22.2.10

Février 1945

1. +9. Il y a neuf degrés dehors et deux dans ma chambre. Mais grâce au therm… j’ai très chaud dans mon lit. Nous envoyons notre dernière oie aux Petites sœurs de l’Assomption. Bernadette de Féligonde téléphone de Limon pour savoir si Miette a eu comme elle son ordre de route de la Croix rouge pour se rendre à Paris. Par les Fougis, nous apprenons que Miette est partie aujourd’hui pour la capitale en autorail.

2. -1, pluie. La Chandeleur. Le dégel ne continue pas, on glisse encore par endroits. Bonnichon vient voir Marcelle en passant, il la trouve en bonne voie de guérison. Tension normale. Pas de journaux. Edmond Clayeux a aujourd’hui soixante-six ans. Le jour de sa naissance, il nous a fait manquer une chasse de sanglier. C’est pour cela que je me le rappelle.

3. +4. St Blaise, messe de la confrérie, paiement des cotisations. La fonte des neiges provoque une grosse crue de l’Allier, neuf mètres. L’eau entre dans les écuries du Guéraud près le pont de Mornay, ce qui ne s’était pas vu depuis longtemps. Le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit. St François de Salles. Hubert de La Brosse doit suivre un cours à Paris pendant trois ou quatre mois à Lemora, sa femme se débat pour essayer de revenir en France. Celle de Bernard en fait autant. Son mari qui combat en Alsace a pu venir en permission chez ses tantes de Rouville qui ne l’avaient pas vu depuis trois ans, il est très en forme et il a eu des citations magnifiques.

4. +9. Dimanche. Marcelle et moi nous allons à la grande messe dans la voiture à âne.

5. +9. Béatrix de Lagoutte nous fait part de la mort de sa sœur Odette, la pauvre femme aura eu une bien pénible existence depuis son plus jeune âge. Cinquante sept ans.

6. +8, pluie. Le marquis de Villarmont a été fusillé par les Allemands le premier septembre. Lettre de Cécile encore contrôlée. Lettre de Miette le jour de son départ pour la croix-rouge. Lettre d’Yvonne qui se dit mieux nourrie à Boutavent, une du Colonel de Sansal. Hervé n’a pas pu assister à l’enterrement de sa grand-mère.

7. +8. Chasse. MM. Neyron, Barriol et Villeneuve me demandent à louer ma chasse. Je ne veux traiter avec personne tant que la guerre ne sera véritablement pas finie et malheureusement nous n’en sommes pas encore là. Dans tous les cas avant de traiter avec l’un ou l’autre demandeur, je parlerai à Godemel, mon ancien locataire avec lequel je n’ai eu que des bons rapports.

8. Les acacias de ma carrière sont tous pillés, coupés à trente centimètres de terre, par des réfugiés qui sont à Moiry. Je signale ce vandalisme au Maire.

9. Augustin à Moulins pour quelques jours vient passer quarante huit heures ici. Sa santé est bonne bien qu’il ait un peu maigri. A la croix rouge, Miette est nourrie, habillée et touche 2 500 francs par moi. J’envoie une corde de bois aux vieux Voisins à Saint-Pierre. Augustin repart pour Moulins, emportant à Simone une valise garnie de fromage, légumes, pommes, noix, savons.

10. Marcelle va à Magny à bicyclette trouver son confesseur qui lui dit avoir reçu une lettre d’un curé de Nice déjà âgé, qui lui raconte que depuis la soi-disant libération, les églises sont désertes et que la foi disparaît.

11. Pluie. Dimanche. Il en est de même à Saint Parize, aussi dans son prône, notre curé dit que l’anarchie gagne partout. Il y avait une dizaine de bancs vides. Je lis chez le notaire le bail du Pied Prot renouvelé pour neuf ans aux époux Gonin. Suzanne et Guite prennent ici leur petit déjeuner.

12. Lundi. J’écris à Cécile qui nous a envoyé une livre de beurre.

13. Mardi Gras. +12°. Suzanne Lesueur vient manger avec nous un excellent pâté chaud fait par Marcelle. Madame Thierry me coupe les cheveux. Lettre de Cécile.

