21.2.10

Janvier 1945

1. -3°. Mes arrières petites filles me souhaitent la bonne année et je leur donne une voiture de poupée dernier genre, coût 700 francs. Yvonne m’offre une médaille miraculeuse de la Sainte Vierge. Je reçois une lettre de Gabrielle de Rouville qui a été contrôlée en route. Marcelle va mieux. Bonne nuit. Avec plusieurs autres compliments, j’en reçois un de la Chasseigne, accompagné d’un excellent gâteau entouré de neuf bougies. Je suis très sensible à cette aimable attention. Armand est revenu de sa mission à Londres.

2. – 7°. Je reçois des lettres de Louis de La Brosse, d’Edmond, de Maurice Robert, de Simone Jourdier qui voit à Jinvara les femmes d’Hubert et de Bernard de La Brosse.

3. -2°. J’ai un dérangement qui me fait lever trois fois pendant la nuit, ce qui n’est pas agréable par le froid. Paul Tiersonnier m’envoie un memento de sa femme. Il cherche une maison avec jardin à Nevers.

4. Neige. Lettre de Paule de Faverges qui dit que ses neveux Guy et Amédée se sont engagés. J’envois 18 000 francs au percepteur de Saint-Pierre.

5. -2°. Premier vendredi. Vu les routes avec neige, je manque la messe. Marcelle a bien dormi.

6. -2°. Simone vient tirer les rois avec nous, c’est Aliette qui a la fève. Landais, âgé de soixante-quinze ans et couvert de rhumatisme est interné à Cusset. Dosson de la Grace a pour la quatrième fois le prix d’honneur au concours de Nevers pour ses reproducteurs. Roger de Bouillé le second.

7. -2°. Les chemins très glissants m’empêchent d’aller à la messe. Visite de Guite Lesueur qui fait sa croix rouge à Nevers.

8. -3°. Neige. Lettre de Cécile qui n’a toujours pas de domestique, ce qui ne l’empêche pas de faire manger une dinde à ses bonnes amies. Je remercie Faverges de ses souhaits de nouvel an.

9. Neige. Lettre de la marquise de Chargères qui nous apprend qu’après la mort d’un petit Courrèges au front, c’est un Villebonne qui vient d’avoir le même sort. Suzanne de Rouville nous dit que Bernard est menacé d’être envoyé en Extrême Orient et que Jacques est toujours dans un camp de concentration à Perpignan. Yvette de Noblet, dans son grand château de Fleury n’a qu’un vieux jardinier pour l’aider à faire le ménage. Cécile n’a toujours pas de personnel, ce qui ne l’empêche pas de faire manger une dinde à ses amies. Marcelle va mieux, elle envoi une oie à Madame Braive et en met deux dans des bocaux.

10. -2°, neige très abondante. Je reçois une lettre de Mme de Lépinière qui devait venir nous voir et qui en a été empêchée par la maladie de Marcelle. A Lyon, Marie du Verne a été renversée par une voiture, elle a une jambe cassée. Lettre de Berthe qui crie misère. Je lui envoie un petit billet, elle a chez elle Antoinette Jourdier devenue très sourde et rien moins que gaie.

11. -3°, neige. Marie-Thérèse Guillemain et Suzanne se réunissent pour fêter mes quatre-vingt-dix ans. Elles m’envoient une jolie boîte remplie d’excellents bonbons. Malgré la grande quantité de neige, Kiki va prendre sa leçon chez Melle Tissier. Concours de Moulins. Simone y rentre.

12. -12°. Lettre d’Augustin. Miette garde le lit, elle a un abcès sous un bras, occasionné par des piqures antidiphtériques.

13. -12°. Pas de journaux. Le marquis d’Aramon meurt à Bengy. J’en garde le souvenir d’un homme charmant, grand seigneur, ancien officier, président des courses de La Guerche. Gueraut, maire de Magny, meurt aussi.

14. -13°. Le froid gagne partout ! Dans la chambre de Marcelle, avec un feu battant, il n’y a que 8°, et 4 dans la mienne. Il ne fait bon que dans le vestibule, à cause du poêle, c’est là que nous déjeunons et dînons. Cela me rappelle l’hiver 1879-1880 ou mon père et moi, nous prenions nos repas dans la salle à manger avec nos peaux de chèvre sur le dos. Maurice Jourdier nous téléphone des Fougis où il est en permission pour quatre jours. Il vient de Cette, et parait très content. Marcelle repique un peu de fièvre. Elle a fait l’imprudence de sortir un peu hier.

15. -8°. Il fait un peu moins froid dehors, mais plus froid dans la maison. La pompe de la cuisine est gelée. Hier à dîner, nous avons mangé une boîte de repas américain envoyée à nos troupes et apportée par Jean, c’est très bon. Marcelle a passé une bonne nuit, pas de fièvre.

16. -9°. Lettre de Cécile, Rennes est aussi sous la neige. Ils n’ont ni sel, ni sucre, ni légume. Nous lui envoyons du sel. A neuf heures, Jean arrive en auto de près de Mulhouse, avec son même chauffeur. Il a engraissé, ce qui prouve que les américains le nourrissent bien. J’ai un dérangement au milieu de la nuit, ce qui n’est pas agréable par le froid qu’il fait. Mon rosaire.

