1 Neige. Le père Michel meurt subitement chez son fils Pierre et on l’enterre à 3 heures à St Parize, 82 ans. Marcelle fait mettre un fil métallique du vestibule à sa chambre pour pouvoir y transporter le téléphone à volonté.
2 Marcelle emmène Geneviève à Nevers en auto pour assister à une vente de charité au Clos, qui a un plein succès, les plus petits gâteaux coûtent dix francs et les objets peints par Geneviève s’enlèvent. Au retour panne de l’auto. Dreure a vendu à Marcelle des accus qui sont à bout de souffle.
3 Neige. Dimanche. Notre curé selon sa fâcheuse habitude parle beaucoup trop longtemps, me dit-on dans une église glaciale. Cécile envoie 100 litres, bons essence. Dr Hubert.
4 -2°. Avec Geneviève qui a 71 ans, nous parlons avec plaisir de l’ancien temps.
5 -2°. Mercredi des cendres. Nous conduisons, Marcelle et moi, Geneviève à Villars d’où Madame Le Sueur la mène prendre le train à St Pierre. Au retour, je m’arrête aux Petites Granges où la septicémie règne sur les veaux à leur naissance. Roger de Bouillé en a perdu 9 la même semaine. Le seul remède connu pour arrêter cette maladie est de mettre les vaches au pré pour mettre bas, même en plein hiver. Mollins m’écrit qu’il n’y a pas grand-chose à faire pour empêcher M. Théroil de ne pas avoir la maison de Nevers, parce que sinistré. Je reviens à bout de force de ma promenade au Manoir et aux Petites Granges, ce qui prouve qu’il faut garder le coin du feu.
6 Pluie. Silky. Montrichard prend Marcelle et la mène à St Pierre à une réunion de la Croix Rouge. Au retour, il déjeune avec nous et la conduit ensuite à la Seigneurie, où elle commande à Gay une pompe et une barrière, ces deux objets étant hors de service.
8 Marcelle va à Nevers en auto avec ses deux bonnes. Elle passe chez Dubost pour lui parler de tous nos ennuis, pendant que Madeleine achète un tailleur à sa fille et qu’elle-même ne peut pas trouver une paire de souliers lui allant.
9 Samedi. Richard fait une piqûre à ma Normande pour éviter une mammite avant la mise bas.
10 Dimanche. La femme Duceau ayant perdu son frère, Marcelle la conduit à Marseille les Aubigny, elle en profite pour aller déjeuner à la Charnaye. J’écris à Cécile. Yvonne et ses filles s’installent à Versailles chez leur tante de Valence Daru.
11 Pluie. Elles ne peuvent pas partir à cause du froid et de la neige. Madame Hubert remercie des pintades comme si on lui avait donné des perles. Le fils de Charles de Fontenay est fiancé à une Montalivet d’Herry, Cher. Servois dit le Requin dans l’armée est aussi fiancé. Marie de Glatigny qui vit avec François comme chien et chat, l’a griffé dernièrement à la figure jusqu’au sang.
12 Je prends du lait au compte-goutte dans mes domaines, mes vaches sont taries temporairement et mes métayères n’aiment pas abandonner ce précieux liquide, que du reste je leur paye et avec lequel elles font du beurre qu’elles vendent 150 F la livre. L’avoine vaut 15 F le kilo à Bengy, Cher, et elle n’est pas bonne.
13 Pluie. Sur quatre mois, le garde chasse Duceau a pris 38 ….En 1840 la terre de Villars avait 14 domaines. Elle venait de Melle de Forestier, femme du vicomte Amour de Bouillé. Elle n’en a plus que 3 aujourd’hui, celui de Chevannes, de l’Egaré et du château. Le comte de Bouillé fait valoir ces deux derniers où il entretient une vacherie Charollaise des plus renommée. Il a hérité en tant qu’agriculteur de la science de son grand père Charles qui a été un des hommes les plus marquants de la Nièvre, député et sénateur. Il avait deux frères, le général Henri et Roger, 3 sœurs, la comtesse Zoé de Maumigny, la comtesse Charles de Marcy et la marquise d’Aux. Avant 1840, le vicomte Amour ayant voulu rendre la Camargue fertile s’y est à peu près ruiné. Son fils Charles grâce à sa science agricole, à son énergie et à ses trois chevaux de selle qui lui permettaient de se rendre journellement de l’un à l’autre de ses quatorze domaines, a pu rétablir la fortune compromise par son père, mais les 6 enfants ont ensuite vendu chacun leur part. Deux des domaines ont été achetés, le Lieu Normand par mon père, les Petites Granges par moi. J’ai eu aussi la chance d’agrandir la terre de Tâches en achetant le vieux château de ce nom des héritiers