20.2.10

Décembre 1944

1 Premier vendredi du mois, j’ai le regret de ne pas aller à la messe, je finis de régler avec mes métayers. Dédette et Yvonne prennent à Mars le train de 7 h du soir pour aller coucher à Moulins chez Simone. Yvonne en repartira demain matin, direction Boutavent.

2 Bringant vient me payer. Mon jardinier met dans un tonneau de 230 litres des prunes, des sorbes, des poires sauvages, des prunelles etc.. Il en tire 8 litres de goute à 52 degrés. Il m’en donne deux. Les du Verne nous quittent emmenant leur chienne Moutarde qui ne les quitte ni jour ni nuit, elle leur sert d’enfant. A la vente de Blond à l’Isle, M. Buchet a payé un veau 165 000 F.

3 Pluie. Dimanche. Roger de Bouillé est renommé syndic, j’en suis content. Le Patriote, journal communiste de Nevers fait l’éloge de Jean de Sansal fusillé par les Allemands le 10 août 1944.

4 Pluie. Lettre d’Hervé de Fontainebleau où il suit un cours d’artillerie. Lettre de Geneviève.

5 Pluie. Marthe Robert a mis au monde un seigneur de Sermoise, elle est assez fatiguée. La veuve Martinon est fiancée au veuf Canut.

6 Pluie. Antoine Clayeux vient avec un camion de Jaligny, chercher le veau de Callot et celui de Moreau. A la vente de Blond, celui-ci a poussé un reproducteur jusqu’à 104 000 F. Il a été adjugé 105 à Naudin, gendre Goby pour le mettre à Beauzeau où vient Bernigaud comme métayer.

7 Pluie. Garnet vient me payer son terme. Il avait été convenu entre nous que nous payerions par moitié la réparation de la couverture de la vieille locature j’en ai eu pour 2 200 F à ma part. Le jeune Garnet me loue la chasse 20 F l’hectare soit 1 400 F., c’est moins cher que le maçon qui prend 30 F l’heure. Dufour et Clostre viennent me régler comptant la coupe d’Azy sans papier. Antoine Clayeux vient d’être nommé louvetier. Il n’a qu’un fox pour attaquer la bête noire. François Jourdier venant de Montauban et son fils Maurice venant d’Angoulème doivent se rencontrer aujourd’hui aux Fougis. Yvonne nous revient de Boutavent où elle a passé 4 jours. Elle devait revenir par Moulins et coucher chez Simone, or elle n’est arrivée qu’à deux heures du matin au lieu de 9 heures du soir. Hervé écrit de Fontainebleau que ses hommes ont bon moral, mais que les officiers F.F.I. qui suivent les cours avec lui sont par trop communs. J’envoie un dindon à Mgr. Flynn.

8 Fête de la Ste Vierge suivie d’une neuvaine. Je regrette de ne pas aller à cette messe implorer notre mère du ciel. Fonteuil, métayer des Barrier-lure vient me demander les Petites Granges, il a un fils de 16 ans, un de 12 et un pitoux élevé par lui. Yvonne a rapporté un repas journalier envoyé à nos soldats par l’Amérique. Chaque objet est enveloppé dans de la cellophane. En dehors de la viande, il y a 4 morceaux de sucre, 4 caramels, 4 cigarettes. Mes petites filles s’amusent bien en défaisant ces paquets. Nos nouveaux édiles promettent monts et merveilles, de l’eau et l’électricité partout. Marcelle va à Buy où elle ne trouve pas Marie-Thérèse, celle-ci est au baptême de son petit fils André Henri comme ses deux grands pères.

9 Monique a 5 ans. On lui fait un gâteau entouré de 5 bougies.

10 Dimanche. A une vente aux enchères en Morvan, il s’est vendu 35 brebis, bonne santé, pleines, 600 F pièce.

11 Pluie torrentielle. Tissier, célibataire, 47 ans, fermier à La Condamine demande à visiter les Petites Granges, envoyé par Roger de Bouillé.

