29.12.10

MARS 1928

1. Pluie. Enterrement de Raoul de Bouillé, il y avait foule, ce qui prouve que dans notre pays plus ou moins pourri, on est encore traditionnaliste, et que le souvenir d’un nom qui a été respecté, ne s’efface pas très vite. Les parents proches comme les Marcy et Maumigny se tiennent au fond de l’église. Pas de Chargères, Albert ne figure pas dans la lettre de part. Sur la tombe, Roger de Soultrait, en sa qualité de président de la Société d’agriculture, prononce une oraison funèbre, ce qui n’était pas commode, me dit-il en passant. Nous ramenons à Nevers le Colonel d’Assigny et G. Tiersonnier, ce dernier déjeune avec nous. Augustin rentre d’Auvergne. Après dîner je vais faire un Bridge chez les Houdaille avec Jean de Pazzis.

2. Pluie. Bridge chez Auguste du Verne. A huit heures et demie du soir, le candidat Piélain, directeur à Imphy, expose son programme politique. Il est acceptable. Le Paris-Centre qui ne manque jamais une gaffe publie le même jour la profession de foi de l’avocat Gromolard qui est son concurrent, qui est très modérée. Tout de même il faudrait soutenir un seul candidat, et Piélain a reçu l’investiture du parti catholique, que lui a donnée le Comte de Pardieu.

5. Miette a la fièvre, c’est probablement la rougeole qui commence, elle empêche sa maman de venir à la chasse, Marcelle nous y emmène avec le colonel d’Assigny et Augustin. A onze heures et demie nous arrivons dans les bois d’Azy pour voir un joli rendez-vous des équipages réunis du Vautrait Croÿ et du Rallye Bourbonnais, quatre-vingt chiens et dix-huit autos. La princesse nous fait le plus aimable accueil et nous invite à goûter après la chasse. Celle-ci ne fut pas brillante, après une bonne attaque sur un animal de cent quarante, les chiens se divisent et partent en éventail sur des marcassins. Aussi à quatre heures et demie beaucoup des invités se retrouvent au château d’Azy pour y faire une partie de Bridge et prendre une tasse de thé. Il y avait les Pracomtal, Candolle, Chabannes, Faverges, Dreuzy, Paul Tiersonnier, Aubergy, Terline, etc. J’ai joué avec la Marquise de Pracomtal qui a fait peu de progrès. Parmi les assistants qui ne sont pas venus au château il y avait Madame Buzenat, la famille Roy nos voisins, Madame Ponceau accompagnée de Madame Maringe née Blandin qui ne s’est fait présenter à personne, de même que Monsieur d’Allaines, le mari de la dernière des Larouillère, et enfin Mademoiselle Taillandier la fille de mon charpentier dans une superbe toilette.

Les Guillaume du Verne dînent avec nous.

6. Pluie. Miette est plutôt rose que rouge, et peu abattue. Je vais à la gare voir passer Edmond et je ramène Geneviève qui allant à Villette s’arrête à la maison pour déjeuner. Bridge chez Zizi.

7. Miette est rouge et vomit tout ce qu’elle prend. Goûter chez Madame Comte, il n’a rien du carême, peu nombreuses sont les personnes qui jeûnent. Cinq tables de Bridge.

8. Marcelle me conduit à Tâches, je trouve ma métayère dans un état lamentable, elle a eu un transport au cerveau, et il faut deux personnes en permanence auprès d’elle, et toute la maison est sur les dents, les pauvres gens font pitié. Naturellement rien ne se fait dans le domaine. A deux heures et demie je prends le train pour Poiseux, où je vais voir mon vieux camarade Charles du Verne, qui se plaint de ne pouvoir plus marcher, il a cependant bonne mine, mange, dort bien, et lit l’Action Française. Sa femme fait les honneurs de son home qu’elle a arrangé avec goût, avec beaucoup d’amabilité mais peu de distinction. C’est son jour, il vient assez de monde pour monter quatre tables de jeux avec les Dreuzy, Terline, de Champs, Houdaille, Toytot, etc. Le colonel d’Assigny et moi restons à dîner et rentrons par le train de dix heures et demie.

10. Foire de Nevers, un peu plus d’activité dans les demandes, il y a quelques étrangers. Petits cochons onze le kilo, le gras sept. Bridge chez Zizi.

11. Madame Victor du Verne, qui n’a pas de cuisiniere, déjeune avec nous, ses quatre-vingt ans lui pèsent moins qu’à moi les soixante-quinze. A cinq heures j’entends dans le salon d’Auguste la conférence faite à Notre-Dame par Monseigneur Baudrillart qui parle pendant une heure et demie, on le suit très facilement.

12. Quatre degrés sous zéro. Je vais avec Marcelle donner de l’eau bénite à ma pauvre métayère Mangote morte après trois mois de souffrances. Le même jour à Callot je perds une jument de huit ans prête à mettre bas, c’est la seconde dans ma régie depuis six mois, ce qui représente une dizaine de mille francs de perte. C’est beaucoup. A déjeuner, nous avons Geneviève, amenée par les Villeneuve. Bridge Delecluze.

13. Déjeunons à la Grâce, au retour, on me dit que Félix est malade. Je le trouve aux prises avec une forte indigestion, ce qui lui arrive de temps en temps. De neuf heures du soir à neuf heures du matin, il a des vomissements, il est épuisé par les efforts, et ne reconnait plus personne. Bien me prend de passer la nuit près de lui, car seul, il n’aurait pu prendre ni son pot ni sa cuvette, et sa domestique qui n’est qu’un château branlant n’aurait pas eu la force de le secourir.

14. Félix va mieux, le docteur le fera purger demain.

15. Il passe encore une mauvaise nuit avec efforts pour vomir très fatigants. La purge fait beaucoup d’effet. Madame Vialle et Marie du Verne déjeunent avec nous. Bridge à la maison, trois tables.

16. Sept degrés sous zéro. Solange Houdaille m’emmène avec mesdemoiselles de Toytot à la chasse Croÿ et Rallye Bourbonnais. Le rendez-vous est à la grille du château de Prye. Le coup d’œil est superbe, éclairé par un beau soleil. Assistance aussi nombreuse que choisie : princesse de Croÿ, les Rohan-Chabot, Glatigny, de Champs, de Roquefeuille, Duras, Mollins, Andrieu, Paul Tiersonnier et dans un milieu moins chic, Blandin, Roy, Ponceau, Vagne, etc. On attaque au Bois Petant, dans une compagnie de sangliers, et pendant quatre heures et demie on ne sort pas du massif de Prye ; à la tombée de la nuit nous rentrons chacun chez nous.

17. Les Guillaume du Verne dînent avec nous impromptu. A quatre heures du soir, Marcelle reçoit la dépêche suivante : « Evêque de Nevers me refuse autorisation quêter église cathédrale, irez vous voir dimanche onze heures. Germaine de Savigny ». Ma fille lui avait demandé de quêter pour l’œuvre des tabernacles et elle avait accepté très gentiment. A première vue je trouvais que Monseigneur avait eu tort de lui refuser l’autorisation, la suite m’a prouvé qu’il avait eu grandement raison.

18. A l’heure dite, Germaine arrive à la maison et nous dit qu’elle a écrit à notre évêque, lui demandant son offrande et la permission de quêter dans la cathédrale, étant donné qu’elle lisait l’Action Française et qu’en plus elle était propagandiste. Elle nous avoue même qu’elle n’avait fait que copier cette lettre inspirée par un autre. C’était donc une pure provocation, à laquelle Monseigneur a fait répondre par l’abbé Chevalier dans ces termes : « Mademoiselle, les décrets de la Sacrée Pénitencerie étant toujours en vigueur, après ce que vous dites, vous ne serez pas étonnée de ce que je ne puis vous autoriser à quêter dans la cathédrale… » ceci prouve une fois de plus la mauvaise foi des gens inféodés à l’A.F. Mademoiselle de Savigny a renvoyé leur offrande à tous ceux qui la lui avaient fait parvenir en leur signalant le refus de Monseigneur mais sans parler de sa lettre, afin que tous puissent croire que toute la faute retombait sur notre saint évêque. Marcelle a remplacé la jeune Germaine en promenant la bourse dans la cathédrale.

19. Saint Joseph. Comme d’habitude je m’approche des Sacrements. A onze heures je vais à l’enterrement d’Emmanuel Cheminade, mort à soixante douze ans, de froid, dit-on, sa grande économie l’empêchant de faire du feu. Les Guillaume du Verne déjeunent avec nous, Suzanne devant amener mes petites filles servir le repas des vieillards chez les petites sœurs des pauvres. J’ai omis de dire qu’à la date du dix-huit, Augustin a fait une conférence chez les sœurs de l’Assomption, prenant pour sujet la poésie à travers les âges.

