22.3.10

DÉCEMBRE 1941

1er. Nuit bonne, journée aussi. Lettre d’Hervé. Jacquelin envoie 3 hommes d’Azy abattre les 8 ormes que je lui ai vendus, les 3 qui sont au fond du pré Monpilet mesurent 15 m de long et 2m6o de circonférence au milieu, mais ils étaient mûrs.

2 . Marcelle déjeune à Chevenon et le Maréchal Pétain avec le Maréchal Goering à St Florentin, Yonne. Est-ce bon, est-ce mauvais ? Kilosa ?

3 . Mon rosaire. Marcelle va au Veurdre d’où elle téléphone à Édith qui va bien, mais qui ne peut pas obtenir de laissez-passer pour venir nous voir. Visite de Jacques de La Brosse.

4 . Vingt minutes après être sorti de table hier soir, Marcelle et moi nous sommes pris d’un malaise qui dégénère en vomissements, en même temps, notre cuisinière mettait le cœur sur le carreau. Elle n’avait mangé pour son dîner qu’une excellente soupe à la citrouille, c’est donc celle-ci qui a été la cause de cet empoisonnement, d’autant plus étonnant que deux jours avant, nous avions mangé de la même citrouille qui avait fort bien passé.

5 . Jacques vient déjeuner et après midi, il part avec Marcelle et son fox pour chasser le lapin, accompagné du jardinier portant le furet. Je ne suis pas étonné de les voir revenir bredouilles. À ma grande joie, Blois répare ma pompe. À Thionne, la municipalité communiste est dissoute et Antoine Clayeux est nommé administrateur de la zone ……. par le gouvernement de Pétain.

6 . Madame de Lépinière, Guillermain, Simone d’Assigny et les G. du Verne viennent manger une dinde rôtie. M-Th Guillermain pas bien.

7 . Dimanche, tempête, pluie Les Montrichard sont appelés à Vichy près d’Armand très malade.

8 . Je vais à la messe de la Sainte Vierge, où je communie. Neige au retour. Mes métayers rentrent leurs bêtes. Je ne les avais jamais vus rentrer aussi tard, cela a épargné le fourrage assez rare. Bringault vient me payer son année, je ne lui demande que onze mille francs au lieu de seize mille qu’il devrait me donner, mais je tiens compte de la grosse perte qu’il a faite en perdant 3 juments d’une valeur de cent mille francs. Je paye pour le domaine 727o frs de réparations.

9 . Longue lettre de Cécile qui accepte les propositions des Château pour la pose de l’électricité à la Seigneurie. Sa maison, à Rennes, est toujours pleine d’amis de passage. La semaine dernière, Madame Douce Le Gonidec mariant son neveu le Comte de Roscoat avec Mlle Loménie de Brienne lui avait écrit en la priant de chercher dans un hôtel de Rennes une chambre pour que le jeune ménage puisse y passer sa nuit de noces. N’en n’ayant pas trouvé, elle en offre une chez elle, ce qui fut accepté. Les du Part déjeunent avec nous. Ils font notre étonnement avec la façon dont ils mettent la bride sur le cou de leur fille, qui est externe au Lycée de Nevers et pensionnaire chez une ancienne femme de chambre, et qui reçoit à Chevenon les enfants de Bardin, l’ancien ennemi d’Antoine et auquel il avait dit lorsqu’il lui avait enlevé la Mairie, vous avez ramassé votre écharpe dans la boue, ceci devant 15o électeurs.

1o . Avec Marcelle, nous allons en voiture à âne au bois des Antes où l’on cuit le charbon. Il y a encore 69 têtards à écorner. Tous ceux qui sont le long de la rue l’ont été l’année dernière sans me prévenir. Au retour, nous trouvons Jacques de La Brosse nous attendant.

11 . Je fais râper la boue des chemins par le père Michel et il aide mon jardinier à fendre du bois, mon fourneau de cuisine est un gouffre.

12 . Temps très doux pour la saison.

13 . Marcelle déjeune à Planchevienne et goûte chez les Mollins avec Mesdames de Savigny, Massias et les du Part. Pendant ce temps, je ramone mes cheminées avec un bambou long de cinq mètres, et je ratisse les allées. Guite de Villeneuve m’envoie de Tours une chemise de jour à col rabattu, boutonnant du haut en bas et aussi courte qu’un veston, prix 125 frs. À Nevers, on n’en trouve ni de longues, ni de courtes.