12 Lettre de Cécile, encore contrôlée, elle n’a toujours pas de domestique, mais sa maison est toujours pleine d’amis y compris Koutchy, venue de Paris debout dans le couloir. Marcelle va à Nevers voir Marthe Robert au moment où elle quitte la clinique pour retourner à Sermoise. Le jeune Henri qu’elle nourrit avec succès a le nez Chanier. Mimi de Courrèges a perdu un fils au front. Elle a dix enfants.

13 Lettre de Geneviève qui a Antoinette et François Jourdier pour 6 jours. Ce dernier est gai et en bon état. Il n’était pas venu en France depuis 7 ans. Maurice viendra plus tard. Longue lettre d’Edmond, qui a beaucoup de peine à faire couper ses bois, les bucherons demandent 150 F par corde et autant pour un cent de bourrées et il faut leur fournir du fil de fer pour les lier. Ste Luce, les jours grandissent du saut d’une puce le soir seulement.

14 -5 °. La très charmante Jeanne de Mollins vient passer 3 jours avec nous. Yvonne emmène Monique à Nevers pour la photographier, carte d’identité. Jacques de Lari est à Paris pour s’informer au ministère de la guerre quel sera son sort. Les officiers dans sa situation, s’ils veulent rester dans l’armée, doivent aller aux colonies.

15 -1 °. Nous tuons un cochon de 125 kilos. Le charcutier qui l’a opéré nous prend 200 F . Perdriat, Mollins et Marcelle vont gouter à la Chasseigne.

16 + 1 °. Mon rosaire. Jeanne de Mollins devait repartir par le car Balançon, celui-ci étant en panne, je la conduis à Mars au train de 4 h 1/2 .

17 Pluie. Dimanche. Je suis convenu avec Tissier qu’il afferme les Petites Granges au prix que j’en demande soit 37 quintaux de blé et 650 kilos de bœuf première qualité. Pierre Bassain est mort de froid dit-on. Le notaire Bouroin me demande s’il a une sépulture de famille. Je lui réponds qu’il en a une dans le cimetière de Parigny les Vaux, sa propriété de Sapinges étant dans cette commune.

18 Pluie. Madame Vuillemin, née Delmas de Grammont, mère de Mme de Sansal meurt à Saint Germain en Laye. Il y aura là un gros portefeuille à recueillir. Le chien de Callot entre dans la laiterie et dérobe un gros morceau de cochon et deux pieds. Marcelle goûte au manoir.

19 Yvonne allant à Nevers, elle emporte une oie grasse pour le grand séminaire, déjeune chez les Lary. Dédette nous apprend la mort de leur voisine Mathieu, elle aide à l’ensevelir et à la veiller. On doit bien cela à son mari, qui met souvent son auto à la disposition de tous.

20 Mon excellent voisin Gabriel Mathieu est mort. C’est un homme parfait qui disparait, intelligent, serviable pour tous, très dévoué au Crédit Lyonnais. Il en a été un des gros bonnets. Marcelle va lui donner de l’eau bénite.

21 A neuf heures, Melle de Maubec prend Marcelle pour l’amener à Nevers, il fait à peine clair. Les Thonnier nous disent que Maurice est sorti de prison. Deo gratias !

22 Pluie. Mort. Le Lt Colonel de Laveyssière qui commandait les FFI du Loir et Cher, tombé d’avion en Bretagne, on l’enterre aujourd’hui en Sologne, dans le pays de sa femme. Les deux cousins ont dû arriver ensemble au paradis car tous les deux étaient d’une grande dévotion. Laveyssière n’est pas mort en tombant d’avion, il a été tué dans son bureau, ainsi qu’un commandant, par un lieutenant de son régiment atteint de paludisme qui s’est du reste suicidé après avoir fait ses deux victimes.

23 – 6°. Moreau me mène à l’enterrement de ce pauvre Mathieu où il y avait beaucoup de monde. C’est macabre de voir les deux cousins portés en terre le même jour. Antoine Robert me dit sa femme assez souffrante, elle a dû sevrer, ayant un abcès au sein et de la fièvre. Les Boches relèvent la tête et il y en a encore beaucoup trop en France et en Belgique.