20. Mariage Veyny-Thoisy à Saint-Pierre, assemblée des plus sélects, jolie mariée, bousculade à la sacristie. Le lunch était servi dans une tente beaucoup trop petite, aussi, nombreux ont été ceux qui sont allés déjeuner au restaurant. Pour ma part, je me suis contenté de manger un morceau de pain et de fromage chez ma sœur. Madame de Mollins qui est l’amabilité même, ayant invité tous les gens de la noce à passer l’après-midi chez elle, de deux heures et demi à sept heures, sa maison à regorgé de monde. Neuf tables de Bridge était montées et celle du buffet fort bien garnie a permis à ceux qui n’avaient pu se rassasier à l’hôtel Veyny de prendre leur revanche.

21. Pluie. Nous conduisons à sa dernière demeure Fleutot, Comte de Dongermain, mort à l’hôpital de Nevers à la suite d’une opération, âgé de soixante-seize ans. Ses neveux de Rosemont conduisaient le deuil, le second, officier d’artillerie devient le propriétaire de Véninges, ayant été adopté par sa tante. On m’a fait l’honneur de tenir un des cordons avec Pardieu, Auguste du Verne et un fermier de Varenne.

22. Pluie. Valérie de Goy vient de Bourges passer la journée avec nous.

24. Mes filles et moi emmenons Yvette de Noblet à la chasse, rendez-vous à Prye, assistance aussi nombreuse que choisie : Princesse de Croÿ, Saulu, les Pracomtal, Rohan-Chabot, d’Armaillé, Marcy, Terline, Glatigny, Mollins, Houdaille, du Gart, Auguste du Verne avec Marie-Antoinette, les Guillaume, Guillemain, Pinet des Ecots, A. de Chabanne et autres seigneurs de moins d’importance, il ne manque qu’un sanglier. A une heure nous partons pour les routes où Monsieur Brisset a signalé des animaux. En effet, à quatre heures moins un quart on découple sur une petite bête que les dames voient sauter vers les ruines du château de Faix, barré sur la route du Roulleau par les trop nombreuses autos, il repasse la route de Nevers et se fait battre jusqu’à la nuit dans les usages de Chaluzy. Pendant les trois heures d’attente, les bridgeurs ne perdent pas leur temps, je fais une partie avec Mesdames de Marcy, de Pracomtal et Joseph Andrieu. Trois autres ateliers travaillent dans les autres voitures. A sept heures on sonne l’hallali et on fait manger le petit cochon par l’équipage à la lueur des phares des voitures de ceux qui plus patients que moi étaient restés jusqu’à nuit noire.

25. Marcelle et moi allons à Tâche où Mazan m’annonce son intention de me quitter le onze mai prochain.

28. Pluie. Les Riberolles mènent les petites goûter à la Garenne et poussent jusqu’à Clamour.

29. Emile Jourdan du Mazot, capitaine de cavalerie, en retraite, meurt à Nevers où il habitait avec sa sœur Yvonne, la dernière des neuf enfants Jourdan; c’était un bon ami et un de mes camarades de collège. Bridge à la maison. Trois tables avec Simone d’Assigny, Marie-Thérèse Guillemain et sa belle sœur de Boursier. Mes enfants dînent à la Baratte et moi avec mes petites filles.

30. Au réveil je trouve à la cuisine Camille Moquery qui m’annonce que six brebis sont mortes étouffées. La veille ils leur avaient apporté des pierres de sel et comme surement elles n’en avaient pas eu depuis longtemps, elles se sont entassées les unes sur les autres et se sont écrasées. La morale de cela est qu’il faut toujours du sel dans une bergerie et quand on le renouvelle, en mettre dans plusieurs places à la fois. Augustin nous conduit, Marcelle et moi, déjeuner à Moulins chez les Clayeux. Edith ne nous accompagne pas, ayant la migraine et des rubans devant les yeux. Nous y trouvons le ménage Antoine, les Gaby et Madame de Nanteuil arrivant de Lyon où ils ont couché, retour de Cannes.

31. Pluie abondante. Mes filles déjeunent à la Grâce. Madame Theurier meurt à l’âge de quatre-vingt-douze ans et laisse à ma voisine madame le Sueur sa maison de la Place Ducale toute meublée.

16.12.10

FEVRIER 1928

1. Pluie. Grand goûter au Colombier, en l’honneur de Paul Filleul, au moment ou j’entre au vestiaire Madame Saurel en sort, elle est suivie d’un monsieur à moustache que je prends pour son mari et auquel je sers la main, ce n’était qu’un larbin, qui venait prendre mon manteau, mes filles se tordent de rire.

2. Marcelle et Edith déjeunent à la Grâce et font une visite au Veuillin.

3. Pluie.

4. Bizy me conduit à Tâches. Les naissances d’agneaux aux Petites Granges ne sont pas brillantes. Au Paturail Masle, les poulains se sont sauvés, sans que Dreux s’en soit aperçu.

5. Pluie. Cécile et Yvonne arrivent à six heures du matin par le Lyon-Nantes. Marguerite et Félix déjeunent avec nous, et le soir Bridge chez ma sœur avec les Reynier, Saurel et Delecluze.

6. Goûter-Bridge à la maison, invités G. Tiersonnier et Paul Filleul, la Grâce, Talabot, de Maumigny, Comte, Bouquillard, de Pardieu, de Noblet, Guillemain d’Echon, de Bourcier, et les joueurs habituels. Quatre tables.

7. Bridge chez Marguerite Pinet.

8. Par un temps très printanier et un beau soleil, nous partons en deux voitures, mes filles, mes trois petites filles, Augustin et moi, pour Cosnes d’Allier assister au mariage d’Antoine Clayeux. Les Riant ont bien fait les choses, rien ne cloche, le cortège est superbe, il est précédé des deux petites Jourdier qui se donnent la main, la mariée est ravissante, sa robe a une traine de trois mètres faite de magnifique dentelles, me dit-on. Le service d’honneur est fait par quatre jeunes filles tout de bleu habillées. Yvonne a le dernier des Davaux de Chambord comme garçon d’honneur. C’est le Chanoine de La Chaise, revêtu de son camail rouge, qui donne la bénédiction nuptiale, il a l’air d’un cardinal. Le curé de Thionne dit la messe. Chants et violons se font entendre. Le lunch servit par Cagnat de Moulins réunit trois cent personnes, les vieilles gens dont je fais partie occupent la salle à manger du château, les mariés et d’autres jeunes sont dans une autre pièce, une énorme tente offre asile à tout ce qui reste d’invités, qui déjeunent debout. Les appareils de photographie croquent en passant les nombreux groupes qui se promènent tête nue dans le parc tellement le temps est doux. L’exposition de très nombreux cadeaux attire beaucoup de monde au premier étage. Cent quatre autos étaient rangées sous les arbres. Somme toute, réunion des plus selects parmi laquelle le Duc de Guise était représenté par le Comte de Montlaur qui avait daigné honorer de sa présence cette jolie fête.

9. Excellent goûter chez Madame de Boursier ; quatre tables de Bridge. Cécile et Yvonne retournent à Rennes.

10. Pluie. Goûter excellent à la Belouze, beaucoup de monde, huit tables de jeux. Comme Marcelle est enrhumée, nous emmenons à sa place Monsieur de Noblet, gendre Pardieu.

11. Pluie. D’un commun accord avec mes enfants, nous décidons de mettre en vente la Grange Quarteau, c’est un domaine qui ne peut pas s’affermer très cher, mais qui grâce à sa situation doit pouvoir se vendre avantageusement, car il est à cheval sur une grande route, à quatre kilomètres de Nevers et entouré de maisons. Nous chargeons le notaire Gallicher de réaliser cette vente. Foire à Nevers, peu d’entrain dans les transactions.

12. Pluie.

13. Pluie. Je garde la chambre étant enrhumé.

15. Grosse crue de la Loire. Mes enfants vont déjeuner chez Félix et goûter au Chazeau, sans moi.

16. Nous vendons avantageusement la Grange Quarteau à M. Gros qui n’est cependant pas juif. Ce domaine qui rapporte peu et coûte cher d’entretien pourra se détailler facilement à cause de sa proximité de Nevers et des petites propriétés qui l’entourent. Mes locataires, avec l’équipage Gozard, tuent trois sangliers aux Epinières et m’apportent un beau cuissot.

17. Goûter à la maison, cinq tables de Bridge occupées par les Marcy, Villaines, Mollins, Pozzis, Faverges, du Verne, Pinet, Barrau, Leddet, etc.

18. Les Edmond Clayeux viennent de Moulins passer la journée avec nous.

Dédette est larmoyante et a la fièvre. La nuit elle devient toute rouge. C’est la rougeole dit le Docteur Comte.

19. Je me traine jusque chez les d’Anglejean, mon rhume me coupe les jambes, je vieillis vite quoiqu’en disent mes filles. Hervé qui est en vacances de jours gras et en superbe état va au Clos avec son père, voir jouer une comédie.

Bridge chez les Toytot, trois tables.

20. Marcelle, Hervé et moi allons à Tâches, je trouve ma métayère Mangote en mauvais train, et Mazan avec un abcès à l’anus que le Docteur vient d’ouvrir.

Dédette va mieux.

Bridge Delecluze.

