23.2.11

MARS 1940

1 1er Vendredi du mois. Je communie. Notre curé qui avait annoncé la messe pour 8 h ½ la commence à 8 h ¼. Il est incorrigible. Les Riberolles ayant donné rendez-vous à Simone et à Miette aux Gouttes, ils s’y retrouvent pour déjeuner. Ils apprennent l’annonce d’une huitième grossesse pour Zabeth.

2 -3°. La baronne de Rouville vient chercher légumes, volailles, eau de vie de prunes de chez Chérut. Marie Thérèse Guillemain dîne avec nous et accompagne ensuite Marcelle à la gare de Saincaize pour y passer la nuit.

3 Marcelle ayant beaucoup de peines à trouver des dames quêteuses pour son œuvre des églises pauvres, se rabat sur des jeunes filles et emmène à Nevers Guiguite Le Sueur et Anne de Rouville.qui sont enchantées de promener des bourses parmi les chaises de la cathédrale.

4 -4°. Ma métayère de Callot se plaint de ne pas avoir une écurie où elle puisse faire couver ses poules à l’abri des gros rats. Aussi j’entreprends à Lavergne un plafond pour celle qui est près de l’abreuvoir. Ce sera une assez grosse dépense, mais quand on est content des gens, il faut aller au devant de leurs désirs.

5 -4°. Nous déjeunons à Dornes, ce qui est toujours un plaisir pour moi, nous trouvons les trois filles, Gaspard en permission habillé en capitaine du 8ème Chasseur à cheval, sa femme avec des cheveux couleur de filasse et leur fils Denis.

6 -4°. Marcelle part pour Paris, afin d’assister à la réunion de la ligue LACF. Elle descend Bon Hôtel 42 rue Vanneau, où elle doit retrouver Cécile venue de Rennes pour le même motif. Le capitaine Godemel en tournée d’inspection à Moulins vient voir son garde Jeanty. Je fais brûler sur le Pied Prot les herbes sèches pour faciliter la fauchaison.

7 -5°. Avec deux hommes, je fais brûler les herbes dans les craies, quand il pleuvra là dessus, les brebis y trouveront une meilleure nourriture. Le journal annonce que la cocotte est à St Parize.

8 -7°. La terre est si gelée qu’on ne peut pas la herser. Marcelle revient de Paris et Cécile retourne à Rennes, toutes deux contentes de la réunion de la LACF où sous la présidence de la Comtesse de Curel qui est sur l’estrade avec ses bottes de caoutchouc, entourée de grandes dames. Elles ont entendu de beaux discours de l’abbé Michel. Belle cérémonie à Montmartre.

9 Le cocker Mahmoud meurt. Pendant de longues années, il a été le compagnon de chasse d’Augustin et Hervé, très bon chien de garde, il va être remplacé dans cette fonction par Truc, âgé de 11 mois. Tous les matins Mahmoud m’attendait sur le perron pour avoir une friandise.

10 Dimanche. Grande messe dialoguée et explicative avec l’aide d’un prêtre sergent, cantonné à St Pierre. Vêpres de même. Les Jacistes au nombre de 18 donnent le bon exemple. A 8 h ½ du soir, Marie Thérèse Guillemain vient chercher Marcelle pour aller passer la nuit à Saincaize.

11 Nous avons la visite des Chalvron et de Gilberte Adenot avec deux enfants.

12 Pluie. Marcelle va voir Madame Barrière qui a chez elle sa belle fille née Bordeaux Montrieu, elle l’a trouvé agréable. Madame Turc est souffrante.

13 Pluie. Nous allons déjeuner à Buy pour tenir compagnie à Marie Thérèse qui se morfond toute seule, ne pouvant pas sortir n’ayant plus d’auto. Visite aux Le Sueur en revenant.

14 Nous assistons à Nevers à la bénédiction des ornements d’église par Monseigneur. Yvonne quitte Bulhon qu’elle habite depuis 7 mois, déjeune aux Gouttes en passant et nous arrive pour dîner avec ses deux charmantes petites filles.

15 -3°. Madame de Sansal et Miette viennent voir les petites Valence et restent dîner avec nous.

16 -4°. Yvonne part à la première heure pour Rennes. Mes arrières petites filles vont me manquer. Jacqueline aux yeux noirs est très caressante et se permet de tirer ma barbe. Monique a les yeux bleus.

17 Dimanche des Rameaux, beaucoup d’hommes à la messe, procession à la croix du champ de foire. Antoine Clayeux est rappelé et versé dans un escadron de cavalerie commandé par Maurice Robert à Moulins.

18 +18°. Visite des dames Grincour. Après elles, arrivent les Edmond Clayeux allant aux Gouttes en revenant de Tours où ils ont assisté à l’inhumation de Mme Monnier.

