9.3.10

JUIN 1941

1er . Pentecôte Première communion à St Parize, beaucoup de monde à la première messe, beaucoup moins à la seconde à laquelle j’assiste. Temps radieux, on voit pousser l’herbe; mon Père disait que c’était le mois de juin qui en mettait dans les prés. Lettre d’Édith du 25 mai, et à Cécile. Nous avons la visite d’Henri de Rouville qui a 3 jours de vacances. En voilà un qui contrairement à beaucoup d’autres n’est pas pour les Anglais, qui viennent de nous bombarder le port de Sfax.

2 . pluie Je loue la garderie aux époux Michel pour le prix annuel de 4oo frs. Ils devront en plus me tailler la haie vive qui va de la maison au manège. Entrée le 11 Septembre 41. Michel a 77 ans

3 . Histoire macabre : Henri de Rouville m’appelle au téléphone, le 1o à St Parize, on lui donne le 6, le n° de Madame Robert le Sueur, qui est au bout du fil : Puis-je parler à Monsieur Robert – Vous ne savez donc pas qu’il est mort. _-_-_- ; j’ai appris cela seulement hier, on avait peur de m’effrayer en me racontant cette charmante aventure qui m’a bien fait rire, plus que ma voisine, probablement
Mon rosaire. J’envoie chercher du sable à la rivière, le tombereau revient vide, il y a de la crue. Henri de Villaines nous arrive par Mars pour dîner et jusqu’à minuit, il nous raconte pendant 5 h d’horloge ce qu’il a fait pendant la guerre. Il est très intéressant. Sa belle-mère n’a pas encore compris l’heure Allemande.

4 .orage, pluie, grêle Villaines parti de bonne heure pour Buy en qualité d’expert agricole, il va faire un constat qui servira à juger le désaccord qui existe entre Marie-Thérèse et Georges. C’est triste de voir ce qui se passe dans la maison où deux camps se sont formés, M.Th. et Antoine, d’un coté et ses deux frères de l’autre. J’envoie chercher de la terre glaise pour boucher un renard qui s’est fait dans la chaussée de l’étang du jardin. Je ne sais pas si j’y arriverai, car c’es un travail difficile. Villaines nous revient dans la soirée et repart tout de suite pour Nevers pour voir l’avoué Dubost, car il ne veut s’occuper de l’affaire de Buy que s’il en est chargé par le tribunal. Il nous raconte que Louis de Savigny a vendu à Fertot la coupe de 58 hectares de bois pour 75o ooo , ce qui fait presque 13ooo frs par hectare. C’est Villenaut le forestier qui a fait la marque, et l’adjudication par soumission cachetée. Je ne croyais pas que dans notre pays on puisse atteindre pareil chiffre.

5 . pluie Nous avons à déjeuner Beloute, Jacques et Janot Chavane, ce dernier nous dit que dans l’est, ils arrivent à vendre des bois de sapins jusqu’à 4o ooo frs l’hectare. Il est vrai qu’ils ont parfois 8o ans. Ce n’est donc pas celui qui les a plantés qui les coupe.

6 . Premier Vendredi du mois, je communie. Recevons lettre d’Édith par Corbigny. C’est par Nadaillac que ça nous arrive. La pauvre Perrette a recouvré ses idées, mais pas ses jambes, la venue de son mari qui est attendu va être pénible. Antonin Moreau, en sciant du bois électriquement, a fait un faux mouvement, et la scie lui est entrée dans le mollet jusqu’à l’os. Bernadette, la plus jeune des filles de la Polonaise du Pied Prot a une bronchopneumonie, ce qui a nécessité son transport à l’hôpital. Richard, le roulier, sort pour Magdinier des bourrées des Champs Blonds et prend 35 frs pour en amener 1oo sur la chaussée de Tâches où Compain vient les chercher pour les vendre à Nevers, mais à quel prix !

7 . pluie Ce matin, avant de me lever, j’ai eu pendant ¼ d’heure un vertige avec la langue embarrassée, comme cela m’est déjà arrivé plusieurs fois. Je vais reprendre de l’iodalose et de la digitaline. Antoine de Sansal vient aux provisions et rapporte lait œufs et fromage. Mesdames Jacquemard et du Passage écrivent à Marcelle pour lui demander des vivres, on ne trouve rien à leur envoyer.

