1 Gelée. Je m’approche de la Sainte Table car le mois commence un vendredi. La réquisition ne se contente pas de nous prendre des œufs, elle veut maintenant du lait, les vaches Charollaises devant donner 400 litres par an et les Normandes et Bretonnes 1250 litres. Si le vent glacial qui souffle depuis deux jours continue, les laitières ne pourront pas assurer cette fourniture, il est vrai que c’est celui de la lune rousse. Marcelle fait le mois de Marie dans le bureau, les nombreux enfants de la terre de Tâches y viennent avec empressement.
2 Gelée. Je descends à la gare pour y chercher ma chère fille Cécile qui a pu obtenir un laissez passer pour venir faire la connaissance d’Aliette. Elle est venue par Tours et a couché chez les Villeneuve. Nous causons longuement au coin du feu car on gèle.
3 Dimanche. Je mène Cécile à la messe avec mon âne. Chicon prend 5 petits renardeaux dans les chaumes vieilles sur le talus du trou d’eau.
4 Chabret qui pose l’électricité à la Chasseigne passe prendre Cécile avec son auto pour la conduire à la gare de St Pierre où elle s’embarquera pour Bulhon. Il nous apporte une lampe électrique qui coûte 300 francs et qui doit éclairer 400 heures. Carte d’Hervé du 19.Il a eu la visite de ses amis de Thé et Tézenas. Marcelle accompagne sa sœur à la gare et revient par nos fermes d’Azy. Bringant a acheté une paire de bœufs qui font bon ménage avec la pouliche qui lui reste. Marcelle rapporte de l’un et l’autre domaine une belle miche de pain blanc fait à la maison.
5 Gelée. Je vais voir l’étang américain des Chaumes Vieilles en vue d’y mettre la bonde métallique. Ce ne sera pas facile à cause de la cuvette pleine d’eau qui reste au milieu.
6 Lettre d’Edmond qui a vendu sa Baratte un prix fabuleux, il va faire un remploi en achetant un immeuble à Paris où les cours ont moins monté. Lettre de Louis qui a été reçu au Jockey, où le bridge est moins intéressant qu’au Nouveau Cercle qui est toujours fermé. Lettre de Dédette de la clinique, m’annonçant qu’elles rentrent à Bulhon le 1 er mai. C’est elle qui est marraine d’Aliette et le jeune Valence le parrain.
7 Marcelle prend le train de 7 h pour aller suivre une retraite chez les sœurs de l’Assomption à Nevers, quand à 10 h pendant que je lisais mon journal, je vois entrer Geneviève et Antoine Clayeux. Ce dernier devant se rendre à Nevers devait nous laisser sa mère et la reprendre en revenant. Je conseille à Geneviève d’aller chercher Marcelle et de revenir ensembles par le car pour déjeuner, c’est ce qui est arrivé. Antoine vient reprendre sa mère à 2 h ½. Celle-ci nous laisse une lettre d’Edith leur apprenant que Jean de Valence a le typhus contracté en soignant son cousin de Javel, atteint de cette maladie. Aux dernières nouvelles, la fièvre baissait. Je vais à la mairie faire un tas de déclarations, veaux, vaches, couvées, arbres fruitiers etc. On me porte réserve et bois 93 hectares.
8 Garnet, fermier au Mou, a deux pouliches de ½ sang primées au concours. Marcelle part à la première heure à bicyclette pour sa retraite à Nevers. Couturier vient chasser les renards, je ne sais pas s’il en a tués. Il me naît deux poulains, un à Tâches, un à Calot.
9 Roy est bien ennuyé, ses deux domestiques Espagnols dont il était content le quittent, celui de Chicon également Espagnol le plaque aussi.
10 Pluie Orage. Fête de Ste Jeanne d’Arc, à peu près personne à la messe. Anne de Rouville et Solange de Barrau viennent à bicyclette de leur couvent de Chantenay passer la journée avec nous. Guite Le Sueur les rejoint dans l’après midi. Après elle arrive Marie L. du Part et ensuite les Antoine Robert venant de Buy avec la voiture à âne. Pendant qu’ils sont là, un orage très violent se déclara, une pluie torrentielle avec quelques grêlons s’abat sur nous et quand Marie-Louise veut remonter sur sa bicyclette, elle trouve ses sacoches pleines d’eau.
11 Premier jour des Rogations. Vent Sud Ouest. Marcelle déjeune chez Melle Valois, va au Veurdre d’où elle ne peut téléphoner à Bulhon, les fils étant brisés par l’orage d’hier. Elle goute au retour à Fontallier. Fassier de Bonay loue des prés à Passot pour mille francs l’hectare. J’en prends bonne note. Il les louait 500 francs l’année dernière. Gonin me rentre du bois d’orme fendu, j’en ai environ 30 stères dans le garage près de la voiture à âne. J’espère que les Boches ne s’en apercevront pas car j’ai lu ce matin dans Paris Centre que l’approvisionnement familial ne devait pas dépasser cinq stères, que déclaration de ce que l’on détenait devait être faite. Ma commune n’est pas encore de celles visées.