14 . Dimanche Le Maréchal ayant prescrit de faire des arbres de Noël pour tous les enfants de France, avant la messe, Maire, Curé, notables, maîtres d’école laïque et libre, se réunissent pour organiser cette fête dans le plus grand accord. Les Pierre de Rouville viennent manger une Lyzen-tarte et faire un bridge, par temps doux, ensoleillé.

15 . J’achète une paire de sabots de bois lourds et laids chez Madame Moine, ce sont les derniers de sa boutique. Il y a une soixantaine d’années, les justices de paix étaient tenues dans les cantons par une notabilité du pays, un châtelain généralement. Tout se retrouve, Roger de Toytot gendre Soultrait, vient d’être nommé à celle de Dornes, son oncle Edwin de Marne l’avait occupée pendant de longues années. À St Pierre, j’ai connu Monsieur Massias, d’Azy remplissant cette fonction, à Pougues, Monsieur Moret. Marcelle va goûter chez Suzanne Le Sueur où elle retrouve Mesdames Matthieu, Thonnier et de Lavessière et où elle mange une excellent galette à la grignaude, ce qui prouve qu’ils ont tué un cochon. Je fais tomber des arbres morts dans le parc.

16 . Lettre d’Édith et d’Hervé qui n’a pas chaud à Tlemcen, pendant qu’ici, nous avons + 12° au Nord. Je reloue la maison de Nevers à Gonin pour un an. La nuit dernière, il y a eu près d’ici des tirs de mitrailleuses avec fusées éclairantes ; de leur lit, les gens en voyaient les reflets.

17 . Lettre de Cécile et de Roger qui me dit que Magdeleine, sa sœur a maigri de 18 kg, ce qui lui va très bien, et que Reine est devenus secrétaire de Mlle de Verclos qui a le fluide et découvre des maladies extraordinaires, et avec cela gagne des mille et des cent. À Callot, Elisa vend ses oies 35o frs la paire, c’est beaucoup trop cher à mon goût, bien que j’en profite, et ses fromages de chèvre 4 frs à moi-même. À la veillée, je casse des noix avec Marcelle, mais nous aurons peu d’huile, nos noyers sont trop vieux.

18 . Guite de Sansal vient déjeuner par l’autobus. Les trains réguliers à Mars ne passeront plus que le Mercredi et le Vendredi.

Notre rosaire sera maintenant le 16.

19 . Jean le Sueur emmène Marcelle au Veurdre avec son gazogène à la première heure, elle y trouve deux longues lettres d’Édith qui raconte que ses filles vont suivre à Clermont des cours de littérature et d’histoire à la faculté. Madame Faure leur donne l’hospitalité lorsqu’elles y couchent. Un directeur d’usine a acheté la maison Allary à Bulhon et procure à mes enfants des objets difficiles à trouver dans le commerce, tels que pneus de bicyclette, des piles, etc .. Annely Chalus est morte à 91 ans. Je suis effrayé en voyant 16 voitures à chevaux s’engager dans le chemin du domaine, information prise, elles vont chercher du frs et le stère de bois de chauffage 16o, pris en forêt.

2o . J’envoie chercher du fumier à la Seigneurie pour mon jardin.

21 . Réunion des notables pour organiser les quêtes pour le Noël des enfants et l’envoi d’étrennes aux prisonniers. Maire et Curé ne sont pas toujours d’accord, ce dernier est très autoritaire et voudrait que ses idées soient les seules bonnes, surtout en matière financière pour lesquelles le Maire est assez serré, que ce soit pour les siennes ou celles de la commune. Chantal du Part vient à bicyclette avec l’amie qui est pensionnaire avec elle à Nevers, chercher une paire de dindes. Le coq pèse 16 livres, la poule 1o, vendus au prix de la taxe. Hier, à la nuit tombante, les gendarmes sont venus faire une enquête près de ma métayère de Tâches qui a été dénoncée pour avoir vendu ses oies au-dessus de la taxe, 16 frs la livre au lieu de la livre à 11 frs, prix fixé par la préfecture. Elle a très peur d’un procès, bien que les gendarmes lui aient dit que d’autres ménagères les ont vendus beaucoup plus cher qu’elle à St Pierre 18 frs.

22 . Roy de Callot ramène de la Seigneurie 9 bêtes qu’il y avait en pension gratuite depuis 2 grands mois, cela a économisé un peu de fourrage. Marcelle goûte au Crot noir avec Mesdames Caillès, Thonnier, Le Sueur et Mlle Vallois qui a encore un Boche chez elle.

