1 Premier vendredi du mois. Marcelle fait dire la messe pour la paix ; il y vient pas mal de monde, beaucoup de communion, mais il faut croire que ce n’est pas suffisant, car à midi ½, Le Sueur m’envoie Paulette me dire que la radio annonce que la mobilisation générale est décrétée. Cécile part pour Rennes, sa chère Bretagne lui manque, il faut aussi qu’elle remplisse ses fonctions de trésorier de la LPPAF.
2 Nous allons à Nevers faire des commissions et acheter du sucre qu’on ne donne qu’à la livre. Vue Isabelle Devenne installée chez Geneviève Tiersonnier avec son superbe héritier de 9 mois. M.A. du Verne passe son temps à la gare à une permanence de la Ligue qui s’occupe des réfugiés. A 3 h coup de téléphone des Petites sœurs de l’Assomption auxquelles j’avais offert ma maison préférant les loger que d’avoir n’importe qui. Elles m’annoncent qu’elles m’envoient cinq des leurs pour coucher. Je préviens Balleret de faire le nécessaire.
3 Pluie 15 mm. Dimanche. Bien peu de monde à la messe, par ces temps troublés, l’église devrait cependant être pleine. Que devient la foi ? A midi on annonce que la guerre est déclarée. Hitler a fait bombarder la Pologne par ses avions. La consternation est générale. Edmond Clayeux a pris son service à Clermont Fd. Nous faisons une visite à Planchevienne où nous ne trouvons que Madame Braive, son fils unique vient d’être mobilisé ainsi que Jacques de La Brosse. Mon jardinier qui garde les ponts du Guétin a une permission de 24 h. Depuis 8 jours il ne s’est pas déchaussé, il a aux pieds de bien mauvais souliers et de vieux habits. Les pauvres territoriaux ne sont pas gâtés sous le rapport des vêtements, mais ils sont bien nourris à la gare de Saincaize.
4 Pluie. Balleret me téléphone que 3 sœurs de l’Assomption ont couché à la maison. Le courrier ne nous arrive qu’à midi. Pas grand-chose dans Paris Centre, seul journal arrivé. A Nevers réquisition des chevaux. On prend bourres et balles à des prix beaucoup trop élevés à mon sens. Le gouvernement a voté un crédit de 69 milliards pour la guerre, aussi on jongle avec les millions. On a payé une jument de trait à Arbant fermier de Tassain à Moiry 9 000 F. En 1916 j’en avais vendu à la réquisition 2 400, je trouvais cela trop cher. Que dire aujourd’hui !
5 Lavergne remet quelques ardoises sur la maison. La couverture remonte à 1871, ce n’est cependant pas un âge très avancé. Les journaux de Paris arrivent avec 3 jours de retard et je vois avec peine que les conservateurs se dévorent entre eux.
6 Allons à Nevers après midi. Il y a eu alerte la nuit dernière à 2 h du matin. La sirène n’a pas dû faire beaucoup de bruit car nos voisins Delamalle n’ont rien entendu, en revanche les sœurs de l’Assomption qui couchaient à la maison ont eu si peur qu’elles ne veulent plus revenir. Hervé est venu hier soir en auto dîner avec sa fiancée. Il quittera Bourges demain avec le 85ème auquel il est affecté avec le capitaine de Goy. On fait des tranchées sur la place ducale. Je préférerais rester dans mon lit que de descendre dans ces abris peu confortables.
