

21. Nous déjeunons à Buy, Claire, Edith et moi. Les américains grimpent sur les grands peupliers de l'étang pour les dépouiller du gui dont ils sont couverts afin de décorer leurs baraques pour la fête de Noël. J'ai même vu une nurse habillée en homme, très haut perchée pour faire la cueillette.

23. Les américains continuent à piller les arbres verts et malgré les 3 ou 4 policemen qui sont préposés à la garde du jardin, ils n'arrivent pas à nous défendre, trois petits arbustes dont un beau tuya qui étaient sur la pelouse ont été coupés, ainsi que le buis du jardin de Joachim. Claire, furieuse, monte chez le colonel pour se plaindre. Une enquête sera faite et les coupables punis.

24. Nous allons à la messe de minuit à Saint Parize par un ciel étoilé et température douce. Plusieurs américains y assistaient et ont communié.

Noël. Les Américains offrent à tous les enfants des communes environnantes un arbre de Noël. Ce sont les dames de la Croix Rouge qui organisent cette fête, chacune dans son groupe.

26. Henri, sa femme et Tone viennent déjeuner, et ne trouvent ni Claire, ni Marcelle, que Miss Bergson est venue prendre ce matin pour les emmener aux Fougis passer la journée en compagnie de deux officiers. Elles ont fait un très agréable voyage dans leur voiture d'ambulance.
Henri à vendu dans un de ses domaines de l'Allier une paire de bœuf pesant 2300 kg pour 5 900 Fr. Ce qui fait 2,52 Fr. le Kilo.
René de la Boutresse, frère jumeau d'Emmanuel meurt en Normandie à 68 ans.

29. Hier, ouverture du grand théâtre au camp américain, nous nous rendons à cette fête ou nous retrouvons sur l'estrade d'honneur les Montrichard, de la Moussaye, Thuret, Bouillé, général Johnson, etc. Madame de Bouillé assise à côté de Claire est des plus aimable tout en étant fort gênée, ses filles ne nous disant même pas bonjour. Les Charles Tiersonnier étant de la fête, le colonel leur avait envoyé son auto pour les amener de la Grâce, ils couchent ici. J'oubliais de mentionner la présence de notre curé, assis à côté du Cte de Montrichard, c'est la première fois que l'un et l'autre assistaient à une représentation dans un music-hall, car ce n'était que cela. Nous comptions cependant sur un opéra.

30. Le colonel et Taver vont déjeuner à Vauban. Roger nous avait demandé de les accompagner, Marcelle et moi, mais le dimanche ce n'est pas commode à cause de la messe, et puis un si long voyage manque de charme avec la pluie qui ne cesse de tomber.

31. Monsieur de Vasson me prend dans son auto à 8 heures du matin pour faire une tournée des reproducteurs charolais. Je le mène chez Besson à Mont ou nous voyons de bons veaux mais des prix!! 4000 f. un numéro. De là, nous nous transportons à Lille, les prix sont moins élevés mais les sujets moins bons. Nous arrivons ensuite à Beuzeau ou mon ami se rend acquéreur pour 3500 fr d'un veau de tête.