21. Mardi Gras. Grand goûter à la Baratte. Hervé retourne à Riom et Dédette va mieux.

22. Il gèle à trois degrés et c’est sous un brouillard opaque que l’on va recevoir les cendres.

23. Trois degré. Froid. Augustin me conduit à la foire de Saint-Pierre où les cours ne sont pas brillants. Je vends quelques génisses et je ramène des châtrons qui ne sont pas demandés, seuls les bœufs partent facilement.

Nous refusons un goûter à Poiseux à cause du carême.

Augustin part pour Bulhon, où il a des ennuis avec ses métayers et ses domestiques.

Le mercredi des cendres, Béatrice de La Brosse met au monde une seconde fille à Vauban.

24. A neuf heures du soir, Dédette pique quarante degrés de fièvre sans aucune raison dit le Docteur. Les nuits sont bonnes.

25. Bridge à la maison, deux tables. Les Charles Tiersonnier déjeunent avec nous.

Marcelle accompagnée du Colonel d’Assigny va voir jouer Gringoire par la troupe Guillemain, Boursier, Suzanne du Verne, etc. Il parait que c’était bien. Je me dispense d’y aller me sentant encore tout patraque, décidément je vieillis vite.

26. Le Comte de Bouillé meurt en son château de Villars abreuvé d’amertume, sa maison qui était la première du pays du vivant de ses parents, en est devenue la dernière, depuis plusieurs années, grâce à la tenue honteuse de ses enfants et la complicité très coupable de leur mère. Quant à lui, s’il était sourd, il n’était pas aveugle et il aurait pu chasser de son salon les garçons de ferme qui y venaient faire danser ses filles au grand scandale de tous les gens du pays.

Marcelle me dépose à Tâches en allant à Saint-Parize où elle réunit les jeunes filles de la commune et celles de Mars et de Magny au nombre de trente-cinq pour entendre une conférence de Mademoiselle Yvonne Bouille qui obtient un plein succès.

29. Pierre de Barrau prend une année aujourd’hui.

Des cambrioleurs tentent sans succès de pénétrer dans la maison de notre voisine Zanote qui est à Arcachon avec son fils malade. La porte résista à la pesée du levier.

Goûter qui n’est pas de Carême et quatre tables de Bridge chez Madame Leddet.

Après dîner nous allons, Edith et moi, faire une partie chez le Colonel d’Assigny qui a invité les Guillaume du Verne à manger un succulent poisson.

18.11.10

JANVIER 1928

1. Au réveil la pelouze est toute blanche.

2. On me confie Guiguite et Elisabeth Riant, que son fiancé a amené tout exprès, pour les accompagner à la chasse à courre, j’ai la chance de leur faire voir l’attaque et l’hallali.

3. Il pleut, mauvais temps pour mes bagages que l’on conduit ce jour à Nevers.

4. Je déjeune à Moulins chez Henri Robert qui m’amène ensuite à son domaine des Bordes pour y voir un cheptel issu de deux reproducteurs venant de Tâches. Je constate que les animaux ont de la sorte et du membre aussi j’espère conserver la clientèle de mon cousin.

6. Pluie. Nous rentrons à Nevers. Je voulais m’arrêter à Mars en passant pour aller voir mes affaires, un peu de rhume et le mauvais temps m’en ont empêché.

7. Bridge chez Marguerite Pinet.

8. Bridge chez Madame de Mollins. Visite à Madame Grenouillet qui ne quitte plus sa chambre, ses jambes refusant tout service.

9. Temps très doux et humide.

10. Bridge à la maison avec Mesdames de Mollins, Pinet, Delecluze, de Toytot, le Colonel d’Assigny et Beaumesnil.

11. Bridge chez Madame Leddet, dîner chez Marguerite avec les Toytot et l’abbé Noel le nouveau curé de Saint-Etienne.

12. Nous allons à Tâches, Marcelle et moi et revenons avec la Renault, que nous n’avons pu mettre en marche qu’à grand peine. Aux petites Granges, je trouve ma métayère Mangote paralysée de tout le côté gauche, elle garde le lit depuis dix jours sans prendre de mieux, la pauvre femme pourrait bien avoir pour jusqu’à la fin de ses jours, c’est bien triste.

14. Foire de Nevers, les bovins sont encore en baisse. Les Paul Tiersonnier déjeunent avec nous, j’apprends qu’Antoinette a perdu le procès qu’elle a intenté à son ex-fermier Gaby, pour une histoire de pompe. Paul ne désespère pas de gagner à Bourges.

A deux heures et demie conférence politique, salle Vauban, en vue des élections ; une cinquantaine de présents, presque tous comtes et marquis, ce ne sont pas ceux là qu’il faudrait convertir. Je trouve que le comité, à la tête duquel préside le Commandant Bouchacourt n’a pas beaucoup de ressort.

15. Bridge Mollins.

16. Coupe de cheveux. Orage, pluie, grêle.

17. Pluie. Les Riberolles nous arrivent en bon état après avoir déjeuné chez les Henri en passant à Moulins. Trois tables de Bridge chez Auguste du Verne.

19. Bridge à la maison. A huit heures et quart du soir le Colonel d’Assigny m’emmène au Ciné-parc pour y entendre une conférence faite par le camarade communiste Debraye, qui nous raconte ce qu’il a vu en Russie, où il a été envoyé en mission par son parti, naturellement tout ce qu’il y a vu est superbe, j’en suis moins convaincu que lui.

21. Concours agricole par un temps magnifique aussi il y a foule, les reproducteurs s’améliorent et grossissent tous les ans, malgré cela les prix baissent et plusieurs sont invendus. Charles Tiersonnier a de bons animaux dont une vache grasse qui devenue soudain furieuse se tue dans la voiture à bestiaux.

Nous avons à déjeuner Raoul d’Anchald, les Anginieur, les d’Aun, Carlo et les Villeneuve, ceux-ci sont obligés de rester coucher car leur Citroën refuse de se mettre en marche.

23. Les Soultrait déjeunent avec nous.

24. Augustin me conduit à la Grange Quarteau où je constate que le pont sur la Nièvre doit être refait et que la couverture de la vieille grange est en mauvais état. Charmante propriété. Comme consolation nous avons trois tables de Bridge à la maison et une galette à la grignaude.

25. Bridge Houdaille. Geneviève Tiersonnier dîne avec nous, et emmène Marcelle à un concert au Ciné-Parc.

26. Allons à Tâches par un beau soleil. Bridge chez Madame Delecluze. Marguerite et Louis dînent avec nous, ce dernier est là pour trois jours.

28. Marcelle emmène à Bourges Mesdames d’Anglejan, de Noblet et Edith pour déjeuner chez Valérie de Goy nouvellement installée dans cette ville. Nous dînons chez Marguerite avec Louis qui repart demain.

29. 5° sous 0

30. 31. Beau temps.

12.11.10

DECEMBRE 1927

1. Solange Houdaille nous mène à Aubigny, où c’est le jour de sa tante la Comtesse Servon. Tout a été remis à neuf. L’Ideal classique chauffe bien, l’électricité éclaire de même. Cela ne sent pas la caque, les murs sont décorés de tableaux de famille remontant à Louis XIV, côté Servon, côté Watelet. Trois tables de Bridge, une de Poker. Avec les Marcy, d’Anchald, Ganay, Pazzis, Terline, Andrieu, Pinet, du Part, etc. La Marquise de Rolland et les Scorail font une courte apparition. Nous rentrons à Tâches seulement à huit heures et demie. Heureusement le ménage Charronnier ne nous avaient pas attendus et avaient soupé.

Les Cote, des Réaux, sont désolés, leur fils ainé fait ce jour à Clermont un mariage du plus morganatique.

2. Geneviève Clayeux me fait part des fiançailles d’Antoine avec Mademoiselle Elisabeth Riant, fille d’Emmanuel. Vingt ans, les yeux bleus et toutes les qualités, tout le monde est dans la joie y compris les vieux. Moi aussi, je suis content de voir mon neveu entrer dans une famille très bien posée en Bourbonnais, mais pour Geneviève c’est peut-être la fin de la tranquillité. Auguste du Verne et Marie-Antoinette déjeunent avec nous. Cette dernière a l’air de remonter sur sa bête, elle suit un traitement pour combattre l’affaiblissement ou l’avait mis son grand dévouement à la Ligue où elle a mis tout son cœur et ses forces.

3. Déjeuner chez ma sœur avec les Pardieu, du Verne, de Goy, Marguerite Pinet, etc.

4. Je signe avec les époux Roy-Michel un contrat pour les Petites-Granges pour entrer au onze novembre dix neuf cent vingt huit.

5. Déjeuner à la Grâce avec la famille François Jourdier.

6. Ceux-ci s’arrêtent ici pour déjeuner en se rendant aux Fougis. François en descendant de voiture se met dans une colère terrible, jurant comme un templier parce qu’on a très légèrement rayé sa voiture en mettant le pare-brise, Marcelle lui dit que quand on a aussi mauvais caractère on ferait mieux de ne pas se marier, qu’il est indécrottable. Ca le calme et à table il devient charmant. Avant de partir il nous sonne quelques fanfares, je trouve qu’il a fait beaucoup de progrès depuis qu’il chasse le renard à courre avec Monsieur de Nanteuil près d’Alençon avec un petit équipage qu’ils ont en commun.