de ma cousine avec 32 ha et le bois des Antes. Une autre chance a été de me rendre acquéreur des 12 ha du bois des Queudres pour y tirer perdreaux et lapins et y faire de belles battues me permettant d’amuser mes nombreux amis et de leur rendre leurs politesses. J’en cite quelques uns par ordre de mérite : Gabriel Tiersonnier au Colombier, c’est lui qui a été mon professeur dans l’art de conduire une battue de perdreaux, André Grincour à Fontallier, Madame Maynier a Neuftable, Lafond au Nozet, La Roche à la Barre, Certaines à Lamenay, Robert à Buy, Marquis de Rasilly à Beaumont, de Bricourt à Montreuil, Clayeux aux Gouttes et aux Fougis, Charles de Charrette à Villeneuve, René de Chavagnac à Chazeuil, Tiersonnier à Mortin, du Part à Chevenon, Talabot à Chamont, de Soultrait à Dornes, de Marne à Chevannes, Rambourt Chateauvert, Antonin de Champs Chateauvert, Joseph Reigneaud Les Guérauds, J. du Verne Le Veuillin. Tous les ans, j’allais pour l’ouverture tant qu’il a vécu chez mon bon ami Dugas à Beauvais et j’y passais 3 jours. Le 14 juillet, j’allais tirer des halbrans sur les étangs des Maremberts à mon cousin de Balloy. Vers le 10 octobre à Loon où je restais aussi 2 ou 3 jours dans ce pays de Sologne chez mon bon contemporain Raoul d’Anchald. Le Marquis du Bourg n’a jamais donné une battue dans son beau parc de Prye sans m’inviter. Je n’oublie pas de citer les jolies chasses de Fleury, celles-ci au chien d’arrêt chez Edouard de Fontenay où on rencontrait tous ses camarades des environs. En se mettant à table on savait combien il y aurait de plats au déjeuner en comptant les assiettes qui étaient empilées les unes sur les autres, car comme il n’y avait pas de maître d’hôtel, quand la première était sale on la passait sous les autres. Je garde pour la bonne bouche, mon ami Walter Crawshay qui nous donnait dans son parc du Chasnay des battues de lapin où le plus beau tableau a été de quatre mille trente deux. Gaston de Magnitot en a tué 300 ce jour là et moi plus de cent. Chaque année je tirais environ 3 000 cartouches pour tuer mille pièces à peu près. Crawshay qui descendait le cours de la Loire de Decize à Nevers pendant les grandes gelées, a tué d’un coup de canardière 53 canards sauvages. Le Times a raconté le fait comme extraordinaire. Crawshay était aussi un marcheur infatigable et il allait à pied pêcher dans les étangs de Grossouvre à 4 lieues de chez lui. Il est mort en Angleterre assez jeune.
14 Pluie et pas la moindre lettre. Courcy creuse des trous à La Seigneurie pour y planter 40 peupliers venant remplacer les ormes qui crèvent partout.
15 A Calot on me donne deux doubles de pommes de terre qui sont aussi rares que le beurre qui vaut plus de 200 F la livre.
16 Vers 11 h du matin, je me trouve fatigué, mes mots ni ma mémoire ne viennent plus, il en est de même une partie de la journée. Bonnichon vient me voir, mon cœur est bon, ma tension 17, malgré cela il m’ordonne 25 remèdes et doit partager avec le pharmacien.
17 Dimanche. Je déjeune bien et je lis le journal Agricole et du Nivernais du 17 mars (Fermage et métayage). Le terme en nature payable au 11 mai sera diminué de 15% pour tout sauf pour le blé, l’avoine et l’orge. Pierre de Barrau me téléphone pour me demander si je ne pourrai pas lui vendre des légumes, il a 18 personnes à nourrir et rien à leur donner. Je regrette de ne pouvoir le satisfaire mais suis heureux d’entendre sa voix.
18 Je ne pense qu’à des choses tristes.
19 St Joseph. Je regrette vivement de ne pas m’approcher de la sainte table comme je le faisais quand j’étais plus vaillant. M. le curé m’envoie le budget de la fabrique pour que je le signe. Je vois qu’il a nommé Roger de Bouillé fabricien pour boucher une vacance. J’afferme à Sablé, entrepreneur à Nevers, la carrière de Moiry à raison de 8 francs le mètre 3 pour mettre de la pierre sur les routes et 12 francs le moellon, ceci à l’année et pouvant continuer par tacite reconduction. Il devra me donner un bon de 10 l d’essence chaque mois. Marcelle va à 4 h ½ à Mars chercher Augustin. Il est venu jusqu’à Moulins avec ses filles qui sont parties pour Paray où elles vont marier leur amie Eliane Villedey de Faule avec le Cdt aviateur Dufour de Lattre.