12 Pluie. 2éme journée des Rogations à la Croix Aubert. J’ai la visite de Marion Voisin venue me demander un certificat attestant que son mari était resté à mon service de 1907 à 1932 afin qu’il puisse toucher la pension des vieillards.
13 Pluie. Carte d’Hervé du 26, ils vont bien, mais Hubert ne prend que 25 grammes par jour. Carte de Cécile du 5. Elle a fait bon voyage et a trouvé tout Bulhon bien portant. Gallicher m’écrit que l’enregistrement va me rendre l’argent que je lui avais versé indument pour renoncer à mon usufruit. J’ai eu mal à l’œil droit toute la nuit et au réveil je le vois très rouge. Comme il va mieux le soir je descends à sept heures à la gare chercher Cécile retour de Bulhon où tout va bien. Jean est sorti de l’hôpital et ses filles sont superbes. A Vichy elle a vu le Maréchal toujours jeune et Pierre Laval toujours laid, et ses amies Mesdames de La Moneray et de La Breteche, cette dernière est venue la voir un jour à Bulhon où Edith n’a pas pu jouir de sa présence car elle était aux prises avec une crise de foie.
14 Ascension. A la messe, plus d’hommes que de femmes.
15 Après avoir téléphoné à cinq garagistes, nous trouvons Ducuffy qui veut bien venir chercher Cécile et la conduire à Nevers à cinq heures et demie du soir où elle prend un train pour Tours. Elle couchera chez les Gaby et partira demain à la première heure pour Rennes d’où elle ne peut pas s’éloigner bien longtemps. Roger du Part nous annonce la naissance d’un quatrième enfant, Philippe. Je plante 550 betteraves à sucre dans le plus grand carré du jardin du Pied Prot et des haricots dans le carré le long de la haie.
16 Pluie. Mon rosaire. Le docteur Bonnichon vient voir la mère Michel. Il la considère comme perdue, elle a un cancer au foie. Carte d’Hervé, ils ont beaucoup de mondanités et ils reçoivent Mesdemoiselles de La Brosse.
17 Par beau temps, l’herbe pousse. Madame de La Ronde nous demande des renseignements sur Melle de Chavigné.
18 Les Antoine Robert nous amènent Marie Thérèse en visite. Dans son exploitation de bois à Sermoise, Antoine paye la façon du stère 30 francs et il la vend à Nevers, la moulée 155 francs et la charbonnette 120. Mention marginale : bonde. Lavergne, avec son niveau d’eau, constate que pour vider complètement l’étang américain, il faudra que je mette la bonde 0,5 mètres plus bas que le niveau actuel à la chaussée.
19 Jeanne de Soultrait est rentrée à Dornes. Marcelle va à Chevenon où elle ne trouve personne. Je fais une tournée dans les Craies, ce n’est pas leur année, seul le ramiot a prospéré avec abondance.
20 Je sème dans le Clou haricots de Rennes, betteraves et rutabagas. Cartes de Cécile qui a fait un bon retour, d’Edith qui est remise de sa crise de foie, d’Edmond qui n’obtient pas son laissez-passer pour aller à Paris. Marcelle va à Nevers avec les Le Sueur. Elle passe dans les banques pour faire mettre nos carnets à jour, ce qui est toujours une corvée pour elle. La cheminée des Petites Granges est remontée. Maintenant, je vais faire nettoyer la maison intérieurement pour m’attirer les bonnes grâces de ma métayère.
21 La fille de mes jardiniers doit faire sa Première Communion le jour de la Pentecôte et depuis quinze jours on parle du repas, des invités et des toilettes. Ce matin, ils sont allés à Nevers, où Alexandre a acheté un complet pour 1 500 francs et une ceinture en organdi pour la robe de la petite, 100 francs. C’est fou !
22 Le jeune Dupré me creuse le fossé qui doit vider l’étang américain à raison de 7 francs de l’heure. Chicon tue un cochon que nous partageons.
23 A la première heure, Cécile nous téléphone que son beau-père vient de mourir subitement. Par André, nous faisons prévenir Yvonne, l’enterrement aura lieu le 27. Maurice Robert nous amène sa mère, sa femme et ses filles. Marie Thérèse est furieuse contre Georges qui leur a soulevé les basse-couriers de Buy pour les emmener en Périgord où il a acheté du domaine avec la forte somme qu’il a retiré en vendant l’île verte. Odette de Lamalle passe la journée avec nous. Elle est vraiment très agréable.
24 Pentecôte. Première communion dans la paroisse, beaucoup de monde et de belles toilettes. En l’honneur de leur fille, mes jardiniers invitent parents et amis. Ils sont seize à table. Ils empruntent notre cuisinière en disant nous vous enverrons votre déjeuner. En effet, ils nous envoient du poulet à la crème, du filet de bœuf sauce madère, rôti de veau, pâté, entremet au chocolat, biscuit de Savoie et compote de prunes. Tout cela excellent. A 9 h du soir on se remet à table pour manger du ris de veau et de magnifiques poulets rôtis, suivis d’un baba fortement arrosé de rhum et d’un biscuit de Savoie recouvert de chocolat. De tout cela, nous avons eu notre part. La fête s’est terminée à minuit. Cécile nous téléphone pour savoir si nous savons quelque chose d’Yvonne. Rien.
