10.3.10

JUILLET 1941

1er J’ai la visite Monsieur Godemel qui est en séjour chez les Thonnier à St Léger, et Marcelle, celle de Suzanne le Sueur. Gabrielle de Rouville téléphone qu’elle n’est pas allée voir Bernard en Berry parce qu’il lui a fait dire qu’il partait pour Mont de Marsan voir ses chevaux de course qui y sont à l’entraînement.

2 . J’écris à l’ingénieur du génie rural pour les Petites Granges et l’électricité au Lieu Maslin, sans beaucoup d’espoir. Lettre d’Augustin qui a enfin reçu le versement de Leclercq pour les bois de St Ouen.

3 . Mon Rosaire. Beau temps pour faire les foins.

4 . Premier Vendredi du mois. Je m’approche de la Ste Table. J’avais écrit à Berçot à Moulins, mon chemisier habituel de m’envoyer des chemises, il me répond que premièrement il n’en a plus, et que sans tickets, il ne peut en vendre. Je croyais qu’il ne fallait de ceux-ci que pour acheter des vêtements ou des souliers, mais il en faudra même pour se procurer un mouchoir. Marcelle dîne à Planchevienne avec les Pierre et Jacques revenu de Paris.

5 . Je reçois une lettre de l’ingénieur du génie rural me disant que je ne peux rien toucher pour l’électricité mise au Lieu Maslin parce que la dépense totale n’atteint pas 4ooo frs. Il examinera la question des Petites Granges. Je rentre le foin du pré de la Joie dans de bonnes conditions.

6 . Dimanche Favier m’envoie les 12oo frs qu’il redevait aux Riberolles. Je fais une tournée dans la Roche et les Brûlées et constate que les clôtures sont fort mal tenues. J’ai pourtant donné à mon métayer des bobines de fil de fer ronce pour une grosse somme.

7 . Pierre de Rouville et Jacques viennent dîner avec nous, Suzanne ne les accompagne pas parce qu’elle a une fluxion. Cheveux. Visite des Guillaume du Verne qui partent demain pour Paris où ils doivent passer 3 semaines, loin de la Mairie de St Eloi qui est une vraie fatigue pour Guillaume.

8 . Je conduis Joachim à la Mairie où le Percepteur lui paye son premier trimestre de la retraite aux vieux ouvriers agricoles, soit 9oo frs. Édith.

9 . 28° Marcelle déjeune à Buy où elle entend les doléances de sa tante sur son fils. Elle a vendu son âne qui ne pouvait plus se traîner pour 45oo frs et en a acheté un autre un peu plus jeune pour 8ooo frs, mais il a une fourmilière dans un pied. On lui a passé aussi une Normande pour 8ooo frs, elle a du lait mais elle est complètement aveugle. J’ai la visite de Jacques, venu se baigner dans l’étang américain où il trouve l’eau agréable et chaude, ça ne m’étonne pas, le thermomètre marque 28°. Carte postale d’Augustin du 4, ils vont bien.

10 . Carte d’Hervé qui a chaud. Messe anniversaire pour Bob Le Sueur, avant l’Évangile, Mr le Curé prononce son oraison funèbre en qq mots bien sentis. Beaucoup des châtelains des environs venus par tous les moyens. Au retour, je croise Madame de Rolland qui s’appuie 5o Km à bicyclette pour venir voir sa sœur, elle a plus de sang que celle-ci et meilleure mine. Je fais à la mairie ma demande de charbon pour les battages, peut-être inutilement. Lettre de Marie-L. du Part, écrite de la main gauche, car en tombant dans son salon, elle s’est fracturée le bras droit en trois endroits. Bernard et Claude, de passage à Planchevienne nous font une visite, ils sont très gentils tous les deux. Bernard avait fait une demande pour aller se battre en Syrie, heureusement, elle ne lui a pas été accordée car ce matin, les journaux nous ont appris que l’ordre avait été donné de suspendre les armes, nous étions trop peu nombreux pour nous défendre. Il va maintenant chercher une propriété pour faire de l’agriculture et élever des chevaux de course