7 A 6 h pendant que je jouais au bridge avec Marielle d’Arcy et deux de ses amies réfugiées à Vernuche, Hervé entre au salon venant de Bourges dans sa voiture où il a entassé tout ce qu’il avait dans sa chambre afin que nous le gardions ici. De suite nous téléphonons à Madame de Sansal et à Simone pour qu’elles viennent dîner avec lui, elles ne se font pas attendre. Lorsqu’elles veulent repartir à 10 h, leur éclairage ne fonctionnant pas, Marcelle les reconduit à Nevers. Hervé me dit : A Dieu Grand père, à revoir au Paradis. Etant chef de section, j’ai peu de chances d’en revenir, mais croyez le, je suis bien préparé. Je n’en doute pas, car c’est un grand chrétien, une âme d’élite. J’ai été si ému que moi qui dors habituellement comme un enfant, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Hervé partira demain avec le 85ème, régiment de formation nouvelle. Son capitaine est un réserviste, les sergents aussi, mais il est dans le bataillon de Maurice de Goy et son ami d’Aligny est dans la compagnie d’à côté. A 4 h ½ Marcelle a emmené son neveu à Bourges et a fait pour lui plusieurs achats dont une cuvette en caoutchouc et une gamelle, recousu à sa capote des boutons non métalliques etc. Au retour, elle a trouvé dans un cantonnement le Maréchal des Logis Roger de Lépinière en train de faire boire les chevaux, elle était de retour ici à 1 h.
8 Fête de la Ste Vierge, je vais à la messe avec mon âne. Beaucoup de communions. A 11h, Madame de Sansal vient chercher son auto avec un taxi. Lettre de Cécile datée du 1er septembre. Elle a fait un bon retour.
9 Edmond Clayeux qui commandait un bataillon à Clermont est envoyé avec des pionniers à X. Sa belle mère meurt chez son fils Louis Monnier dans le Jura. Lettre d’Edith qui a six jours de date.
10 Beaucoup de monde à la messe du dimanche. Visite des deux ménages Rouville. Jacques est versé dans un escadron motorisé.
11 Marcelle a oublié d’ôter le contact en rentrant de Bourges aussi les accus sont complètement déchargés, je les envoie à Moine. Lettre d’Edith du 9. Elle a pris comme cuisinière la femme de son jardinier qui est mobilisé. Miette est allée à Clermont chercher l’auto qu’Edmond Clayeux y a laissée en partant et qui l’attendra à Bulhon. Je rencontre Gabriel Mathieu sur la route. Il va tous les jours à Decize assurer le service du Crédit Lyonnais et sa femme va à la gare de Saincaize pour le bon accueil aux soldats de passage. Elle est aidée par sa cousine Thonier.
12 A Tâches et à Callot on laboure. Inertie aux Petites Granges. On n’emblavera rien.
13 Visite des du Part. Antoine 68 ans voit très en noir.
14 Pluie. Temps bas, triste comme tout le reste. Lettre d’Edith qui a cinq jours de date et qui n’est pas autrement réconfortante. Jacqueline leur apporte un peu de distraction. Yvonne ne parle pas de nous revenir.
15 Pluie Il y 12°, j’ai les pieds gelés selon mon habitude, aussi j’allume du feu.
16 Adresse d’Edmond Clayeux : 1er Bataillon, 613ème Régiment de pionniers, Secteur Postal 122. Je commence de battre aux Petites Granges avec un personnel réduit. Un Polonais et un Espagnol m’apportent du blé très humide. Les plongeons ont été très mal faits et les pluies continuelles. Le conduit de la laiterie est obstrué et le petit lait remonte dans la cave aux légumes, cela sent très mauvais. Je vais voir le maçon. Marcelle emmène le ménage Chérut à Pougues où leur fils Antoine est cantonné. Elle pousse jusqu’à Clamour dire un petit bonjour aux Lavesvre. Marie Antoinette du Verne fait très bon ménage au comité d’accueil de la gare avec les gens de la préfecture et de la municipalité. Il y a un Juif qui la promène dans son auto.
17 Dimanche. Après Vêpres, prière pour la guerre. Il y a en tout dans l’église 15 femmes et moi. La masse n’éprouve pas le besoin d’implorer le ciel, nous en avons cependant besoin. Allons faire une visite aux à Chevenon où Marie-Louise ne nous remonte guère le moral. A la poste on nous apprend que les Russes marchent avec les Boches et que de leur côté, ils ont envahi la malheureuse Pologne pour prendre part à la curée. Depuis plusieurs années, je redoutais cette alliance qui va donner une puissance énorme à la Prusse.