25 Marcelle téléphone partout pour savoir si Yvonne a pu partir. Elle envoie Jean Le Sueur au Veurdre qui n’a pas pu correspondre avec Bulhon. Aux Gouttes, ils ne savent rien. En désespoir de cause, pour ne pas laisser Cécile toute seule le jour de l’enterrement, à quatre heures elle enfourche sa bicyclette et part pour Nevers où elle prendra le train pour Tours. Sur la voie en face d’elle s’arrête l’express Paris dans lequel elle aperçoit Yvonne. A la hâte, elle descend pour aller embrasser sa nièce qui lui donne de bonnes nouvelles de Bulhon, et au lieu de remonter dans son train, elle revient dîner avec moi, ce dont je suis bien aise. Berthe apprend à Marcelle que Paul Jourdier est marié depuis janvier avec la fille d’un officier français ou anglais, elle l’ignore. Villenaut, le veuf et forestier est fiancé avec Mademoiselle de La Motte-Rouge.
26 Garnet vient me payer son terme. Il me demande de lui faire faire une porcherie. Je vais étudier la chose.
27 Pluie. J’estime qu’aujourd’hui, c’est bien placer son argent que d’améliorer les bâtiments, bien que cela coûte terriblement cher. Avec Marcelle, nous allons au Paturail Male où il y a pas mal d’herbe. Un essaim d’abeilles se pose dans le jardin, Chicon nous le met dans une ruche. Je vends à M. Robinot pour Mont la jument Caprice de Callot pour 36 000 francs, elle a quinze ans. Le prix des chevaux est exagéré et cette vente ne me fait aucun plaisir, j’aimais beaucoup mieux l’époque ou j’aurais vendu pour huit cent francs une jument de cette âge la. (Carte intéressante d’Edith du 22). Je donne mille francs d’étrenne à mon métayer Roy. Guite de Sansal qui devait venir déjeuner avec nous y renonce à cause de la pluie.
28 A deux heures, Massias vient me prendre et laisse ici sa femme et Jeanne de Mollins, il me conduit à Moulins où il m’abandonne pendant trois heures pendant qu’il va à Bourbon. Je passe ce temps avec André que je n’avais pas vu depuis deux ans. Il a beaucoup vieilli mais peut encore s’occuper activement de ses œuvres. Madame de Montrichard vient goûter avec sa voiture à âne. D’Aramon venu dernièrement à Moulins pour un concours de chevaux a dit à André qu’il venait de vendre à un marchand une jument de trait pour soixante dix neuf mille francs.
29 Pluie. Journée sans histoire. Lavergne commence à remonter le toit du poulailler abattu par l’ouragan du 15 août.
30 Pluie. Jeanne Mabire qui va avoir soixante dix ans, ce que j’ai de la peine à croire, vient avec Louise passer la journée. J’ai toujours beaucoup de plaisir à les voir. Elles partent chargées de fleurs, de laitages, de légumes. Marcelle, avec tous les enfants qui fréquentent son mois de Marie, descend aux Petites Granges pour la fête des mères pour porter des gâteaux et un cadeau à Thérèse. L’ainé de ses cinq enfants lui récite un compliment et les autres lui offrent des fleurs.
31 Pluie. Marcelle avec mon métayer des Petites Granges fait une spéculation qui ne les enrichira pas, mais qui leur permettra peut être de manger un jour une bonne côtelette. Ils achètent chez les Le Sueur quatre petits agneaux pesant en tout quatre-vingt dix sept kilos pour deux mille quatre cent francs, cela fait cher la livre. Aujourd’hui, fête des mères dans toute la France, à Saint Parize, M. le Curé fait tout son possible pour la rendre édifiante. Malheureusement le temps n’est pas beau et la procession n’a pas lieu. L’après midi est réservée à Moiry où l’on couronne non pas une rosière mais la mère de dix sept enfants, la femme Dupré. M. le Curé l’invite à déjeuner à l’hôtel Blasco avec une de ses filles et un de ses fils. Comme autres convives, Martinat adjoint, Roger de Bouillé syndic agricole et Roy mon métayer, conseiller municipal. A trois heures et demie, réunion dans la salle de l’école. Le maire et sa femme sont présents, on donne une récompense à la mère Dupré et une autre à la femme Chenut qui a trois fils prisonniers. A cinq heures, on se rend en procession à la chapelle de secours dont Marcelle est le chapelain, et une fervente prière est récitée par la nombreuse assistance, nombreuses parce que tout le monde était debout.
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1 commentaire:
j'imagine la scène à la gare ...Tante Tetelle ds un train qui voit Tante Yvonne dans l'autre !
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