11 . pluie Vu les exigences des Anglais en Syrie, nous continuons la résistance, Jean de Sansal a fait une demande pour y aller. Lettre d’Édith, son mari se plaint de ne plus avoir de tabac. Carte d’Hervé qui a reçu mon argent. Je signe un acte par lequel je renonce à l’usufruit que mes filles m’avaient consenti en 1924 lorsque je leur avais fait le partage de ma fortune, afin qu’après moi, l’enregistrement ne puisse pas les rechercher pour l’augmentation des cheptels et autres. Bonne pluie attendue depuis longtemps et qui va mettre un peu de beaume dans le cœur de nos paysans qui disaient que tout était perdu dans leurs jardins. Il n’avait pas plu depuis un mois.

12 . Grosse réquisition hier à St Pierre, les jeunes bœufs de la Seigneurie sont payés 11,4o frs le kilo, la vieille vache descend à 8,5o ; on prétend que tous ces animaux partent pour Cambrai où ils vont ravitailler l’armée allemande. Marcelle va à Nevers de bonne heure en bécane pour y rencontrer les Villeneuve qui vont à Villette en vue d’une location. Guiguite a très mauvaise mine. Marcelle donne des œufs et des fromages à notre voisine Madame Le Droumaguet qui est très aimable pour nous. Au cours de l’orage d’hier, j’ai eu une génisse de 18 mois tuée par la foudre. Comme notre téléphone ne marche plus j’envoie Roy faire la déclaration à l’assurance. Il m’envoie le vétérinaire pour faire la constatation ; je ne suis pas suffisamment assuré pour la valeur actuelle des cheptels, je vais l’augmenter et porter celui de Callot à 4oo ooo frs. Comme un embêtement n’arrive jamais seul, un renard tue en plein jour dans le même domaine 25 dindons et des poulets dans le champ Carreau, ensemencé en blé.

13 . Dimanche, pluie À peu près personne à la messe. Moreau me dit que son beau-frère Chassagnon est chargé de vendre la propriété de la Beaume, près du pont du Veurdre, joli château, vue agréable sur la rivière d’Allier et 1o3 hectares. Je l’indique à Bernard de La Brosse. J’écris à Marion pour lui dire de me faire des avenants pour augmenter la valeur de mes cheptels, porter ceux de Tâches et de Callot à 3oo ooo et celui des Petites Granges à 25o ooo frs. Je passerai plus tard à ses bureaux pour les bâtiments.

14 . pluie Pas de fête. Marcelle va dîner à Chevenon, elle trouve M.L. avec bien mauvaise mine. Je finis de tailler les haies vives autour de la maison.

15 . Kermesse Carte postale d’Augustin qui a reçu mes chèques postaux Carte d’Yvonne qui se dispose à aller passer 15 jours chez les Jourdier. Jean prépare un cheval pour le concours hippique. Bon temps pour faire pousser de l’herbe, mais mauvais pour rentrer du foin.

16. Temps sensiblement le même. Lettre de Cécile datée de la Riviera où elle a passé 3 jours dans ce séjour enchanteur chez Nénette Feuchère. Je finis de tailler les haies vives, pourrai-je le faire une autre année ?

17 . Un jeune de Damas d’Aubray âgé de 17 ans se noie dans la Loire en face de Brain en prenant un bain avec des camarades au nombre de 22, que Boigne avait invités pour se baigner et goûter. Le corps n’a été retrouvé que 48 H après.

18 . Longue lettre d’Edmond qui m’apprend la mort de la femme de leur vieux garde Marion. Sa fille Jeanne qui était l’infirmière de ma belle sœur va être obligée de la quitter pour aller habiter avec son père. C’est un gros ennui, car elle n’est pas facile à remplacer. Marcelle goûte au Manoir de Villars avec les Mathieu venus avec leur gazogène qu’ils étrennent.