8 . Dimanche,pluie,St Médard J’assure 1o ha de blé, 1o ha d’avoine à la Rurale pour 1534 frs, un an seulement, agent Pierre de Barreau. La Trinité apporte à St Parize, sans bazar ni chevaux de bois qq maîtres et valets. On me dit qu’un fort charretier a été loué pour 9ooo. Fassier, de Bonay en a retenu un plus jeune pour 75oo. Occasion pour le Veurdre, j’écris à Édith. Visite de Suzanne Le Sueur et de Duceau.

9 .pluie Jacques de La Brosse vient nous voir, son mariage est retardé, ça m’a l’air de branler dans le manche. Richard, vétérinaire m’apporte des globules pour traiter deux génisses qui ont de la douve. Bigeon père & fils, marchands de cochons à St Pierre, jouissant de toute la considération du pays, ont été appréhendés hier soir et emmenés en prison à Nevers par la Gestapo, pour avoir fait passer des lettres en zone libre. Et dans une lettre à lui adressée, les Boches avaient lu des remerciements d’une dame dont il avait aidé le mari à franchir la démarcation de la ligne lorsqu’il était prisonnier. À 1o h du soir, Madame de Rouville téléphone à Marcelle qu’elle est allée voir Madame Talabot pour lui dire qu’il n’y a rien de fait, que Jacques, n’ayant pas de situation, hésite à se mettre en ménage ; on verra plus tard. Il aurait pu penser à cela avant de faire publier les bans.

1o .pluie Je paye à Godard 18o frs pour avoir pris les taupes dans les prés de la Maison, le jardin et le grand pré des Petites Granges. Chiron lui a donné pour lui seul 24o frs. Marcelle réunit à 3 h à St Pierre les Présidentes de la Ligue de chaque commune du canton, elles offrent à Madame Bonnichon, une médaille pour son dernier né, pour la récompenser du zèle qu’elle déploie pour la Ligue. La St Médard n’est pas menteuse, mais bien ennuyeuse. Marcelle qui avait de la sympathie pour les Anglais trouve maintenant qu’ils abusent un peu en Syrie, où ils n’ont que nous à combattre.

11 . St Barnabé, pluie. Avec la pluie, on gèle, j’allume du feu, ma contemporaine Madame Le Sueur en avait hier. Depuis deux jours, nous ne mangeons pas de viande, nos bouchers n’ont rien à l’étal. Lettre à Cécile.

12 . pluie. Fête Dieu du jeudi qui n’est plus célébrée depuis plusieurs années, de vieux paysans disent que c’est de là que viennent toutes nos misères. Marcelle va à la Chasseigne, elle trouve la Comtesse en train de nettoyer son poulailler dont elle a seule la clef pour lever les œufs.

13 . Vendu deux noyers à Jacquelin pour 8oo frs, l’un sur la route de St Parize qui ne sera pas facile à abattre, car il est juste au-dessus des fils du téléphone, mais cela le regarde, l’autre dans le pré du Domaine, face à la maison. Je descends à la gare avec mon âne au train de 7 h1o du soir pour chercher Geneviève Clayeux, elle est accompagnée de Jeanne-M Clayeux qui va à Nevers soigner le Colonel d’Assigny qui souffre de la prostate, quels soins intimes peut-elle lui donner ! Avec Marcelle, je me traine jusqu’au bois des Antes qu’on exploite ; Magdinier m’avait dit qu’on ne pouvait pas trouver le nombre de baliveaux que je m’étais réservé, j’ai constaté en effet que dans ce taillis, il n’y avait que du charme. Le chêne va devenir une rareté.

14 . Geneviève et Marcelle vont à Nevers par le car, serrées comme dans une boîte de sardines. Geneviève a pu rencontrer Antoinette venue exprès pour la voir. À dîner chez les Charles, ils n’auront à manger que des cerises apportées de Sermoise par Janot. Marcelle a pu être reçue par son dentiste et passer à la Société Générale faire mettre son carnet à jour, exercice qui a le don de l’ennuyer. Il faudra bien pourtant qu’elle s’en occupe toute seule un jour, quand je ne serai plus là pour l’aider, son jardin l’intéresse davantage que la question financière.