7. Nous avons notre bon curé à déjeuner, il nous explique très clairement la différence qu’il y a entre les ultramontains et les libéraux et ensuite nous sortons les chiens, il manque de deux coups de fusil un lièvre dans les plis de sa soutane.

8. Marcelle réunit une dernière fois les enfants de son patronage à Moiry devant un arbre de Noël. Quatorze enfants sont présents et chacun reçoit un modeste cadeau.

9. Nous arrivons aux Gouttes où l’on exulte, il n’y en a que pour Elisabeth dont tout le monde chante les qualités, les grands parents ne se sentent plus de joie. Le fait est qu’Antoine m’a l’air de faire un mariage ou il trouve tout réuni. Les ménages Jourdier et Villeneuve dînent ici pendant que Geneviève et Antoine sont à Petitbois où ils règlent les accordailles.

13. Marthe donne un grand déjeuner en l’honneur des Riant, nous n’y sommes pas convoqués, mais dans l’après-midi nous allons faire la connaissance de la jeune fiancée, que je trouve très sympathique, sans être jolie elle est agréable, regarde bien en face et n’est pas à la pose. Les deux amoureux ont l’air au septième ciel. Le soir Antoine emmène Elisabeth dans son auto passer trois jours aux Fougis, ça c’est de l’école nouvelle qui me renverse un peu.

17. 14°. On enterre à Nevers la petite Adenot (Doudou) âgée de deux ans et demi cette charmante enfant a été rappelée à Dieu après une cruelle agonie qui a duré quinze jours bien cruels pour les parents.

Gaby me conduit à la foire de Dompierre où je constate une plus grande activité qu’à celle de Nevers, il y a une certaine reprise chez les bovins, les bons et jeunes trouvent preneur à cent pour cent. Les petits cochons sont chers, onze francs le kilo.

Edmond m’emmène le soir faire une visite à Toulon, où je fais la connaissance de la femme de Jean qui sans être jolie est agréable entrain et fait beaucoup de frais, elle joue passablement au Bridge, elle a une autre qualité, celle d’attendre un enfant, ce qui la condamne à rester au lit pendant de nombreuses journées et à ne pas sortir, ce qui est sévère pour une jeune femme. Elle déteste Lyon sa ville natale.

18. 19. Froid vif. 1-4°

20. Les Edmond emmènent Marcelle visiter les fouilles de Glosel à Verrière-sur-Sichon, et vont ensuite déjeuner à Vichy où ils doivent retrouver les Riberolles. Ceux-ci ne viennent pas parce qu’il y a de la neige chez eux.

21. Gaby allant à Villette m’emmène et me dépose à Moiry. Je trouve Charronnier tout dolent, en portant du bois dans son tablier il est tombé sur le dit bois et s’est luxé une côte. Robet lui a fait mettre dessus un vésicatoire qui a bien tiré et qui j’espère le débarrassera.

R.D.N. dans mes domaines si ce n’est qu’aux P.G. la naissance des agneaux n’est pas brillante, trois sont morts sur six venus. Dreuze a tué pour son usage un superbe cochon de cent soixante dix sept kilos.

En me reprenant le soir Gaby me raconte qu’un des radiateurs du salon du premier étage a gelé et qu’il y a de la glace sur le parquet.

Le petit Maurice Jourdier revient de Montluçon où on lui a coupé les amygdales dans la clinique d’un spécialiste.

George du Verne meurt subitement à Paris à l’âge de soixante-sept ans. Le pauvre diable souffrait depuis quelques temps d’une maladie de cœur. Il a eu une fin d’existence assez pénible, amené à habiter à la capitale par les goûts de sa femme qui n’étaient guère les siens, il y vivait plus que modestement, sans domestique et sans confort, ne mangeant que la cuisine faite par sa dernière fille et brossant lui-même ses parquets, il eut mieux aimé ratisser les allées de son jardin s’il en avait eu un. On l’enterre à Lainseq, Yonne, où ses beaux-parents avaient leur propriété.

23. Les Jourdier emmènent Marcelle à Vichy où elle retrouve les Riberolles accompagnés des petites qui ont fort bonne mine, et qui vont de la goûter à Cropte.

24. Temps extrêmement doux, les gens des Fougis passent avec nous la veillée de Noël, on fait force Bridge. Après la messe réveillon aux Fougis où nous dégustons un excellent pâté de foies gras qu’Edmond a fait venir de Nancy. Noël au balcon, suivant le vieux dicton Pâques sera aux tisons.

27. Les Riant déjeunent aux Gouttes et goûtent aux Fougis où Geneviève a convoqué tout son voisinage, buffet somptueux et assistance très select, Marquise et Comtesse de Bartillats, Baronne de Rochefort, et ses enfants, Comte et Comtesse F. de Chavagnac, tout le Rallye Bourbonnais qui a fait buisson-creux en terme de vénerie, Mesdemoiselles de Ribains et de Ligneville, cette dernière passe les gâteaux comme si elle était de la maison, tout l’équipage Beauchamps, le Colonel et Madame Tiersonnier, le Vicomte de Montlaur, etc. Cinq tables de Bridge.

29. Mon beau-frère invite tous les membres de l’équipage Beauchamp à déjeuner après avoir vidé quelques bouteilles de Château Yquem, on monte lancer un chevreuil aux Bois Boulotte et trois heures après on sonne l’hallali tout près du château où les veneurs viennent goûter accompagnés de Mesdames Buzenat, Féjard et Jaclot de Potier, cette dernière avec ses trois gentils enfants.

30. Nous passons la journée à Petitbois où les Riant nous reçoivent de façon très écossaise, déjeuner aussi exquis qu’abondant, tour du propriétaire, tout est en ordre et bien soigné, il est vrai que le maître de maison met les mains à la pâte, taille les haies, pose les fils de fer, etc. Dans la soirée nous visitons les châteaux de la Salle et de la Chaussier appartenant à la famille Riant, ce sont des demeures que pour habiter honorablement il faut être multimillionnaire. A quatre heures et demie nous rentrons pour trouver un goûter aussi abondant que l’était le déjeuner.

31. Les Jourdier nous mènent, Marcelle et moi, déjeuner aux Ecots. L’Action Française est étalée sur la table du salon, à mon grand scandale, mes chers cousins sont des forcenés donnant le mauvais exemple à tout leur entourage. Ils me font visiter les écuries de la ferme qu’ils viennent de mettre en régie directe, et où je vois quelques bonnes vaches achetées à Monsieur Ratheau, de Beaumont, Marie les connait mieux que Paul. Je crois que malgré leurs espérances, ils arriveront difficilement à faire des reproducteurs, les prés de l’endroit étant de second ordre.

9.11.10

NOVEMBRE 1927

2. L’église étant pleine à en craquer, le père Merme prédicateur de la Mission en a profité pour parler de la dépopulation volontaire, d’une façon que j’ai trouvée un peu triviale, à propos du mariage il a dit : on épouse une femme et non pas une catin, etc. A deux heures je retourne à Saint-Parize pour l’enterrement de Madame Brissart.

3. Saint-Hubert, je tue deux lapins. Mesdemoiselles de Toytot, Inès étant au volant, nous amènent pour déjeuner Marguerite Pinet et Marguerite de La Brosse, cette dernière nous reste pour deux jours, nous la conduisons dîner à Buy.

4. Pendant que ces dames font une visite à Madame Le Sueur, je vais à la Seigneurie voir les couvreurs qui me dévorent au nombre de six, ils finissent la grange et se mettent demain sur le toit de la maison, sur la salle à manger je fais mettre du Montchanin, afin de me servir des vieilles tuiles pour remplacer celles qui sont cassées, et il y en a beaucoup hors d’usage. Arrêt à la Chasseigne au retour non pour y voir les châtelains qui sont déjà rentrés à Paris, mais pour examiner les veaux reproducteurs qui ne sont pas mauvais.

5. Pluie. Marguerite retourne à Nevers par l’autobus après déjeuner. Il est tombé quelques gouttes d’eau cette nuit, ça va faire naitre les récoltes semées bien tard cette année, à Tâches où cependant ils sont cinq ouvriers, ils finissent seulement aujourd’hui d’arracher les pommes de terre du champ de la Vigne, où il y en a beaucoup. Les betteraves auront leur tour la semaine prochaine.

6. Marcelle va à Mars rejoindre Berthe pour y installer la ligue, une trentaine de femmes répondent à l’appel, Madame Thonnier est nommée Présidente. Après déjeuner ici, ces dames partent pour Langeron où Berthe fait encore une très bonne conférence dans un café, ou plutôt dans une salle de danse, à la suite de laquelle, la Ligue est aussi créée. Mademoiselle Valois en est acclamée Présidente, elle emmène ensuite ces dames faire chez elle un excellent goûter en compagnie de Madame Pinton. A six heures et demie j’assiste à la réunion de le Mission, celle-ci pour les hommes seuls. Il en vient environ quatre-vingt, jeunes ou vieux, et pendant quelques minutes le prédicateur leur dit de très bonnes choses.

