8.11.12
Janvier 1919
Janvier 1919
1er janvier 1919 (64 ans ce jour). À minuit, la sirène du camp pousse des rugissements pour annoncer la nouvelle année ce qui me réveille en sursaut, je bénis nos alliés de ce manque de tact. De nombreux pétards sont tirés qui me font croire que les cambrioleurs envahissent la maison. Le jour arrive triste, humide et maussade et nos chemins ne sont plus que des cloaques horribles.
Hervé a un gros rhume, qui nécessite la visite du médecin qui constate qu'il n'y a rien aux bronches. Miette est également aux prises avec la toux mais moins forte que celle de son frère. Comme nous n'avons pas l'habitude d'être à Tâches pour le jour de l'an, nos gens ne nous souhaitent pas la bonne année, ce qui n'est pas désagréable.
Madame Moreau, née Cornu, meurt à Nevers dans sa 81ème année, son mari nommé ingénieur en chef dans notre ville s'y installe complètement en faisant bâtir son joli château sur le boulevard Saint Gildard qui, à ce moment la était la pleine campagne. D'idées un peu avancées, comme beaucoup de polytechnicien de son époque, il se faisait pour cette raison souvent rabrouer par mon père qui était un peu son parent, mais surtout son ami, et qui lui disait en jouant au Whist, dans les salons de notre ancien cercle agricole: occupe toi du jeu des autres plus que du tien, vieux républicain. Moreau prenait cela de bonne part grâce à son tact et sa grande bonhomie. Tant qu'il a vécu, nos familles ont entretenu ensemble des relations parfaites. Après lui, sa fille étant en âge de se marier, sa mère dont la vanité était la passion dominante, la fit épouser le Comte de Chabanne, officier de cavalerie mais sourd et sans le sol. À partir de ce moment elle rompit complètement avec nous, pauvres hères dont les ancêtres ne remontaient pas aux croisades, ne se rappelant pas qu'un jour elle m'avait demandé de la promener à mon bras, entre les chaises de la cathédrale pour une quête, et que par bonté d'ami je lui avais fait cet honneur.
Grâce aux Américains, nous mangeons d'excellents chocolats, qui nous sont envoyés par le colonel Skimmer, par Hebert, Becker et par les nurses qui échangent des goûters avec ces dames.
5. Le temps doux et humide continue avec persistance, il a tellement plu la nuit dernière, que l'eau baigne les pieds des marronniers et passe sur toute l'avenue.
La comtesse Eblé, née Marie de Bricourt, est emportée en quelques jours par la grippe infectieuse, morte au Creuzot ou son mari est ingénieur, elle sera inhumée à Paris. Elle laisse 4 petits enfants en bas âge.
8. Mariage Villaines-Marcy. Le temps s'était mis de la partie et a favorisé la fête. Le cortège était fort réussi, de nombreux uniformes fort bien portés par les Villaines qui sont de belle taille. Cela faisait contrefort au parti adverse. Carlo de Chargères y donnait le bras à sa future qui est charmante et bon enfant. La marquise était la aussi et, dans la sacristie, ou je suis allé la saluer, je lui ai dit que si nous n'étions pas dans le lieu saint, je lui demanderai la permission de l'embrasser, qu'à cela ne tienne me répond-elle en me présentant sa joue.
Charles du Verne faisait parti du cortège, ce qui m'a fort surpris, après tout ce qui s'était passé, il a fallu une rude éponge pour nettoyer tout cela.
Le lunch servi au grand hôtel était bon. Le revers de la médaille à été de parcourir avec le tonneau le chemin de Moiry à Nevers que les Américains sont en train de charger avec des cailloux de St. Reverin, et qu'ils s'en sortent comme les goujats qu'ils sont.
Edith, vu son état de grossesse, a préféré aller à Nevers par le chemin de fer avec Madame de Montrichard, elles sont arrivées à point pour la sacristie.
Samuel de Thé a été opéré ce même jour de la prostate par le Dr. Papin qui est content de son travail.
9. Je mène Fulgence et André chez Blond à Lille voir des taureaux ou ils en achètent une paire pour 6000 Fr. En principe ils ne devaient pas mettre plus de 2000 Fr. par numéro mais ils se sont laissés tenter et ont choisi les deux meilleurs de l'écurie.