23 . Je reçois une lettre attendrissante de la Mise dePracomtal qui me fait part des fiançailles de sa petite-fille de Castellane avec le Comte Guy d’Andigné, brillant officier de Chasseur alpins pendant la guerre. Je plante un pommier aux Petites Granges et Marcelle de la vigne, des pêchers et des arbustes dans le jardin.

24 . J’ai encore un tournement de tête en me levant et mes jambes sont molles; cela passe après le déjeuner où l’appétit est bon. J’écris à Édith, à Yvonne et à Hervé. J’achète pour Callot une vache croisée Normande qui a un jeune veau pour avoir du lait, celui-ci étant toujours rare à cette époque de l’année
Noël. Marcelle va à la messe de Minuit où il y a beaucoup de monde, je vais à celle de 9 h où je m’approche de la Sainte Table en compagnie de jeunes enfants, trop jeunes à mon sens, qui font leur première communion privée. Les Pierre de Rouville viennent goûter et font grand honneur à une tarte aux pommes préparée à leur intention. Antoinette Jourdier est très préoccupée de la saisie de biens de Paul dont on la menace. À dix heures du soir, Cécile nous téléphone de Vitré de chez son amie d’Héliand, elle va bien.

26 . Un métayer des Montrichard tue un mouton qu’il partage avec eux, et en grande crainte, ils partagent cette moitié avec nous, car le Maire est très timoré. Marcelle envoie le gigot à Monnier (à Paris), qui sera bien aise de ce ravitaillement avec sa nombreuse famille. Je donne un dindon au Curé de la Cathédrale pour ses étrennes.

27 . Antoine de Sansal vient déjeuner et nous aider à confectionner les sacs et jouets qui seront distribués demain aux enfants de la Commune. Nous lui faisons emporter une dinde pour Monsieur l’Archiprêtre de la cathédrale. Mon métayer Michel n’a encore une fois plus de domestiques, il est brutal avec eux, et ne peut en garder. Ce domaine des Petites Granges me donne bien des soucis.
J’écris des lettres de bonne année à Mesdames de Chargères, et de Marcy, en leur envoyant ma photo, faite par Antoine de Sansal. Je réponds aux souhaits d’André. Ma belle-sœur m’envoie deux belles chemises que son mari n’avait pas eu le temps d’étrenner.

28 . Dimanche,-5° Après une bonne nuit, je me lève tout lourd, aussi je reste lire ma messe au coin du feu. St Parize a joyeusement fêté l’arbre de Noël du Maréchal dans la salle de l’école libre, autour d’un sapin tout enguirlandé et couvert de jouets ; étaient groupés les 152 enfants fréquentant les 4 écoles de St Parize. Après que chacune d’elle ait donné son numéro sur le théâtre, un violon lui donnait la réplique. Tous les enfants furent gâtés par la distribution de jouets et de petits sacs contenant des tablettes de chocolat envoyées par le secours national, un gâteau et un petit pain fabriqués par des dames du pays. Un magnifique portrait du Maréchal Pétain a été tiré en loterie (C’est Marcelle qui l’avait donné). Une retentissante Marseillaise chantée sous les yeux de Mlle Berger, tout de blanc habillée et ceinte d’une écharpe tricolore a terminé cette fête pour laquelle tout le monde a marché avec un accord parfait.
Madame de Montrichard exige que ses domestiques aillent à la messe, aussi pendant celle de minuit, sa femme de chambre est restée tout le temps assise, même pendant l’élévation.

29 . -1o° Marcelle va au Veurdre d’où elle rapporte deux lettres d’Édith qui va bien mais qui ne trouve toujours pas de cuisinière. Elle a Jean de Sansal pendant 3 jours de permission. Au retour, elle goûte à Fontallier où Marie empêche sa mère de manger du pâté pour le laisser à Solmon. Visite aux vieux Voisin pour leur porter leurs étrennes.

3o . J’entre à 1o heures du soir dans ma 87ème année : je suis né le 3o Décembre 1854, le 31 était un dimanche. Les bureaux de l’état civil étant fermés, je n’ai été déclaré que le premier Janvier 1855, ce qui eut pu me servir pour me présenter à une grande école, mais j’ai été trop mauvais élève pour cela. Je fais jeter par terre un sapin épicéa planté par mon père il y a 72 ans dans l’avenue menant à Callot, bâti à cette époque, pour faire une réserve de planches. Cécile nous souhaite la bonne année par téléphone.

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