7. Pluie abondante. A six heures et demie nous allons, Marcelle et moi, à la Mission, il ya une soixantaine de personnes, hommes et femmes.

8. Pluie. L’eau coule partout, le chemin du bois de Bord ressemble à un canal, je le traverse cependant pour aller chercher un peu de bois pour Mazan qui doit arriver demain. Goûter sélect au Colombier, avec les Brezé, Jumilhac, Marcy, Servoy, Ravenaz, du Verne, Balloy, etc. Nous crevons au retour et sans la grande bonté de Guillaume du Verne qui nous a aidés, je ne sais pas comment nous en serions sortis la nuit avec la pluie sur le dos. J’apprends la naissance d’un troisième fils Lesage qui n’a pas un an de différence avec le frère qui l’a précédé. Albert du Verne, fils de Guy, fait en même temps son entrée dans ce monde.

9. Pluie. Je reçois une lettre du Marquis de Roualle qui me dit que comme les années précédentes il a loué ses prés aux enchères à Moulins-Engilbert avec une grosse baisse par rapport à l’année dernière, ou l’hectare qui était de huit cent quatre vingt dix passe à cinq cent. Les Ferrand à Limanton perdent moitié.

10. Pluie. Les époux Mazan arrivent à cinq heures du soir avec leurs meubles en camion après deux jours de route. La route étant toujours en réparation entre Aveil et Fleury, ils ont du reculer et passer par Saint-Germain-Chassenay, Neuville et Azy, dans cette dernière commune les chemins sont impraticables.

11. Saint-Martin. Gelée blanche. Mes métayers aident les Mazan à s’emménager par le beau temps heureusement. Belle cérémonie à Saint-Parize pour l’anniversaire de la Victoire, beaucoup de monde à l’Eglise, le conseil municipal au complet, superbe et patriotique sermon du Père Merne. Au cimetière, discours de Montrichard, chef des poilus, ensuite discours du Maire, celui-ci très modéré dans le fond et dans la forme.

12. Saint René. Neige. Mon patron ne nous gâte pas, à partir de midi la neige tombe et le soir tout est blanc. La foire de Nevers est peu brillante, baisse sur les poulains et beaucoup sont invendus. A quatre heures, modeste Bridge chez Madame Delécluze. Déjeuner chez Félix avec ma sœur qui part à une heure quarante-neuf pour la Montée où elle passera deux jours et ira de là à Bourg.

13. Clôture de la Mission, une quarantaine d’hommes s’approchent de la Sainte Table, c’est moitié de ce que comptait notre cher Curé, pourtant le missionnaire et lui se sont donnés bien du mal, mais le temps était bien mauvais et la foi très ralentie. On a érigé dans l’église face à la chaire un superbe Christ qui depuis dix huit cent soixante quinze reposait à l’école libre.

14. Je tue un cochon de mille quatre vingt cinq kilos. Derimais exécuteur.

16. Nous avons à déjeuner Mesdames de Goy et d’Anglejan ainsi que Félix. A trois heures et demie nous les ramenons à Nevers pour un Bridge chez Solange Houdaille, avec les Servon, d’Halloy, de Champs, Tiersonnier, du Verne, Terline, etc. En passant je paye à Libault le temps de son tracteur occupé pendant trente-six heures pour lever la moisson des Petites Granges, il a gagné huit cent francs par jour, c’est un peu abusif.

17. Il gèle à cinq degrés. Les Marcy, Villaines et Carlo de Chargères se retrouvent ici pour déjeuner avant d’assister à la vente annuelle des reproducteurs de la ferme du Mont, les enchères de celle-ci ont été presque moitié en dessous de celles de l’année dernière, tout dégringole en agriculture.

19. Orage. Les Villeneuve viennent passer deux jours avec nous. Guiguite est superbe, très en beauté. Ils nous apprennent des fiançailles pas encore officielles.

20. On fait des Bridges et des Piquets. Le soir je règle avec Mangotte qui me dit qu’il me quittera à la Saint-Martin prochaine. Il a fait beaucoup de pertes cette année, et bien que j’en ai pris la grosse part à mon compte, il veut je pense se retirer dans la maison à un étage qu’il a fait bâtir.

21. Déjeuner à la Grâce et à quatre heures Bridge avec les Houdaille, de Mollins, Pinet, Phulpin et du Verne. Visité la vacherie qui est très en progrès.

22. Valérie de Goy nous donne un déjeuner d’adieu avec les du Verne, du Part, d’Anglejan. Elle quitte Nevers avec regret pour aller s’installer à Bourges où ses beaux-parents la réclament. Pendant que Marcelle goûte chez Simone d’Assigny, je fais un Bridge chez Jeanne de Mollins avec les Ganay.

23. Les Edmond Clayeux et Fulgence passent la journée en Nivernais avec le but de voir des taureaux. Après avoir visité les écuries de Moreau, Bernigaud, la Grâce, nous terminons par celle de Lacroix à Lhambray, où Edmond achète un reproducteur pour deux mille cinq cent francs.

24. Foire de Saint-Pierre, cours en hausse sur les cochons et peut-être un peu sur les bêtes à cornes.

26. Déjeunons chez ma sœur, la journée se termine par un Bridge chez Marguerite Pinet avec Mesdames de Mollins, Houdaille et Toytot.

28. Les Charles Tiersonnier déjeunent avec nous et nous leur gagnons quinze au Bridge.

29. Nous allons à Chevenon où j’achète à du Part une pouliche de trente mois qui fait partie du cheptel de Chaumont mis en séquestre quant à la part du métayer qui est mal parti et doit plus de trente mille francs à son maître, d’où plaidoirie, etc. Au retour l’auto souffle comme un vieux cheval poussif et a beaucoup de mal à regagner le garage.

30. Pluie.

30.10.10

OCTOBRE 1927

1. Mes filles déjeunent au Colombier où le journal Action Française est étalé sur la table du salon, Geneviève brave le courroux du Saint Père. Yvonne reste pour me tenir compagnie, et aussi pour m’accompagner à la chasse, cette chère petite est un vrai disciple de Saint Hubert.

Pommes de terre, j’en récolte 800,0 dans la Varenne et 400,0 dans le jardin, ma provision est assurée à moins qu’elles ne pourrissent ce qui est fréquent par cette année plus qu’humide.

2. Nous assistons à Decize aux Vespres chantées pour le bienheureux Gabriel Desprez de Roche, très beau sermon du Père Miel, chants superbes, trois évêques. Après la cérémonie religieuse, goûter à Brain où sont réunis une grande partie des parents du glorieux martyr, Noury, Pinet, Toytot, Tiersonnier, etc. Retour peu agréable, nos phares ne marchent pas, nous n’avons pour nous éclairer qu’une lanterne de bicyclette. Enfin grâce à Saint Christophe nous rentrons sans encombre.

3. Berthe et Marcelle font des visites aux curés de Mars, Langeron et Livry pour y fonder la ligue et prennent date pour des conférences en novembre. Pendant ce temps, déguisé en plâtrier, je blanchis la maison de mon garde et je peins portes et fenêtres.

4. Les Maurice Robert viennent très gentiment faire un Bridge de cinq à sept. Henri est à Angers où il est allé faire le lit du Tone qui rentre ce mois ci à l’école, où il le reconduira dans quelques jours.

5. Avec Marcelle nous poussons jusqu’au Rond de Bord pour y trouver la Vènerie Grincour, personne au rendez-vous, les sangliers sont, croit-on, aux Epinières, l’auto de M. Crotat m’y transporte et là l’équipage arrive, il est mieux homogène, les chiens ont pris du sang et de l’œil, ils sont plus frais que le patron, qui n’en peut mais, il est vrai que Mathilde est toujours jeune et sémillante. On foule pendant deux heures dans Feuilloux et le Crt Moine, pour n’y lancer qu’un renard.

6. Bridge à la Grâce avec les Buy et les Phulpin.

7. Geneviève Tiersonnier déjeune avec nous, avec elle nous voulions avoir les Lépinière et Guillaume du Verne qui n’ont pas pu venir de même que Gaspard de Soultrait mon contemporain. On enterre aujourd’hui Madame de Champeaux, mère de Bernard.

8. Foire de Nevers, c’est la débâcle, particulièrement pour les bovins. Déjeunons chez Marguerite avec Antoinette Jourdier et Guillaume, ce dernier rentre chez Renault après un congé de trois mois. Laissons notre batterie d’accus chez Rivaillon. On me dit que Favier fermier au Mou a acheté le domaine du Coudray quatre-vingt hectares environ pour la modeste somme de sept cent mille francs. Jusqu’à cette année il nous payait sept cent francs de fermage, il faisait certainement de meilleurs affaires que son propriétaire. Quand la maison de la rue de l’Oratoire sera à vendre il s’en rendra probablement acquéreur car il lui faudra bien un logement en ville. Il est vrai que jusqu’à présent contrairement à beaucoup de ses semblables il est d’une grande simplicité.