19 . Marcelle a la visite de Madame Basquin, cette dame qui est la sœur de l’ancienne propriétaire de Planchevienne, Verdier, doit être dans une purée noire, car bien que très élégante, elle est devenue la cuisinière de mon ami, il est vrai qu’ils mangent à la même table, et que la femme Baste vient laver la vaisselle.

2o . Dimanche, pluie En me levant, j’ai la tête lourde et mes jambes manquent d’aplomb, cela ne m’empêche pas d’aller à la messe et de manger du salé aux choux à déjeuner. Taillandier est allé au Lieu Normand, voir le plancher de la Maison qui est en fort mauvais état, il y a 75 m2 à refaire qui coûteraient 1oo frs par m2, et encore faudrait-il trouver des planches, ce qui n’est pas probable. Je porte à la Baste une poche de charbon de bois que Magdinier a bien voulu me céder à 8 frs le Kilo, soit 26 Kg, je lui en fais cadeau. Les Pierre de Rouville et Antoine du Part viennent faire un bridge de 6 à 8 et dînent ensuite avec nous.

21 . Je déclare à la Mairie que je désire mes avoines à la coopérative de la rue Claude Tellier. On n’en finit pas avec les déclarations de toutes sortes, y compris celles pour le vin et le tabac. Avant-hier, il y avait 28°, aujourd’hui 14°. Je fais mettre un cruchon dans mon lit.
Je finis de tailler les haies vives. Comme j’ai encore des étourdissements et la tête lourde en me levant, je le téléphone à Robet qui me dit de me purger.

22 . C’est ce que je fais ce matin en prenant à 8 h du matin du sulfate de soude, médiocre résultat à 7 h du soir. Marcelle va à Chamon pour assister à une vente aux enchères du mobilier revenant à Antoine de Savigny, meubles anciens et modernes se vendent très chers, aussi elle n’achète rien. Longue lettre de Roger de La Brosse, son petit fils est un AS qui a eu un prix d’honneur et 7 nominations . On lui demande de réorganiser la chasse en Morvan où sangliers et renards font des dégâts considérables. Pour accepter cette charge, il pose des conditions si sévères aux Allemands qu’il espère bien qu’ils n’accepteront pas, car il se sent vieillir et qu’il est à bout de forces.

23 . Temps agréable. Carte d’Hervé qui visite l’Algérie. Après son cours à Douera, je lui réponds à Tlemcen où il doit être rentré.

24 . En me levant et en mettant le nez dans ma cuvette, j’ai un étourdissement d’une seconde, c’est un avertissement. J’envoie chercher Robet qui trouve ma tension bonne et le cœur battant bien, il me recommande de faire 6 piqures de d’acécoline. Nous avons Antoine de Sansal à déjeûner, il nous dit que sa grand’mère de Ss sortira ce soir de la clinique Dunecombe où elle a subi une opération à un doigt de pied, il lui apporte un poulet.

25 . 28°, orage. À 6 h¼ du matin, Marcelle me fait une piqure d’acécoline et part pour Mars prendre le train pour Moulins d’où elle doit gagner les Gouttes à bicyclette. Visite de Godemel, l’oncle de mon locataire venu pour chercher les affaires de son neveu.