18 Jean Billot, servant d’artillerie a été tué dans une collision de caissons d’artillerie, il est mort dans une ambulance à Vendôme, on l’enterre à Azy. L’église est pleine à craquer et l’émotion de tous est grande. Je vois mes deux fermiers. Renaud se plaint toujours de son estomac. Bringaut va bien. La réquisition lui a donné un bon de neuf mille francs pour une jument. Lettre d’Hervé. Son régiment a mis 48 h pour aller de Bourges à un village d’Alsace. Il a couché deux nuits à la paille, il espère avoir un lit pour la troisième. Madame de Sansal venu chercher sa voiture n’a pas pu l’emmener les accus étant déchargés.
19 Les battages continuent aux Petites Granges. Cette fois c’est un Polonais et un Tchécoslovaque manchot qui montent mes sacs. On finit à nuit noire. Battage à Callot, en plus des Polonais, Espagnol, Tchécoslovaque, il y a un Serbe. Je mets la Polonaise à arracher mes pommes de terre. Marcelle après une visite à Planchevienne vient à Moiry dans la masure de Tassain où elle a organisé un semblant de chapelle pour y dire la prière. 12 femmes et 15 enfants sont réunis là pour y réciter ensembles le chapelet pour la France qui en a grand besoin. Madame Le Sueur mère a donné une statue de la Sainte Vierge.
20 Marcelle va à Limont voir ses amies de Féligonde Maumigny. Le village est envahi par des juifs Polonais.
21 Montrichard m’emmène à St Pierre et laisse sa femme ici. Yvonne qui devait amener Miette à Nevers, celle-ci voulant s’entretenir avec sœur Léontine pour son service d’infirmière, déjeune aux Gouttes en passant et nous arrive à 6 h. Quelle n’est pas mon agréable surprise en voyant ma chère fille Edith descendre de l’auto.
22 Edith, Yvonne et Miette vont à Nevers. Cette dernière pour prendre contact avec son hôpital de St Gildard où elle viendra comme infirmière quand le besoin s’en fera sentir. Lettre d’Hervé à Simone, il est à côté de Saverne.
23 Edith, Yvonne et Miette retournent à Bulhon et déjeunent aux Gouttes en passant. Je termine mes battages par beau temps, rendements bons. Les grains sont humides à Callot et aux Petites Granges à cause de la grande quantité de pluie qui est tombée et des plongeons mal faits.
24 Dimanche. M. le Curé offre à déjeuner aux membres du conseil paroissial dont je suis le Président. Le repas est excellent car la mère encaustique est très bonne cuisinière, les vins généreux. Assistance : Comte de Montrichard, Moreau, Le Sueur, Goulet, Morizot.
25 Je vais chez Glanet à la gare pour chercher du charbon, il n’en a plus, le dernier coûtait 440 F la tonne soit 14 fois plus cher qu’en 1913. Marcelle envoie à Hervé un de mes chasles américains et un pain d’épices.
26 Nous allons à Fricot faire une visite aux deux sœurs qui naturellement ne nous reçoivent pas, ensuite à Fontallier et terminons par Buy. A St Pierre je parle au Lnt chargé d’envoyer des soldats dans les fermes pour aider à la culture, il n’en a pas de disponible pour le moment.
27 Les Rouville et les du Part viennent goûter chacun avec leurs filles qui ont l’air de bien s’entendre.
28 Foire à St Pierre. 4 bêtes Charollaises en tout. Je ne sais même pas si elles se sont vendues. Baisse sur les cochons. Les réquisitions vous donnent des bons, mais pas d’argent liquide. Le Baron de Chillaz meurt en Haute Savoie.
29 Visite de Mesdames Grincour, Marcelle reste dans l’auto avec Marie et moi au salon avec sa mère. Cela manque de charme. Téléphone de Guiguite qui s’installe aux Gouttes, pendant que Gaby tient garnison à Decize.
30 Pluie. Nous allons à Nevers, les rues sont pleines de troupiers et de médecins militaires qui attendent des blessés. Nous conduisons Roger Jeanty au Petit séminaire. A 6 h du soir au retour j’assiste à la prière dans la chapelle de Moiry. Ma métayère des Petites Granges met un garçon au monde.
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