9. Fête de Jeanne d’Arc à Saint-Pierre, nous allons aux Vespres, je n’ai jamais vu autant de monde, nous entendons un magistral sermon de l’archevêque de Rouen Monseigneur de La Villerabel. Quatre évêques et un nombreux clergé honorent cette réunion de leur présence. Le doyen me fait mettre dans le banc d’œuvre. Dans la foule je trouve Madeleine de Pazzis, venue de Bruxelles, je ne dirai pas tout exprès.

10. Déjeuner succulent à Fri-cottage avec les Charles du Verne, d’Anchald, Ganay. Visite à Fontallier et à Buy. Henry est à Paris avec Tone, afin de faire voir le salon de l’auto à ce dernier.

12. Mariage de Suzanne Magnard avec le Baron Pierre de Rouville, très jolie cortège dans le parc de Fondevaux par un soleil radieux. La mariée est très à son avantage grâce aux artifices colorants les joues et les lèvres. Robes et dentelles superbes. Le chanoine Bond prononce un fort beau discours me dit-on car avec soixante-dix ou quatre-vingt personnes je n’ai pas pu pénétrer dans la chapelle, trop petite pour contenir toute l’assistance. Lunch assis dans toutes les pièces du rez de chaussée, le Clos-tour de Varzy et le Champagne coulaient à flots, et j’ai vu de petites jeunes filles qui sifflaient une coupe aussi vite qu’un jeune homme dans une figure de cotillon. Au retour nous passons par Fourchambault pour y prendre une femme de chambre, Marie-Louise Creach, dix-huit ans.

13. Foire primée de chevaux à Saint-Pierre-le-Moûtier, la qualité est médiocre et les affaires assez lentes. J’en ramène deux poulains mâles sans que personne ne me les ait demandés. Là comme ailleurs il y a du relâchement. Je trouve à Tâches MM de Pardieu et de Goy qui déjeunent avec nous ainsi que notre bon curé qui a la joie après midi de tuer sur la pelouze que son bon chien Cartouche a fait sortir d’un massif. A quatre heures les gens de Buy viennent faire un Bridge.

14. Comme distraction je peins les portes de la Garderie par un temps superbe. En huit jours le puits a baissé de deux mètres.

15. Les Faverges, Paule et Alice déjeunent avec nous, et avec Henri nous tuons six lapins dans l’après midi.

16. Geneviève et Antoine Clayeux nous font une petite visite en rentrant de Paris en auto. Ma nièce a acheté au salon une Citroën B14 pour vingt quatre mille francs ; son garagiste lui reprend sa vieille Renault pour onze mille francs.

18. Les Maurice Robert déjeunent avec nous ainsi que ma sœur. A trois heures les Tiersonnier et Chavanne arrivent pour faire un Bridge. Avant cela Maurice me conduit à Sornay où j’achète un jeune bélier Southdow à Gouzin qui a monté une bergerie très pure.

19. Déjeunons à Dornes avec les habitants de la Grâce et les Chavanne.

22. Très aimablement, Marguerite Pinet nous fait déjeuner avec les Toytot, nous dégustons un gigot sauce béarnaise qui comme le reste du repas est très à point. Concours d’automne, les fleurs sont moins belles que les années précédentes et les Charolais moins nombreux, les chevaux en revanche le sont davantage et je vois que l’on continue à primer en tête ceux qui sont le plus gros, ce n’est pas mon avis j’aime mieux le sang que la viande. Pluie à torrents au retour si bien qu’en arrivant j’étais dans un bain de siège. Nous perdons notre femme de chambre qui convenait cependant, mais elle s’ennuyait trop.

23. Notre excellent curé qui ne pense qu’au bien des âmes nous fait commencer une mission qui doit durer trois semaines, le prédicateur qu’il a fait venir pour la prêcher parle bien, mais un peu longuement à mon sens qui est celui d’un mauvais chrétien. A la grande messe il y avait pas mal de monde, à la réunion du soir qui était à six heures, onze hommes seulement.

25. Visite au Veuillin où nous trouvons Marie-Thérèse encore bien triste et dolente. Dîner à Nevers chez les Pardieu et après représentation de la Drac au Ciné-Parc.

26. Temps idéal, les Buy dînent avec nous et Bridgent jusqu’à onze heures, Henri en perd le sommeil, lui qui se couchait habituellement à neuf heures.

27. Foire de Saint-Pierre, c’est la débâcle sur les bovins qui perdent de huit cent francs à mille francs sur les cours d’il y a trois mois, j’avais trois veaux mâles dont je n’ai trouvé qu’un prix dérisoire. Cochons gras six francs quatre-vingt à sept francs, les nourrains huit francs le kilo. Thé Bridge chez Madame Le Sueur, avec les Thonier, les Buy, les Jean Olivier et le jeune ménage de La Vayssière. Madame est belle femme mais n’a pas l’air de causer beaucoup.

28. Modeste Bridge à la Grâce avec les Maurice Lunyt, ils ont une fille Paule qui est ravissante. Au retour, nous assistons à six heures et demie à l’exercice de la mission.

29. Les Guillaume du Verne déjeunent avec nous et ensuite chasse aux bassets (huit lapins, un lièvre).

30. Les Buy en nous apportant une épaule d’un chevreuil dont ils ont tué la paire dans leurs bois des Vertus que Maurice a acheté aux Donjon de Saint-Martin en même temps que Biere, restent faire un Bridge.

31. Taille de cheveux.

29.10.10

SEPTEMBRE 1927

2. Antoinette Jourdier avec Paul et Guillaume déjeunent avec nous. Ce dernier quitte momentanément l’usine Renault pour se reposer, il en a besoin. Avec eux nous avons les Louis de La Brosse et Marguerite. Armand de Montrichard prend une tasse de thé avec eux et fait un poker.

Depuis huit jours il fait beau.

3. Augustin arrive par Saint-Pierre où Edith va le chercher.

Pluie le soir et une partie de la nuit.

4. Pluie. Ouverture de la chasse. Il pleut une partie de la journée. A cinq heures je sors avec mes petites chiennes et Augustin qui manque trois lapins, j’en tue un.

5. Goûter d’enfants à la maison, Madame Talabot avec quatre filles, Madame de Montrichard avec Gaby, Mesdames de Faverges et de Vannoise sans enfants, Zizi Delamalle avec tous les siens, Madame Le Sueur avec Paulette. Heureusement il faisait beau et l’on a pu courir dans le jardin. Augustin rapporte deux perdrix, et dit qu’il en a peu vu autour de Callot. Visite à deux heures de Madame de Grincour et de Marie.

6. Marcelle va inutilement à Varry chercher une femme de chambre. Dans l’après-midi avec mes trois filles nous faisons une visite à Dornes où presque toute la famille est réunie. Dédé avec ses trois enfants, Nano a été reçue au bachot. Les Gaspard sont sur leur départ, ils ont un bel enfant et en attendent prochainement un autre. Laurent est parti hier pour Mecknès, aux chars d’assaut, il sera sous les ordres de Louis Clayeux. A sept heures du soir comme on allait sonner le dîner arrive en visite Madame Louis de Savigny.

9. Pluie. Pendant que les Riberolles et Cécile vont passer la journée à Maumigny, Marcelle et moi nous allons goûter à Cheugny où il y a nombreuse assistance et gâteaux excellents. Comme toujours, et c’est l’habitude idiote, on arrive très tard, autant de pris sur la partie de Bridge mais c’est plus chic. Il n’y a que les vieilles bêtes de mon espèce qui voudraient arriver à l’heure.

10. Les Riberolles me conduisent à Nevers pour la foire où les bovins se vendent fort mal, la viande ne baisse cependant pas chez le boucher, mais à Paris la consommation baisse parce que les ouvriers travaillent moins et on sent de la gêne un peu partout.

11. Pluie. Madame de Lépinière nous fait part de la naissance de Monique Guillemain d’Echon, arrivée un peu plus tôt qu’on ne l’attendait. Sa tante Suzanne qui devait soigner la mère et l’enfant est partie il y a deux jours en auto pour pèlerinage à Lourdes. Marcelle, Hervé et Miss May s’embarquent à huit heures du soir à Nevers pour le même pèlerinage, que comme les autres années notre Saint Evêque conduit aux pieds de la bienheureuse Bernadette d’abord et ensuite auprès de la grotte. Les pèlerins sont au nombre de six cent cinquante, il y en a dix de Saint-Parize, dont un malade, le jeune Berthier, boiteux de naissance. Daigne la Sainte Vierge prendre ces voyageurs sous sa sainte garde, et leur accorder une ample moisson de grâces, pour eux et leurs familles.

12. Pluie. Cécile nous conduit Edith et moi, faire visite au Veuillin. Nous y trouvons Marie-Thérèse toujours bien triste et bien déprimée. Je fais la connaissance de sa belle-fille, elle parait petite dans cet intérieur de géants, cause peu, et sa simplicité est grande. Retour par Nevers, compliments aux Guillemain et condoléances à Madame de Mollins qui a perdu sa mère. Suzanne Magnard âgée de trente-six ans est fiancée au Baron Pierre de Rouville, veuf en premières noces de Mademoiselle de Drouas, grâce au fard qu’elle se met sur les joues elle est fraîche comme une rose, malgré cela il faut un certain courage pour l’épouser, car grâce aux quarante cigarettes qu’elle brûle chaque jour, elle a contracté le tremblement des fumeurs, en dehors de cela femme charmante et remarquablement intelligente.