15 . Fête Dieu Je rentre gelé de la grand’messe qui a été suivie d’une procession avec 4 reposoirs, l’un sur le champ de foire, un place de la poste, édifié par les Jocistes, tout en marguerites surmonté d’un bouquet tricolore, un à la croix en haut du bourg, route de Chevenon, le 4 ème dans la cour de l’école libre. Beaucoup de monde, dont une cinquantaine d’hommes, l’un d’eux portant le drapeau tricolore. Carte d’Hervé du 7, ils vont bien et se baignent, demain, je lui enverrai sa pension. Le jeune François Monnier m’écrit pour que je le demande comme ouvrier agricole pendant ses vacances. Ma jardinière se fait faire une coiffure indéfrisable qui lui coûte 45 frs, et ses robes sont beaucoup plus élégantes que celle de mes filles.

16 . J’envoie à Hervé 2ooo frs pour le premier semestre de 1941. Les charpentiers arrivent enfin pour couvrir ma grange.

17 . Taillandier me doit pour les arbres des Valencins 2915 frs. Marcelle va goûter à Planchevienne. Mon métayer de Tâches commence à faucher avec 3 semaines de retard sur certaines années. Tel de Cécile.

18 . Les Guillaume du Verne se rendant à Châteauroux déjeunent avec nous. À 3 h, Guite de Sansal vient au ravitaillement. Paulette Le Sueur (nous dit ) qu’il y a une lettre d’Édith au Veurdre, elle la lira le 2o et nous dira son contenu, car elle a peur de lui faire traverser le pont. À 7 h, je descends à Mars chercher Geneviève Clayeux retour de Tours d’où elle a téléphoné à Cécile qui va bien.

19 . Geneviève passe une mauvaise nuit avec un dérangement d’estomac pour avoir absorbé du bouillon de cheval chez sa fille. Elle reçoit la visite de son fermier du Chamont accompagné du Curé de Lanthenay qui a eu le matin à sa messe Madame de Fontenay, venue à bicyclette de Fleury où ils sont installés pour l’été.

2o . 28° Je me lève à 5h4o pour conduire Geneviève à la gare, le soleil se lève en même temps que moi, il est splendide et la campagne est ravissante, on devrait sortir plus tôt de son lit pour admirer la belle nature. Marie-Thérèse Guillemain toujours dans sa maison de santé, Jean quitte la sienne pour en prendre une plus petite rue de Rémigny. Vendredi, fête du Sacré Cœur, très peu de monde à la messe, me dit Marcelle. Anne de Rouville vient goûter avec une petite amie de son âge qui habite Magny.

21 . Marcelle part de bonne heure pour Nevers en bécane, elle revient à midi par le car à cause de la grande chaleur. J’ai la visite de Favier qui me règle son dernier terme du Mou. Je vais l’envoyer à Augustin.

22 . dimanche Marcelle s’aperçoit que la clé de son placard à provision ouvre aussi le passe-plat dont la clé a disparu depuis l’arrivée de notre cuisinière qui doit avoir cette clé à sa disposition et s’en sert pour boire vins et liqueurs. Malgré ses grandes qualités, elle a trop de défauts, aussi nous la renverrons dans 8 jours malgré ses belles protestations, car nous ne pouvons garder une femme qui est ivrogne, menteuse et voleuse. Longue lettre d’Edmond qui me dit que Beauchamp, au cours du dernier orage de grêle a pour 3oo ooo frs de dégâts, heureusement couverts en partie par une assurance. J’envoie à Augustin 5ooo frs du Mou par Mandat.

23 . Mes métayers fauchent les pelouses et le Pied Prot, il y a des graminées qui ont 1,m8o de hauteur. Paris-Centre annonce que l’Allemagne a déclaré la guerre à la Russie. En Syrie, les Anglais bombardent les Français. Tout le monde est en révolution.