24 – 7°. Dimanche, on réunit quatorze enfants des prisonniers de la commune pour leur donner à gouter et des étrennes. Montrichard pontifie lentement et comme si tout venait de lui. Il n’avait seulement pas pu trouver deux litres de lait dans ses fermes pour faire le chocolat. Mesdames Barrière et Moreau ont envoyé d’excellents gâteaux. Cette forte gelée est mauvaise pour les récoltes après la grosse pluie tombée le 22.

25 Noël. Beaucoup de communions à la messe de minuit. Je m’approche de la Sainte table à celle de neuf heures. Longue lettre de Cécile qui passe son Noël à Vitré chez sa bonne amie Lolotte d’Heliaud. Elle me parle en détail de la situation financière des Riberolles qui est inquiétante. Le train de maison de Bulhon ne peut pas continuer sur ce pied là, mais il est m’est difficile de le dire à Augustin. Quant à ses filles, elles n’ont jamais su compter. Ma pauvre Edith non plus. Cécile a toujours été pour eux d’une grande générosité, je me plais à lui en rendre témoignage. Le jeune Massias, blessé au front, a été transporté à l’hôpital militaire de Nevers. Barbin avoué, Mauban ingénieur industriel, Dezautière assureur, en craignant de tout voir étatiser, tremblent.

26 – 7°. Tissier vient me voir pour la rédaction de son bail. On monte le poêle dans le vestibule et nous déjeunons près de lui. Je souhaite la bonne année à la marquise de Chargères. Marcelle fait une visite de condoléance au manoir. J’appelle Richard pour la jument baie des Petites Granges.

27 – 7°. Elle a un clou de rue. Yvonne va à Nevers où elle achète une voiture de poupée de 735 francs. Elle apprend la mort de sa tante de Place. Marcelle offre à goûter avec un arbre de Noël aux enfants de la terre de Tâches. Paris a été sévèrement bombardé la nuit dernière. On dit qu’il y a encore quatre vingt dix mille boches en France, c’était bien la peine de fêter la libération et de pavoiser.

28 – 7°. Simone et Antoine de Sansal devaient venir manger une dinde avec nous, le car est en panne, obligés de rester, tout le monde désolé.

29 – 5°. Ils viennent aujourd’hui à bicyclette finir la dinde. Antoine apporte ses patins et s’en sert sur mon grenouillat. Marcelle se lève de bonne heure selon son habitude, fait son ménage, quand à dix heures elle est prise d’une assez vive douleur à la jambe. Elle se couche sans déjeuner et a une grosse fièvre. Bonnichon appelé dit que c’est le troisième erysipèle qui fait son apparition et qu’il sera moins long que les précédents. Suzanne de Rouville me souhaite la bonne année et me remercie des dernières cigarettes. Bernard proposé pour la Légion d’Honneur. Jacques toujours en prévention dans l’Hérault avec un père jésuite comme compagnon de chaine. Marie Louise du Part me souhaite aussi la bonne année. Une vache de Tâches crève d’une péritonite, elle a avalé un clou.

30 – 5°. J’ai aujourd’hui quatre vingt dix ans et grâce à Dieu, je les porte assez bien. Je reçois des coups de téléphone pour fêter mon anniversaire, des Gouttes, de Fertot. La jambe de Marcelle est très rouge, encore de la fièvre.

31 – 2°. Dimanche. Je pars pour la messe mais arrivé sur la route, mon âne glisse et je suis obligé de revenir. Marcelle va mieux, bien que sa jambe soit encore bien rouge. Couturier achète un cochon de 8 125 francs au domaine et le fait débiter sur place.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Je trouve ces écrits complétement surréalistes.

Unknown a dit…

Qui est l'anonyme??

Anonyme a dit…

C'est moi

H2R a dit…

Je ne suis plus anonyme

EDITH a dit…

la vache qui a avalé un clou aurait du l'avaler avant que la jument l'ai dans le sabot ...

EDITH a dit…

SUPER, HUBERT ! tu es trés fort ... j'admire ton blog RR

Geoffroy a dit…

J'ai pensé la même chose de la vache!!