14. Mes filles me quittent pour aller faire aux Gouttes et aux Fougis leur visite annuelle. Dédette a passé une mauvaise nuit, son malaise doit venir d’une dent, au moment de monter dans la conduite intérieure de sa tante ça allait mieux.

Machine à battre aux Petites Granges, l’avoine rend bien, si la trop grande quantité de pluie est gênante ailleurs, sur les Craies elle est un bienfait.

Madame de La Motte et sa sœur viennent faire une visite après le départ de mes filles.

15. Pluie diluvienne, la machine ne peut battre à Callot. Les prés sont à blanc d’eau.

Le jeune du Part est reçu aux Mines et à Polytechnique. S’il ne brille pas par la taille il brille au moins par l’intelligence.

17. Par un temps gris on peut finir de battre à callot. Mes trois pèlerins me reviennent enchantés de leur voyage. Malheureusement Fafa de Soultrait n’a pas pu les accompagner, elle est restée à Lourdes, aux prises avec une angine.

Anne de Champeaux après sept ans de repos, met au monde une fille à la clinique du Docteur Rollin à Nevers.

18. Pluie. Hervé et Miss May nous quittent pour les Gouttes. Ils sont remplacés par le Colonel d’Assigny appelé dans notre commune pour y parler de la Drac dont il est le représentant à Nevers. Il nous fait dans l’école libre une conférence écoutée par cent vingt personnes des deux sexes, les hommes représentent l’Union Catholique et les dames, la Ligue Patriotique des Française, tous l’écoutent avec attention. Montrichard qui introduit l’orateur le fait d’une façon beaucoup trop longue et peu intéressante. Nous reconduisons à Mars au train de cinq heures cet excellent Frédéric qui a l’air fort satisfait de l’effet qu’il a produit.

19. Nous avons la visite des habitants de Buy, y compris George qui est là en passant, il ressemble à un chilien, et a beaucoup engraissé, ce qui prouve que le métier de marchand de vins ne le fatigue pas. Ils ont assisté la semaine dernière à une grande fête donnée aux Guérands, pour les dix-sept ans de la jeune fille, commencée à neuf heures du soir, elle ne s’est terminée qu’à deux heures du matin. Cent cinquante à cent quatre vingt personnes. Rien ne manquait. Jazz venu de Clermont, champagne du Marquis de Foucault, pâtés chaud-froid, monceaux de petits fours, électricité posée partout pour vingt-quatre heures, etc. On me dit qu’Amable a beaucoup fait danser Mademoiselle Picard de Grandchamp, aurait-il des prétentions sur cette très riche héritière.

20. Temps superbe et chaud, j’en profite pour monter un instant sur les craies avec mon fusil, j’y tue deux perdreaux qui seront probablement les seuls de l’année. Au retour je trouve les Charles Tiersonnier avec lesquels nous faisons un petit Bridge.

21. Temps magnifique, très chaud.

22. Pluie. Foire de Saint-Pierre, c’est le marasme rien ne se vend, les châtrons ont baissé de trois cent francs depuis un mois, personne n’y comprend rien. Marguerite et Félix déjeunent avec nous.

23. Nicole de Barrau met au monde une quatrième fille, ce doit être le marasme.

24. Pluie. Cécile et Yvonne nous reviennent des Fougis. Visite de Geneviève Tiersonnier.

25. Pluie. C’est à devenir enragé.

26. Pluie. Mes enfants déjeunent chez Marguerite et goûtent à la Garenne, cependant que je peins portes et fenêtres de la Garderie.

27. Pluie. Geneviève de Buzonnière avec ses enfants et Yves de Chomereau déjeunent avec nous. A quatre heures les Tiersonnier, les Chavanne, Madame Houdaille et les gens de Buy, y compris les Maurice, se joignent à eux et l’on monte quatre tables de Bridge, c’est tout ce qu’il y a dans la maison.

28. Je reçois une lettre de Denyse Boignes qui nous invite à assister Dimanche aux Vespres qui seront chantées très solennellement dans l’église Saint-Aré de Decize en l’honneur du Bienheureux Desprez de Roche qui fut guillotiné en 1799 pour ne pas avoir voulu prêter serment. Il est un peu notre cousin, sa famille étant alliée aux Noury. Ce prêtre martyr est une gloire pour la Nièvre et pour nous. Aline, Geneviève et Simone déjeunent avec nous et pendant que les deux premières mettent le cap sur les Gouttes, Marcelle conduit Simone à Nevers où elle s’embarque pour Corvel l’Orgueilleux.

29. Nous dînons à Buy d’où nous ne partons qu’à onze heures. Le Bridge a beaucoup d’attrait dans la maison et Henri qui dans le temps se couchait à huit heures et demie veille maintenant avec plaisir.

30. Pluie. Mon bon curé ne déjeune pas avec nous comme il le devait, il a pris une médecine.

26.10.10

AOUT 1927

1. Déjeuner à Buy avec les Thonier et Le Sueur. Visite à Beaumont, où nous sommes reçus par Monsieur Ratheau, sa femme est souffrante, il me fait voir ses chevaux de selle qu’il monte avec ses petits enfants, et un vieux taureau, origine Gaby dont il a refusé cinquante mille francs l’année dernière.

Les Donjon de Saint Martin me font part des fiançailles de leur fille Anne avec le Lieutenant Antoine de la Croix Vaubois, 17ème artillerie, voilà un artilleur que je ne plains pas, il épouse une jolie et agréable femme.

2. Pluie trop importante, impossible de terminer la moisson, les grains vont germer sur terre. Ma sœur qui devait nous arriver ce matin par l’autobus a reculé devant le temps, mais elle débarque par celui de six heures du soir.

4. Au retour d’un service chanté à Saint-Parize pour Mouche de Montrichard, nous trouvons Cécile et sa fille arrivant de Rennes en auto après avoir couché à Angers et à Vatan Indre, sans accrocs.

5. Marguerite retourne à Nevers. Brouillards. Les gens de la campagne les accusent de tous les méfaits ! Il y a une chose certaine, c’est que dans le jardin où les haricots, les pommes de terre et la vigne étaient superbes au beau matin tout est devenu noir. Voisin prétend que les deux jours de brouillard qui se sont suivis la semaine dernière en sont seuls la cause. Qui le sait ? Mariage de la Bretonne.

6. Pluie.

8. Pluie. Mesdames Grincour déjeunent avec nous ainsi que les M.M. de Buy, Marie-Thérèse ne les accompagne pas ayant eu une crise de foie la nuit précédente. A une heure on annonce le Bridge qui dure jusqu’au départ des dames de Fontallier. A trois heures et demie, les Paul Tiersonnier arrivent en visite, on reprend les cartes jusqu’à six heures. Henri est infatigable sans pour cela faire des progrès. Jumilhac a du faire un trou dans la lune, car Brezé son beau-père fait abattre la futaie dans les taillis de tout âge de sa propriété de Beaudreuil. C’est une maladie qui sévit dans ce pays ci.

9. Bridge à la Grâce avec les Lunyt, Monsieur s’est rasé et ressemble à Paul Bonecourt le socialiste, Madame toujours fraiche, désolée d’avoir fait couper ses cheveux les laisse repousser, avec eux les Marcy, Beaumenil et du Verne de la Baratte. Yvonne prend quarante poissons rouges avec Jean-François.

10. Déjeuner à la Belouze où nous emmenons Anne Marie de Rigny, bonne cuisine comme toujours, le Comte vieillit, il ne nous accompagne pas, Villaines et moi dans la visite du bétail. Son gendre me montre dix-huit belles vaches suivies d’autant de veaux, les génisses sont très supérieures à leurs frères. Je vois aussi le taureau acheté quinze mille francs l’année dernière à la vente Besson, très défectueux dans sa tête, somme toute la ferme est menée d’une façon intelligente et doit rapporter. En passant à la Grange Quarteau je m’aperçois que la moisson n’est pas terminée et que ce qui est en tuziaux germe et que les pailles sont noires. Dans la vallée de Nièvre les foins sont loin d’être finis, c’est lamentable ! En rentrant je regarde dans le pré de la Joie trois veaux de Callot qui sont certainement meilleurs que ceux de la Belouze et que je vendrai moins chers, l’écurie n’étant pas cotée et non inscrite.

11. Pluie. Cécile nous emmène avec sa Renault déjeuner aux Gouttes, marche parfaite, soixante kilomètres à l’heure dans les bonnes routes. Je trouve qu’Edmond a moins bonne mine que son père qui ne prend pas un jour, il souffre de son exema[1] que la station d’eau n’a pas guéri, il suit maintenant un régime ordonné par un médecin de Lyon.

12. Déjeuner à Bulhon, tout le monde en bonne santé y compris mémère Marthe, qui porte gaillardement ses quatre-vingt printemps, et mange comme quatre. Les enfants s’amusent bien, Yvonne monte à califourchon sur l’ânesse pendant que ses cousins la suivent ou la précèdent à bicyclette. Augustin me fait voir que leurs terres sont saturées d’eau et que l’on ne peut ni finir de lever la récolte ni labourer, il n’est pas satisfait de son métayer.