24 . St Jean Priez pour nous qui en avons si besoin. Les Montrichard m’emmènent à Nevers, je passe dans les banques pour y faire renouveler les bons échus. Rencontré pas mal de gens de connaissance : Marguerite de Pazzis très maigrie et surtout très vieillie, Madame Dezautière douairière très changée, de même Madame du Passage. Visite à Madame de Sansal et à Marie-Antoinette du Verne qui souffre assez d’un lumbago, je trouve chez elle le ménage Henri de Martimprey qui sont pour les Anglais. Je rappelle à Henri qu’après l’embarquement à Dunkerque, il m’avait dit que s’il n’avait pas été armé de son revolver, il n’aurait pas pu monter sur le bâtiment qui lui était destiné et que les Anglais gardaient pour eux. Les anciens lecteurs de l’Action Française qui marchaient avec Maurras sont partagés en deux camps, les uns restent avec leur idole qui très raisonnablement soutient le Maréchal, les autres combattent cet illustre vieillard. Marcelle déjeune chez Madame Sanglé-Ferrier et revient par Limoux voir Madame Barrière toujours souffrante. Contrairement aux autres années, nos paysans travaillent le jour de la St Jean. Rencontré Janot Chavane qui est allé déjeuner à Buy où Marie-Thérèse lui a dit qu’à Nevers elle avait gagné son procès contre Georges, mais celui-ci en appelle à Bourges. N’ayant plus assez de pain pour nourrir Jenny, j’en fais cadeau aux Montrichard.

25 . Les Guillaume du V., retour de Châteauroux dinent avec nous avec des œufs sur le plat et 3 petits artichauts pour 4. Cécile.

26 .pluie Une carte que j’avais envoyée aux Riberolles le 22 ( me revient parce qu’il y a de l’écriture au Verso) me revient avec la mention inadmise, je me demande pourquoi. J’en ai une d’Hervé du 15 de Douera où il fait chaud, ils vont se baigner à Sidi Ferruch. Marcelle va à Nevers aller et retour en bicyclette. Pluie très bienfaisante sauf pour foins coupés.

27 . Il y a cinq couvreurs pour jeter les tuiles sur le toit des Petites Granges, mais ça n’avance pas tout de même. Anne de Rouville vient avec son amie, qui se baigne dans l’étang américain, côté Chaumes Vieilles.

28 . Marcelle va goûter à la Chasseigne, pendant qu’on rentre le foin de la pelouse. Deux fermes de la grange sont enfin couvertes et Michel peut y mettre son fourrage. En deux heures, je taille la haie vive de l’avenue, je n’en reviens pas moi-même, au prix du plâtrier, cela fait 23 frs de gagné.

29 . Dimanche Roulet, gendre Robert, revenu de captivité est à Paris où sa femme est allée le retrouver. Ce matin à la messe, j’ai trouvé notre curé terriblement maigri, il me dit ne pas dormir, mais mange assez. Guite Le Sueur, Anne de Rouville et son amie Françoise X viennent goûter au bord des étangs américains. Thérèse Michel fait sa provision de tilleul sous nos arbres qui sont très fleuris. Quant à moi, je ratisse les brins de foins laissés dans les allées, autrefois, une femme armée d’un râteau suivait toujours les voitures pendant qu’on les chargeait, et leur donnait un coup de peigne avant leur retour à la ferme. Lettres à Édith, Hervé, Geneviève.

30 . J’envoie au contrôleur de l’enregistrement ma déclaration pour la propriété bâtie en lui disant que je ne croyais pas avoir eu en 1939, un immeuble tombant sous le coup de la loi. Guite de Sansal vient aux provisions et pendant qu’elle ramasse fraises et cerises, je cueille des fleurs de tilleul pour sa mère et sa grand’mère Vuillemin. J’ai reçu mes bordereaux d’impôts, et chose incroyable à St Parize, je suis diminué de 5oo frs. En 1913, à St Parize, je payais 3900, en 1933 = 175oo, en 1941 = 19363. Au Lieu Normand, Commune d’Azy, en 1913 248, en 1933 = 1616, en 1941 = 2115. Chevenon, pour 5 hectares, 17, 14o, 222. Je fais arroser mes pommes de terre avec de l’arséniate.

2 commentaires:

ouioui a dit…

est ce que l'arseniate que l'on met sur les patates est à base d'arsenic?
je comprends la longévité du grand père!
bravo pour ce travail
lr

Hubert a dit…

D'après Yves de Valence, qui l'avait mis en note de fin de page, l'utilisation de ce produit est totalement interdit. Je m'en réjouis pour les abeilles qui sont déjà bien agressées par tant de produits phytosanitaires