19 Pluie. Mon métayer Roy me conduit dans son auto au Lieu Maslin pour y chercher du seigle de printemps de semence. Je suis heureux de voir un bon cheptel et des gens qui ont l’air de faire leurs affaires. Lettre de Cécile, les Valence ont fait bon retour.

20 On coupe tous les lauriers qui sont autour de la maison, car ils sont gelés, c’est bien laid. Un cèdre sur la pelouse également gelé. Réponse d’un métayer à un garde qui lui faisait une observation parce qu’il chassait : Je suis métayer et j’ai la moitié du gibier comme des vaches !

21 Jeudi Saint. Il est de coutume que les femmes fassent leurs Pâques ce jour là. Il en est venu 80 environ et pas mal de jeunes filles. Hier Marcelle a conduit M. le curé à Moiry pour qu’il donne la Sainte Communion à plusieurs impotentes. A l’office du soir, pas mal de monde. Le reposoir fait dans la chapelle du Sacré Cœur était joli, Marcelle l’avait décoré avec des fleurs d’arum très bien imitées.

22 Pluie légère. Vendredi Saint. Nous allons à l’office à 8 h ½ et à 4 h1/2 M. le curé vient dire le chemin de la croix à Moiry où la pseudo chapelle est pleine à 8 h ¾ est pleine. Marie Thérèse Guillemain prend Marcelle pour l’amener passer la nuit à Saincaize où elle dort copieusement selon son habitude.

23 Samedi. Une vingtaine de scouts amenés du Petit Saint Cyr par Antoine de Sansal campent dans le parc. Ils dressent cinq tentes de différentes couleurs, chacune a son fanion.

24 Pâques. A 7 h ½ quand je me lève, j’aperçois les scouts faisant leurs ablutions dans le grenouillat qui est devant la cuisine, tous ayant comme tout vêtement leur culotte courte. Le thermomètre consulté annonce 5°, j’en ai froid dans le dos. A 8 h ½ j’assiste à la messe dite des hommes, ce qui ne m’était pas arrivé depuis bien des années et je suis agréablement surpris de voir autant de monde s’approcher de la Sainte Table. Mes 3 métayers, mes maçon, charpentier, taupier etc. Il est vrai que 99 % de tous ces gens ne reviendront plus à la messe avant le 2 novembre. En tout cas cela prouve qu’ils n’ont pas de respect humain. Les Jacistes étaient au nombre d’une vingtaine. Bonne musique, chants, violons. A midi 1/2 nous recevons par TSF la bénédiction papale chez les Le Sueur. A 3 h, vêpres avec chœur de jeunes gens et jeunes filles. Les scouts vont et viennent autour de la maison, cela donne de l’animation. Simone a dû aller hier à Lunéville faire une visite à Hervé. Je ne dis jamais rien de la politique, je fais exception aujourd’hui pour dire mon gros cœur et mon découragement en voyant la conduite des F M (trois points au sommet d'un triangle) qui nous gouvernent et qui laissent vivre un ministère formé par Paul Reynaud et qui a eu une voix de majorité, nous retournons au front populaire. Hitler doit se frotter les mains. Visite des Rouville avec leurs enfants et du Cdt Bouchacourt.

25 Pluie. Suzanne Le Sueur vient prendre une tasse de thé avec Marcelle qui la trouve très gentille.

26 Nous allons faire des commissions à Nevers pendant que les scouts vont à pied déjeuner à Luthenay. J’avais demandé du charbon à Mars, j’en obtiens 500 k et quand en reviendra-t-il. A Nevers c’est pareil. Pour la viande on est aussi très rationné, les boucheries sont fermées les lundis et mardis.

27 Pluie. Comme il pleuvait, les scouts ont fait rôtir dans notre cuisine un morceau de porc frais qui leur coûtait 78 F et comme ils ne l’ont pas laissé assez longtemps dans le four, il était tout saignant. Le soir feu de camp sur le Pied Prot de 9 h à 11 h. Il n’y faisait pas bien chaud. Pas mal de jeunesse venue de Saint Parize.

28 -3°, neige. Foire à St Pierre, peu de bêtes, cours très élevés sur les vaches à veaux. Vincent en vend une 6 000 F. Renaud me rembourse ce que je lui avais avancé pour acheter du cheptel lors de son entrée au Lieu Maslin en 1935, ce qui prouve qu’il fait de bonnes affaires et qu’un fermier non mobilisé doit payer ses termes. Les scouts nous quittent, heureusement pour eux car il fait froid.

29 Les Mollins viennent goûter en nous amenant Miette et Simone de Riberolles. Cette dernière arrive d’un village proche de Lunéville où elle a passé 3 jours avec Hervé, mangeant au Mess des officiers.

30 Pluie froide. Marcelle va voir Gabrielle de Rouville qui est seule à Planchevienne.

31 Hervé en permission, nous arrive pour dîner avec Simone. Il a un peu maigri, mais la mine est bonne. Guillaume du Verne chasse chez Le Sueur et Suzanne passe l’après midi avec nous.

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