20 Laydet est mort et Odette sa femme est dans un magasin à Paris. Lettre de Cécile, Yvonne est à Versailles avec ses filles depuis le 18 chez sa tante de Valence Daru. Cécile par l’intermédiaire de son amie Le Gonidec a pu trouver une situation dans les eaux et forêts à Quimper pour Pierre de Valence 7 500 F. St Emilion aux Sandal a été dévalisé. Marcelle qui a toutes les prévenances pour sa jardinière, lui fait couvrir le palier de son escalier. Le garde Duceau achète une maison et un hectare de terre dans le haut de Moiry. Dufour envoie chercher un des gros ormes morts du pré de la Joie qui pèse 5 tonnes et a 13 m de long. Il faut 6 bœufs Auvergnats pour le traîner. S’il y a des arbres qui meurent, je plante 40 peupliers à la Seigneurie qui coûtent 40 F l’un et 1700 F de façon et qui reviennent à 83 F pièce. Marcelle va à st Augustin chercher de l’empoissonnement. Il n’y en a pas, ça n’a pas réussi. Par grâce, on lui donne cinq carpes dont deux dames et trois messieurs pour onze cent francs. Nous les mettons dans l’étang Américain des Chaumes Vieilles. Dans ce genre de bêtes, pour que la reproduction aboutisse, il faut que le sexe fort l’emporte. Arnaud de Roland qui était un espèce d’original, habitait St Augustin, fort belle propriété en partie boisée ce qui lui permettait d’avoir un équipage de chevreuil de très bonne tenue avec piqueux et valet de chiens, uniforme bleu de roc, parements velours blanc, galon de vènerie, il avait épousé une tsigane qui chantait dans un café concert de Nevers. Il a eu une première fille et ensuite deux jumelles. L’aînée a épousé Guy Olivier. Ils ont eu deux enfants et se sont séparés. Il a été remplacé par un M. Alanier qui s’occupe des forêts et des domaines. Quand Roland faisait son service militaire à la caserne Pitïé, tous les matins son cocher venait le chercher avec un phaéton attelé de deux chevaux et le plus souvent, il emmenait André Robert déjeuner avec lui. Au bout de quelque temps, le colonel a interdit ce luxe en voyant les officiers à pied et les simples soldats en voiture.
21 Augustin va à Nevers par le train de7 heures du matin et revient par celui de 7 heures du soir. Il manque la visite de Mme de Lépinière, de Suzanne, de Roger et de Guillaume. Ce dernier engraisse trop.
22 Lettre d’Yvonne de Versailles où elle est arrivée le 18 à bon port. Les petites sont enchantées. Henri de Faverges, sa femme, Guy et sa fille nous font une visite en allant chez Mme de Létang.
23 Samedi. J’envoie au contrôleur ma déclaration d’impôts sur le revenu et celle de Marcelle. Moreau conduit Augustin à Nevers. Il s’occupe avec Dubost de l’affaire Thiroille Duval et avec Savignat notaire de ma déclaration d’impôt de solidarité.
24 Dimanche. Pluie. J’écris à Dubost au sujet de Thiroille et de Michel, en le priant de s’occuper de l’un et de l’autre. Le Cdt Blandin qui est en garnison à Nevers et le dimanche à Maucouvent, sa très agréable femme, fille du général Maurin, ministre de la Guerre et leur fils aîné Lnt aviateur, viennent nous faire une visite. Ils ont 7 enfants, le plus jeune a 6 mois. Le Cdt me raconte que sa mère est en train de dilapider sa grosse fortune et qu’il n’y a rien à lui dire.
25 On enterre le pauvre vieux Michel Lavergné. C’était l’homme le plus vieux de la commune, il avait 5 mois de plus que moi et sa droiture était très grande. Il laisse une nombreuse et honorable famille. Le soleil se couche à 6 h juste, il y a 12 degrés et l’herbe pousse. Les Paul Bénuet me font part des fiançailles de leur fils Pierre avec Melle de Galembert.
26 Il y a une épidémie de septicémie. R. de Bouillé a perdu 5 veaux à la naissance la même semaine et à Gy 9 bien que les 4 derniers aient été mis bas au pré. On prétend cependant que c’est la seule façon d’arrêter cette fâcheuse maladie. J’écris à Edmond. Augustin va à Nevers par le car. J’ai la tête lourde toute la journée, Marcelle me fait une piqûre.
27 Marcelle emmène Augustin déjeuner à Buy et de là, prendre le train à St Pierre pour rentrer à Bulhon. Il doit trouver ses filles à Moulins retour de Blagny. Cette visite de mon gendre m’a fait le plus grand plaisir. On voit l’herbe pousser.
28 Marcelle déjeune à la Baratte. J’ai la visite des du Passage. Madame est bien vieille, M. bien sourd.
29 Nous avons la visite du jeune Barrière qui emploie bien son temps à Limoux. C’est un agréable causeur et il sait beaucoup de choses. Je vais à la carrière. Sablé a plusieurs casseurs de pierres. J’augmente mes polices d’assurance incendie de 40 %. C’est insuffisant, mais pour être dans le vrai il faudrait les augmenter de 500%.
30 Nous avons à déjeuner Suzanne Le Sueur et les Antoine Robert. Le barème d’assurance pour la valeur du m² donne 15 700 F pour les châteaux et 21 500 pour les maisons de ville comme moyenne. A ce tarif cela coûterait onze millions pour bâtir Tâches. Dérangement 7 fois.
31 Ma Normande fait veau. Dimanche. Dérangement.
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1 commentaire:
c'est malin le coup des assiettes!
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