1 -9°. J’ai aujourd’hui 85 ans et je ne m’en porte pas plus mal pour cela, j’en remercie le ciel tous les matins après avoir dormi comme un enfant. Je fais sans fatigue dans la neige une tournée dans les Champs blonds et au taillis d’Orgeat pour voir s’il y a des lapins, il y en a peu, mais encore trop pour l’avenir. Les Hervé nous quittent après déjeuner. Simone doit accompagner son mari jusqu’à Paris où il s’embarque à 22 h pour le front. Pauvres enfants.
2 -7°. Je vais visiter mes domaines d’Azy et je constate avec plaisir que leurs cheptels sont au complet et de bonne sorte. Le taureau que j’ai vendu à Renaud a beaucoup profité.
3 +2°, pluie. Mon rosaire. Le dégel arrive et il fait plus froid dans la maison, aussi nous déjeunons à côté du poêle du vestibule. Après dîner, je joue avec Miette au piquet. Elle s’y met bien.
4 +5°. Marcelle me conduit à Mars où je prends le train de 12 h 50 pour Moulins (coût 14 F en 3ème) où je trouve l’auto des Gouttes. Visite en passant à André qui a la grippe comme beaucoup de gens. A la gare, on me dit que Villaines est au lit, je ne vois que son planton. Le vieux ménage m’accueille avec joie et mon beau frère me dit qu’il m’accompagnera le lendemain à la messe du premier vendredi du mois.
5 Et il sent venir la grippe et ne déjeune pas avec nous. Malheureusement, il a toussé toute la nuit. Le Dr. Dorne appelé ne lui trouve rien de grave. Nuit sans sommeil.
6 +3°. On enterre à Saincaize Madame Edouard Marandat morte à Nevers âgée de 90 ans. René dort mal, mange en tout une soupe à l’oignon, il a surtout la gorge très rouge. Je vais me promener dans la coupe qu’on exploite. La façon de la corde est payée 36 F et vendue 84 F. Les fagots 34 et vendus 44. L’hectare rapporte 3 380. La futaie comprise dans ce prix pour 925 le mètre cube.
7 Pluie. Dimanche. Journée maussade, je ne sors que pour aller à la messe. Mon beau frère est rétabli et une lettre d’Edmond le comble de joie, car il annonce que grâce à ses 61 ans, il sera démobilisé le 25.
8 Pluie. Je monte aux Fougis à pied sous la pluie pour voir Marie de La Boulaye, le ménage Chevallier Chantepie et deux charmantes petites filles. Je trouve le Lnt charmant sous tous les rapports. Marcelle arrive en auto à 4 h.
9 -3°. Perrichon vient acheter 4 bêtes de boucherie très jeunes pour 15 100 F, une taure de 30 mois pesant 530 kilos part pour 3 800 F. Si ces animaux m’avaient appartenu, je les aurais certainement vendus moins chers, car je n’aurais pas osé les faire un prix pareil. Fulgence est un bon vendeur. Je réponds à des lettres de jour de l’an au Cdt Ducrat, à Godemel et à Pierre Tassain.
10 -9°. La Comtesse de Roüalle installée à Nevers pour la durée de la guerre nous invite à un goûter bridge que nous sommes obligés de refuser. Antoine me conduit à Moulins, où je pose une carte chez Mesdames d’Orcet et de Champeaux. Je trouve Cécile Tiersonnier qui me raconte en détail le mariage de Colette avec un officier Anglais actuellement aux Indes. C’est du roman. Elle a chez elle son fils Jean et sa femme. Je fais la connaissance de ce jeune ménage qui est très agréable. Il revient du Maroc. Jean qui est Lnt va partir pour le front et sa femme qui est née Smicht pour l’Alsace où elle va voir ses parents. Au retour Antoine me fait faire sa tournée d’essence, nous passons à Souvigny, Noyant, Besson, Cressanges, St Pourçain Varennes. Il fait un froid noir car le vent de NE est très grand.
11 -12°. Toujours le vent du Nord Est qui vous déshabille aussi je ne sors qu’un quart d’heure devant la salle à manger le temps de dire un chapelet au soleil. Nous emmenons Geneviève déjeuner à Bulhon, où nous arrivons ¾ d’heure en retard, on part toujours après l’heure prévue et les magasins de Vichy ont beaucoup d’attrait. Les Riberolles vont bien et Yvonne est tout à fait chez elle. Dédette a adopté jacqueline qui couche dans sa chambre et Monique dans celle de sa mère. Cette petite pèse 6 livres ½ elle a de l’impétigo sur la figure, en voie de guérison. Edith a transformé sa chambre en petit salon où l’on se tient car il y fait plus chaud que dans celui du bas. Dans la galerie il fait bon. Les d’Anchald et les Colin viennent goûter.
12 -13°. Je fais une tournée agricole aux Deux Villes et aux Bruyères. Dans ce dernier domaine il y a un basse-courier, les métayers étant partis avec la guerre. Je réponds à une très aimable lettre de Mme de Savigny écrite pour me faire des compliments au sujet du mariage d’Hervé. Les Gaby de Villeneuve et leur fille viennent dîner et coucher.
14 -12°. Dimanche. A la grande messe un seul homme en dehors des Gouttes. Je visite le domaine des Joncs qui est fort bien tenu. Il a récolté 1250 mesures de blé et vient d’en semer 86. Marcelle part pour Tâches avec son auto. Elle doit dîner à Planchevienne et prendre ensuite la garde à la cantine avec Suzanne de Rouville.