13. Déjeuner aux Fougis et retour à Tâches par un beau temps. Yvonne compte quatre-vingt-quinze automobiles croisées entre Moulins et Moiry, tout le monde se plaint mais tout le monde voyage.

14. Les Charles Tiersonnier avec les Lunyt et les Chavannes nous arrivent en même temps qu’Henri et Antoine, on dresse de suite trois tables de Bridge et on se bat pendant deux heures et demie.

15. Nous nous approchons tous de la Sainte Table. A neuf heures nous allons à Vespres, il n’y a que deux hommes, mon contemporain Tardy et moi. J’oubliais les M.M. de la Chassaigne qui sont dans leur banc dans le chœur, où on ne les voit pas, et où eux-mêmes ne voient rien et n’entendent pas davantage. En rentrant je prends mon bâton et je vais me promener au Paturail Masle où je ne trouve pas les animaux qui devraient y être, inspection faite de l’abreuvoir je constate qu’il n’y sont pas entrés depuis plusieurs jours, en faisant le tour du pré je m’aperçois qu’ils sont sortis à travers la haie le long de la vieille rue, je m’empresse d’aller à Callot où mon métayer Drouet me dit que depuis plusieurs jours il n’est pas allé visiter ses jeunesses au nombre de neuf. Je lui donne un sérieux abatage et lui intime l’ordre d’aller les chercher. Je suis fort mécontent de cet homme qui est très négligent. (retrouvés chez Arbaulti).

16. Marcelle va assister à la levée du corps de Madame Ossaye qui s’est éteinte à la suite d’une longue maladie. C’est une perte pour les bonnes œuvres de Nevers, dont elle était une des plus ferventes protectrices. Ma fille la regrettera bien à son ouvroir, dont elle s’occupait avec intelligence et dévouement, et lui donnait souvent de bons conseils.

Journée avec vent mais pas de pluie.

17. Nous avons à dîner Marguerite, les Louis et leurs enfants, ainsi que Solange Houdaille qui nous amène le ménage Jallot, qui est en séjour à la Châtellenie. Mes métayers finissent de couper les avoines, ils sont en retard de trois semaines à cause des pluies persistantes.

18. Pluie, orage. Cécile nous conduit au Mou, où je regarde les réparations aux toitures faites par Brunet du Guétin, il n’y a plus qu’à solder la douloureuse. Je recommande au fermier Favier de ne plus passer par l’avenue de Sully pour monter à son champ des Argougneaux car Monsieur Dubois s’est plaint à Augustin de la liberté que prenait ledit Favier de passer par ce chemin privé malgré ses remontrances. Nous passons par Nevers et la Baratte pour nous rendre à Sury où nous devons déjeuner à onze heures et demi mais comme dans cette excellente et retardataire maison on est toujours à l’ancienne heure, c’est à midi et demie que l’on se met à table. Nous étions convoqués pour pécher l’écrevisse mais grâce au mauvais temps nous nous sommes contentés de faire un Bridge, peu intéressant du reste car M. T. de Vannoise joue comme un enfant. Pendant ce temps Yvonne faisait le tour de la pelouze[2] à cheval sur l’ânesse.

19. Pluie. Bernard de La Brosse nous amène Odette et Hubert dans sa Bugatti en quatorze minutes de Nevers. Comme le temps menace je la lui fait remiser sous le porche de l’écurie, il débraye sans se mettre au point mort, et quand il laisse la pédale revenir à sa place, la voiture bondit et me casse une porte appuyée au mur. Arrivés en vitesse et à coups de freins, le sable de la cour est labouré. C’est beau la jeunesse mais combien imprudent ! Louis et Joséfa revenant de signer le bail de Tonay s’arrêtent en passant, nous avons aussi Madame de Lépinière et Roger de quoi faire deux tables de Bridge.

Collision d’auto au croisement des routes de la Bonnefer et de Dhéré entre le Docteur Robet et Roger de Bouillé, peu de mal humain, mais les véhicules sont en miettes. Celui du Docteur laisse trois roues à la bataille.

20. Dîner à Buy où nous assistons à l’arrivée d’une magnifique conduite intérieure Berliet qui vient en remplacer une de la même marque qui n’avait le frein que sur les roues arrières et dont la ligne était moins à la mode. On ne respire pas la misère chez mes cousins. A déjeuner nous avons eu André et ses trois plus jeunes filles, retour de Nevers où ils étaient allés faire une action de grâce près de la châsse de Bernadette.

21. Pluie. Trompette déjeune avec nous et très gentiment nous emmène mes filles et moi aux courses de Nevers, où il y avait une belle chambrée ( ?) et beaucoup de monde, surtout dans la tribune des fermiers.

23. Pluie. Déjeunons à la Châtellenie chez les Houdaille avec la Comtesse Servois et son fils, Madame Jallot et ses enfants qui sont des amours, la cuisine est bonne, plat de mousserons avec ris de veaux de premier ordre. Richebourg de marque. Bridge de trois à cinq heures. Au retour l’auto de Cécile s’arrête pile en face de l’avenue de Boisvert. Panne de Magneto. A pied je vais à Magny chercher le mécano qui heureusement peut réparer la pièce cassée et mes filles rentrent à huit heures et demie à Tâches.

24. Pluie. Déjeunons chez Marguerite avec Mesdemoiselles Magnard, leurs neveux et les Louis. Jacques retour d’Angleterre est un beau jeune homme mais par trop silencieux.

25. Pluie. Cécile me conduisait à la foire de Saint Pierre avec sa Renault, quand arrivés cent cinquante mètres avant Moiry la voiture fait une embardée à gauche, une autre à droite, et se couche mollement sur le côté de la route ; quatre-vingt-dix centimètres plus en avant nous capotions dans le pré de Gandat, grâce à Dieu, à Saint Christophe et à l’allure très lente à laquelle nous marchions, seule l’auto a du mal. Je suppose que nous étions partis avec le pneu gauche arrière dégonflé, et qu’en tournant il a du se déjanter. Sur la grande route j’ai trouvé Monsieur Guéraud qui m’a emmené à Saint Pierre d’où j’ai envoyé Paris chercher la voiture pour la réparer. J’avais des brebis grosses à la foire, personne ne me les a demandées, c’est à ne plus en envoyer à ce marché là, il vaut mieux aller à Sancoins où l’on trouve plus facilement des acheteurs. En fait d’acheteur, il y a deux italiens installés depuis peu à l’auberge à Saint Pierre et qui font des rafles sévères dans le pays, ils sont venus tantôt m’acheter ma vieille vache normande.

Les vieux Clayeux retournant de Villette aux Gouttes ont déjeuné avec nous en passant.

26. Par une belle matinée Edith nous amène ses enfants en auto. Augustin ne les a pas accompagnés, il est resté à Bulhon pour essayer de faire rentrer sa récolte.

27. Mes filles ayant invité quelques personnes à goûter nous avons l’honneur de recevoir la Comtesse douairière de Villeneuve Allix avec le ménage Charnacé et les Gaby, les Bacquencourt, les Massias, du Part, Chavanne, les Charles-Henri et Antoine Robert, Baronne de Rouville et Mademoiselle Magnard. Heureusement il faisait beau et ceux qui ne jouaient pas au Bridge ont pu se promener dans le jardin.

28. Les Edmond Clayeux nous viennent pour déjeuner. A quatre heures nous les emmenons goûter à la Grâce où nous retrouvons les Louis de La Brosse.

29. Pendant que les Edmond, Cécile et Edith vont goûter à Chevenon, Marcelle emmène ses neveux goûter au Banlay où ils retrouvent les Toytot, Boisselet, La Motte, Maumigny, Faverges, etc. Dreux fauche le regain de la pelouze, ce qui est chose rare.

30. Pendant que mes filles font des visites à Fricot, Fontallier et Buy, j’emmène mes petits enfants et Miss May aux étangs Américains où Monsieur Crotat a mis son bateau en pension, et pendant une heure nous canotons. Yvonne et Vé armés chacun d’une petite bêche s’en servent comme de rames et nous promènent dans tous les sens de la somptueuse pièce d’eau qui pour tout ce petit monde vaut bien le Lac Léman. En sortant du bateau Hervé était aussi mouillé que s’il eut pris un bien de siège tout habillé. Un jour prochain nous recommencerons cette fête qui a été une grande joie mais il ne faudrait pas laisser pratiquer ce sport par la seule jeunesse, car un fâcheux plongeon serait à craindre et à certains endroits l’eau est profonde.

31. Edith et Cécile conduisent les enfants goûter à la Garenne et reviennent par le Colombier. Madeleine Pradelle, fille de l’assistance se dispute avec la cuisinière et nous quitte sans crier gare. Nous avions cette mulâtresse depuis trois ans et ne la gardions simplement pour ne pas avoir à en chercher une autre, ce qui tous les jours devient de plus en plus difficile, mais elle ne savait rien faire et n’était pas susceptible d’apprendre.



[1] sic

[2] sic