14. Mercredi des cendres. Beau temps. Hervé est dans les Deux-Sévres, Thenezay et Miette à Dijon.

15. +2. Gelées blanches. J’ai lu une lettre très intéressante, je devrais dire très triste, de notre évêque Monseigneur Flynn, dans la semaine religieuse, sur la crise des vocations sacerdotales. Il y a dans la Nièvre trois cent neuf paroisses et seulement cent quatre vingt dix huit prêtres en activité, cent quarante paroisses en binage. C’est le retour au paganisme, j’observe cela depuis ma tendre jeunesse, avec la restriction des naissances dans toutes les classes de la société.

16. Mon rosaire de onze heures à midi.

17. Lettre d’Hervé du quinze. Le chauffeur de Jean qui fait une cour assidue à notre bonne et qui lui écrit souvent nous apprend que son capitaine allait bien le onze. C’est intéressant à savoir. Moreau emmène Marcelle à Nevers, où elle consulte le Docteur Rudolphe, qui lui dit qu’elle a eu une phlébite amenée par l’eresypele et il lui donne des drogues pour détruire le microbe de ce dernier.

18. Dimanche. Il y a à trois heures à la mairie une conférence communiste, faite pour les femmes par une de leurs semblables. Douze y assistent. Madame Barrière nous prête des livres de Lenôtre.

19. De sa prison, Jacques nous fait part de la naissance de son fils Georges, le cinq février dans le Jura.

20. Méthenier avec son père commence à exploiter les têtards dans le jardin du domaine. Marcelle déjeune à Buy. J’envoie huit génisses d’un an à la Seigneurie en pension payante.

21. Gérard de Martimprey accompagné d’Antoine Robert, allant déjeuner à Buy, nous laisse en passant cinquante petites carpes pesant à peine une livre à elles toutes. Marcelle les porte dans l’étang des Chaumes Vieilles. Lettre de Simone Jourdier du Maroc par avion, elle a quarante six ans et ne pense pas revenir de sitôt en France, partie depuis six ans. Le jeune Henri de Villenaut qui tombait du haut, mal, est tombé dans l’eau et s’est noyé. Le chauffeur Castagnol écrit à Yvette que le seize, son capitaine allait bien. Par Dedette, nous savons que Miette est infirmière dans un grand hôpital à Dijon et qu’elle occupe la même chambre que Nadette de Féligonde. Je suis content qu’elle ait une aussi gentille camarade de lit.

22. -0. Gazoutte de Villaines nous arrive par le car de midi et demi et Marie Antoinette du Vernes par celui de six heures du soir.

23. Gelée blanche. Gazoutte, Marie Antoinette et Marcelle vont à trois heures au chemin de croix de Saint Parize. On remplace dans le Pré Blond neuf peupliers que l’âne a mangés.

25. Le jeune Massias nous amène en visite sa mère et Germaine Septier de passage à Luanges. C’est un bel officier qui grille de retourner au front, bien que sa blessure soit à peine guérie. Simone m’envoie une photo de sa fille. La Turquie déclare la guerre à l’Allemagne qui a maintenant contre elle la Croix et le Croissant. C’est l’hallali courant dit-on. Marie Antoinette fait une conférence aux ligueuses de Saint Parize. Il en vient trente cinq, c’est un beau succès.

26. Jean Tiersonnier me fait part de la mort de sa sœur Suzanne dont je garde un agréable souvenir. Elle était très famille. Marie Antoinette retourne à Nevers. je la conduis au train de quatre heures et demies à Mars. Gazoutte et Marcelle goûtent à Chevenon où Antoine souffre d’un lumbago depuis trois semaines et garde le lit et sa chambre.

27. Le comte Albert de Toytot meurt à quatre vingt deux ans à Machigny. Il n’aura été comte qu’après sa mort. Gazoutte et Marcelle goûtent au Manoir avec Jean qui retourne le soir en Bretagne.

28. Marcelle conduit Gazoutte à Mars pour le train de quatre heures et demie. C’est une aimable femme qui a paru contente de son séjour près de nous. J’ai admiré son collier de perles, ses bagues, un saphir, un rubis, et enfin un diamant impressionnant par sa grosseur. Les Edmond Clayeux descendent de ce train pour passer vingt quatre heures avec nous. Je suis bien aise de voir ces chers neveux que je n’avais pas vus depuis longtemps avec d’autant plus de plaisir que pour bien des choses, Edmond et moi, nous les jugeons de la même manière.

2 commentaires:

H2R a dit…

Gazoutte de Villaines était elle la mère de Paule des Mazis ?

Hubert a dit…

Renseignement pris auprès de bonne maman : oui et Gazoutte est un mot de patois morvandiau signifiant gamine