10. Marcelle m'ayant demandé de l'accompagner au théâtre américain, j'y suis allé comme un chat qu'on fouette, c'était à tort car j'ai passé une charmante soirée. La troupe du camp de Verneuil était seule sur les planches et je dois dire que pour ces acteurs qui ne sont pas de profession, ils ont été merveilleux. L'opéra bouffe composé par le captain xxx s'appelle j erou le permissionnaire et se passe dans un grand hôtel de France. Il est tout d'actualité et les rôles des femmes qui sont tous tenus par des hommes frisent la réalité, il faut qu'il en soit ainsi sans cela la pièce serait un peu leste, car quand il arrive des permissionnaires on fait danser ces dames au salon pour les divertir. La musique est bonne et le chant à l'avenant, il y a un quatuor qui m'a paru supérieur à celui de notre camp, je l'ai dit à Tades qui n'en a pas été content. Le lever du rideau était fort réussi, cinq grand diable tout de rouge habillés, faisaient passer le Kaiser en jugement et naturellement le passaient à tabac.
11. Nous allons, Claire et moi, déjeuner au Colombier et en passant nous déposons Marcelle à la Grâce ou elle restera 3 jours, en compagnie de Blanche Tiersonnier.
13. Miss Bergson vient nous faire ses adieux et n'arrive pas les mains vides, elle donne à Marcelle des bottes et un chapeau en .... et à moi une robe de chambre multicolore, thé, chocolat, etc. Cette excellente fille part pour Trêves. Elle était accompagnée du Colonel Hanon, retour de Nice.
14. Bernigaud arrive à la première heure pour me prier de l'accompagner auprès du chef de la police, car hier soir a 6 heures il a été attaqué près de sa bergerie par un nègre qui, le menaçant du couteau, lui a volé son portefeuille qui contenait environ 300 Fr. Déjà la semaine dernière un autre nègre, ou le même, s'est jeté sur Duchantoin qui retournait à Moiry, l'a frappé sur la tête avec un gros bâton et lui a volé son porte monnaie.
Augustin nous arrive ce matin pour trois jours, il ira à Bourges savoir ce que l'on veut faire de lui.
16. Hartman dine avec nous, retour de Nice ou il s'est follement amusé.
17. Skinner, Hanon et Taves déjeunent avec nous.
20. Je conduis Augustin à Nevers ou il va faire un soit disant service au 41. le Lycée. Je vais voir mon ami de Thé qui ne peut me recevoir, son état de faiblesse étant encore très grand à la suite de son opération de la prostate que Papin lui a enlevé le 8. Celle ci qui normalement pèse 90 grammes, en faisait 170.
21. Je conduis Claire et Marcelle à St. Pierre pour prendre un train qui les conduira à Moulins ou elles vont suivre une retraite.
Julien Clayeux est porté comme tué le 27 mars, on dit un service pour lui demain dans la cathédrale de Moulins, ces dames y assisteront.
Le colonel Hanon toujours aimable m'apporte une veste de peau.
22. Le même colonel m'apporte encore une paire de lunettes en Zylonite et deux boites de chocolats, il en met 3 dans l'auto de Madame de Montrichard qui était venue goûter avec Edith en amenant Gabi jouer avec Hervé, pendant que Claire et Marcelle suivent à Moulins la retraite annuelle des enfants de Marie.
23. Foire de St. Pierre, peu ou pas de bêtes à cornes, quelques cochons hors de prix.
26. Claire et Marcelle reviennent de Moulins.
2500 américains quittent le camp.
27. La neige tombe en abondance.
La neige tombe encore davantage le 28 aussi Edith qui devait aller s'installer à Nevers avec ses enfants part seule en chemin de fer pour aller retrouver son mari.
29. Froid et neige, les routes cirées par les camions américains sont impraticables. La bergerie de Villars brûle, 19 agneaux sont victimes de l'incendie, allumé par la lampe d'un gamin qui faisait le fourrage.
31. Neige et froid, malgré cela, nous allons, Marcelle et moi, voir jouer au ... théâtre , la bataille de Bourges donnée par des actrices anglaises. Comme les autres, cette pièce tenait plutôt du music-hall que d'autre chose, plusieurs rôles étaient cependant bien interprétés, salle comble.
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