15 -12°. Gaby et Guiguite prennent à 5 h du matin un train à St Germain des Fossés pour aller passer la permission de détente à Nice chez le frère de Gaby. Après dîner, mon beau frère nous dit : quand je marchais davantage j’avais meilleur appétit, or il venait de manger deux grosses assiettes de soupe à la citrouille, une tranche de gigot sur du riz, des salsifis, un chou à la crème une poire et une pomme. Je visite le domaine des Florets, le cheptel est bien tenu quoique le vieux métayer soit seul pour le soigner. Il commence le pansage à 4 h ½ du matin.
16 Neige. Au domaine de Chaudenot où je vais aujourd’hui, la situation est la même. Il y a beaucoup de paille, ce domaine ayant fait 1400 mesures de blé. Lettre d’Edith qui nous dit que le 15 Yvonne, Dédette accompagnées de M. de Larouzière sont allées faire du ski au Mont d’Or.
17 Neige. Il fait un froid : à 4 h du soir, - 13° au jardin. Je ne mets pas le nez dehors. Mon contemporain Jules de Lavesvre meurt à Clamour après de longues et très cruelles souffrances.
18 -17°. Le froid s’accentue. Il y a +10° dans la salle à manger pendant que nous déjeunons malgré le calorifère chauffé à bloc.
19 -17°. Malgré le froid, je fais le tour du parc.
20 -27°. Depuis 1879 l’on n’avait pas enregistré un froid pareil dans ce pays. +8° dans la salle à manger. Je monte jusqu’à la bergerie.
21 Neige, -14°. Dimanche. Marguerite arrive de Tours, à la gare de Moulins, elle entend la messe à 7h ½ et part ensuite dans son auto. Au tournant de la route de Chapeau, la voiture dérape dans la neige et se couche dans le fossé sans faire aucun mal aux voyageurs. Heureusement pour Marguerite, M. de Dampierre passe peu de temps après et la ramène ici. Dans l’après midi, les chauffeurs des Gouttes et des Fougis munis de fagots, de pelles et de pioches, aidés des métayers du voisinage réussissent à sortir l’auto de son fossé et de la ramener coucher dans son garage.
22 Journée sans histoire. Quelques flocons de neige. St Vincent, l’hiver se reprend.
23 -17°. Lettre de Marcelle que j’attendais demain pour me ramener, qui me dit qu’avec le froid qu’il fait, je suis bien mieux aux Gouttes qu’à Tâches et qu’elle ne viendra que le 30. Elle a peut-être raison.
24 -14°. Edmond atteint par la limite d’âge (61 ans) est renvoyé dans ses foyers, il nous revient de Belfort par Paris. Son bataillon composé de mille hommes lui fait des adieux touchants. D’abord le général l’invite à déjeuner et après un mot fort élogieux lui donne un charmant dessin à la plume rappelant le 615ème Régiment de pionniers et 1° Bataillon. Lui-même offre à déjeuner à 21 officiers. Au dessert, échange de discours pendant lesquels le colonel verse une larme. Comme souvenirs, ses camarades lui donnent un fanion en soie bleue avec la devise du bataillon en or (coût 800). Quant aux sous officiers, ils lui apportent une magnifique canne. Mon cher neveu qui comme je le connais a dû être la bonté même pour tous est bien récompensé.
25 -14°. Les Edmond partent pour Clermont où le commandant doit être démobilisé et déjeunent en passant à Bulhon. Les Villeneuve reviennent de Nice.
26 -13°. Les Edmond reviennent de Clermont en déjeunant de nouveau à Bulhon d’où ils me ramènent de bonnes nouvelles. M. Clayeux a épousé en octobre 1813 Melle Maslin qui avait 16 ans à St Parize le Châtel, M. Maslin son père étant maire de cette même commune est mort en 1821 et a été inhumé à St Pierre.
27 Dégel. Zabeth va à 2 h du matin chercher à la gare de Moulins Antoine retour de Paris. Il y a un tel verglas qu’elle laisse sa voiture sur la route avant Pamloup et va coucher à l’hôtel d’Enghien. Le château de Mirabelle aux Dubois de La Sablonnière. Le feu a pris au premier étage dans la chambre de l’institutrice. Marcelle déjeune à Luanges et partage avec les Massias et les Rouville un cochon de 120 kilos.
28 Dégel. Dimanche. Les Fougis viennent dîner. Zabeth est très inquiète de la santé de sa mère.
29 Colombier marchand de chiffons à Nevers a acheté dernièrement le château de Sauvigny. Après l’autre guerre, il s’était déjà rendu acquéreur du gros domaine de la Chaume Milon. Cet Auvergnat venu dans notre région portant toute sa fortune au bout d’un bâton dans un mouchoir plié en 4 a bien su s’enrichir. En 1918, le camp Américain dans lequel il a trafiqué tant qu’il a pu, a bien été pour beaucoup là dedans.
30 Pluie. Lettre de Marcelle qui me raconte que par le verglas, elle a mis 2h ¾ pour conduire ses métayères au marché de Nevers.
31 Pluie. Je fais le tour par l’allée de la Griotte et les Deux Villes par temps doux. Geneviève m’invite à diner avec les Maurice de La Geneste et l’inséparable Catherine Puzenat. Je refuse ne sortant plus le soir.
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