17. -6°. Jean conduit Monique à Saint-Pierre pour lui faire couper les cheveux. Marcelle n’est pas encore aussi bien rétablie que je le voudrais.

18. -2°. Encore un dérangement, à huit heures du matin, mes draps de lit doivent être changés, c’est le commencement de la décrépitude, j’en suis très humilié. Jean emmène femme et enfants à Boutavent pour passer quelque temps.

19. +3°. La neige a en parti disparu mais il fait encore assez froid, c’est un faux dégel. Pas de courrier.

20. -1°. Le journal du Centre a réduit son format. Il sera bientôt comme un timbre poste. M. Louis Neyron, 2 rue Benoit Oriol à Saint-Chamond, Loire, me demande à louer la chasse de Tâches, ainsi que M. Bariol. Je ne veux pas traiter cette question tant que la guerre ne sera pas terminée pour de bon et sans en avoir parlé à Godmel. Hervé nous téléphone, il est à Moulins pour quatre jours. Il nous apprend la mort de Madame Charles Jourdier, elle n’aura pas suivi de loin son mari.

21. -3°. Dimanche. Je lis ma messe au coin du feu. Les routes sont toujours impraticables. Jacques de Lari est nommé à Brazzaville, Afrique centrale. Il part mardi pour Marseille.

22. -9°. Les Riberolles nous arrivent à huit heures du matin de Moulins. Ils sont très en forme l’un et l’autre. Hervé a engraissé, il prend son fusil sur le haut de mon armoire où il est depuis cinq ans, et tue un corbeau et un écureuil, mais il manque un lièvre. Il retournera mercredi à Fontainebleau. Le Colonel de Sansal est appelé à Paris près de sa mère très malade. Saint-Vincent, l’hiver s’en va ou se reprend. Il se reprend.

23. -2°. Ma voisine et contemporaine, Madame Lesueur, quitte ce monde très doucement, sans agonie. Son mari était mort d’une attaque, encore jeune. Magistrat au moment des décrets antireligieux, il avait donné sa démission et il était venu au Manoir pour y faire de l’agriculture avec son beau-frère Adolphe Mathieu.

24. -0°. On glisse à ne pas tenir debout, la neige est à peu près partie. Lettre de Geneviève Clayeux, qui chante les louanges de son petit fils Maurice qui est un brillant aspirant. Antoinette Jourdier a pu venir l’embrasser. Elle est devenue très sourde.

25. -2°. Cigarettes, six paquets envoyés à Suzanne de Rouville qui coûte 12 Francs pièce. L’enterrement de Mme Lesueur se passe sous une épaisse fournée de neige. Je règle les assurances sociales d’Yvette Beaufils qui ne l’avaient pas été depuis qu’elle est ici. 24 francs par semaine, 12 francs pour elle et 12 francs pour moi. Lettre d’Yvonne, ils ont fait bon voyage jusqu’à Boutavent mais elles ont eu bien froid.

26. -7°. La neige tombe et le froid redouble. Baronne Le Pelletier de Glatigny morte hier à Nevers chez sa fille d’Assigny après une longue maladie. Elle a quatre-vingt-deux ans et 1,90 de taille. Son frère le marquis de Veyny a quatre-vingt-quatre ans et seulement 1,83 de taille. Mme Sanson de Sansal meurt à Paris ou elle sera enterrée le 29 dans sa sépulture de famille, elle était dans le gâtisme depuis quelque temps.

27. Neige. Il neige toute la nuit et il fait un peu moins froid. J’envoie mes condoléances à Veyny et au colonel de Sansal. On ne dit jamais deux sans trois, ma magnifique pouliche alezane de deux ans est crevée dans le pré de la joie. C’est une perte d’au moins cinquante mille francs. L’équarisseur n’a plus ni charbon ni essence pour venir la chercher. On l’encrotte.

28. -6°. Pour la quatrième fois de suite je lis ma messe au coin du feu, c’est dimanche. Jeanne de Mollins réclame des vivres.

29. -7°. Madame Chleq nous fait part de la naissance de deux jumelles rue de l’Oratoire, le 24 janvier. Lettre d’André Robert qui demande des provisions lui aussi. Cécile réclame du sel. Marcelle prétendant que la neige et le froid étaient la cause de la mort de ma pouliche, j’ai téléphoné à la Seigneurie pour savoir ce que deviennent les trente poulains qui y sont actuellement. On ne les rentre ni jour ni nuit, on se contente de leur porter du foin dans les près et ils vont très bien. Il est vrai que l’un d’eux a été attaqué par des corbeaux qui lui ont fait une plaie dans le dos et qui l’auraient dévoré tout vivant si on ne l’avait pas mis à l’écurie.

30. -7° Pluie. Le jardinier de Planchevienne vient chercher quatre oies pour les envoyer à Paris à ses maitres, deux autres partent pour Nevers à l’adresse des Mollins et des La Boutresse. Odette très malade.

31. +3°. Dégel. Il y a trois degrés dehors et deux dans ma chambre. A cause de la pénurie de papier, le journal du Centre ne parait plus le mercredi. J’ai le Figaro qui donne des cartes intéressantes du théâtre de la guerre où est Jean. Lettre de Cécile qui est comme nous sous la neige, lettre toujours contrôlée.

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