26 . pluie Reçu lettre d’Édith du 16 venue par Corbigny, d’Yvonne avec photos de ses filles. Carte d’Hervé du 13, elle est datée de Constantine où ils sont allés voir Louis de Champeaux qui y tient garnison. Celui-ci leur dit qu’on raconte que Paul Jourdier aurait été tué ! Heureusement, la nouvelle est fausse, il a été blessé en Éthiopie et il est hospitalisé au Caire. À 7 h½ du soir, j’ai la grande joie de voir revenir Marcelle accompagnée de Dédette qu’elle a trouvée en gare de Varennes ; d’avance, elle lui a fait faire une carte d’identité à St Parize, et par l’intermédiaire de notre locataire Gonin, elle avait eu un laissez-passer. Je la trouve en fort bon état, jusqu’à 11 h, nous avons bien bavardé, ayant bien des choses à nous raconter après une si longue absence. Des Gouttes, Marcelle me dit que sa tante ne va pas trop mal, mais ne voit presque plus clair et qu’elle ne peut s’occuper de rien étant donné que Marguerite a pris les rênes du gouvernement. Les Edmond font beaucoup d’aménagements intérieurs, changent les papiers, respectent les styles dans les chambres à donner. Dans le jardin, l’eau est mise sous pression etc …Aux Fougis, Geneviève aussi change le moteur de son puits et met l’eau dans le château et dans la maison de son garde.

27 . Dimanche Guite de Sansal déjeune avec nous et rapporte qq provisions. Marcelle et Dédette goûtent à Planchevienne avec le ménage Bernard de La Brosse
Tabac ……. pour en avoir, il faut être fumeur, avoir une carte et désigner le bureau où l’on se sert ; alors on a droit chaque semaine à un paquet de Tabac ou à deux paquets de cigarettes. Je me suis fait établir une carte, pour pouvoir faire une politesse à un fumeur. J’ai la visite d’Alain de Villenaut venu ma demander des renseignements sur mon curé comme éducateur, car il aurait envie de mettre son fils en pension chez lui, le petit a 15 ans½ et est assez délicat. Après la pluie, les escargots se promènent partout, aussi mon jardinier en a ramassé 25o, à 2o frs le cent, il a fait une bonne matinée.

28 . Avec Dédette, nous relisons mon journal écrit depuis Mai 194o, de façon à la mettre au courant de tous nos faits et gestes.

29 . pluie Carte d’Hervé de Phillippeville, ils sont contents de leur voyage. Marcelle et Dédette partent pour Nevers en bécane à 1o h½ et à Midi ½ vont à la gare pour attendre Cécile qui nous arrive de Rennes en passant par Tours où elle a couché chez Guite de Villeneuve. À 6h5o, je vais l’attendre à Mars avec mon âne. Elle est en bonne forme, bien que n’ayant pas engraissé. Les trèziaux de blé et d’avoine germent dans les champs.

3o . pluie Duceau passant ici, je lui donne une lettre pour Édith. Dédette me dit que le médecin de sa sœur la trouvant complètement rétablie, supprime tout régime, je m’en réjouis. Le gouvernement a fixé le prix du blé à 29o frs, l’avoine à 215, l’orge à 23o, seigle à 245, et pour le blé il y aura une prime pour ceux qui le livreront les premiers jusqu’à une date déterminée par le ministre de l’agriculture. Guite de Villeneuve se rendant de Tours aux Fougis avec sa fille marque un temps d’arrêt chez nous, elles prennent le train à Mars à 6h5o du soir. Gine a l’air d’une grande jeune fille, elle est jolie personne.

31 . Après avoir bien dormi, je me réveille avec mal à la tête, aussi à déjeuner, au lieu de prendre de la digitaline, j’absorbe un cachet d’aspirine. Après, cela va mieux. Appelé par Marcelle, Mangeon amène de Nevers deux ouvriers pour installer une salle de bains au dessus de la cuisine, quand cela pourra-t-il fonctionner ?Dédette va déjeuner chez les Sansal et dîner et coucher à la Belouze. Anne de Rouville, accompagnée de Jacques vient voir Gine. Marcelle fait venir de Nevers Mangeon avec deux ouvriers plombiers pour installer une baignoire dans le cabinet de toilette de la chambre qui est au-dessus de la cuisine. Mais comment l’eau viendra-t-elle la remplir ? J’espère qu’un jour ma fille aura la fée électrique pour faire marcher tout cela, mais pour le moment, je suis bien sceptique.

1 commentaire:

Geoffroy a dit…

J'aime beucoup l'expression "rétif comme la convention"...