8.3.10

MARS 1941

1er . Mon rhume repique, et en me couchant, j’ai le frisson pendant une grande heure. Mon appétit est soutenu, mais je maigris toujours. Un Allemand vient me demander si j’ai un furet.

2 . Dimanche Je lis ma messe au coin du feu, bien que j’aille un peu mieux. Bardin vient à St Parize faire une conférence aux agriculteurs du pays.

3 . Mon rosaire. Damas et Flandin font des conférences agricoles dans d’autres communes, ce qui prouve qu’aujourd’hui les conservateurs peuvent se faire entendre partout. Vive Pétain. Polat, notre député est nommé Préfet.

4 . Lettres de Cécile, de Hervé, qui est bien installé et heureux à Tlemcen et d’Yvonne qui va se rapprocher de lui en tenant garnison à Oujda.

5 . Je donne 4 bouteilles de vin à ma cuisinière. Marcelle déjeune à Planchevienne avec les Pierre, Gabrielle est à Paris.

6 . Pierre Lavergne a commencé hier la reconstruction de ma grange, c’est bien temps ! et mon métayer roule du bois à Moiry au lieu de semer de l’avoine, je suis très mécontent.

7 . Paris-Centre annonce les fiançailles de la fille d’Hugues de Noury avec le capitaine Marquis de Leusse, je suppose que c’est le petit-fils de mon vieil ami le baron de Bastard.

8 .pluie J’envoie Gonin à Nevers chercher une vache bretonne chez Laboue, elle a 7 ou 8 ans et un veau femelle gros comme un chat. Coût 5 5oo frs, c’est pour rien ! Edmond nous téléphone de Moulins que son père s’affaiblit chaque jour et que sa mère n’est pas brillante. Édith est rentrée à Bulhon le 6, Antoine l’a menée à Vichy. Jacques de La Brosse, Alain et Anne de Rouville déjeunent avec nous. À 2 h, Guite Le Sueur vient les retrouver. J’envoie chercher à la Mathurin une superbe bicyclette que Madame Gozard a fait venir pour Marcelle, coût 144o. Toute proportion gardée, c’est aussi cher que la vache et que les trois nourrains pesant 48 kg et que j’ai livré ce matin à mon facteur pour 3 4oo frs.

9 . Dimanche, pluie Mon vieux cathare battant encore son plein, je ne vais pas à la messe. Si le proverbe : tonne de Mars remplit tines et tinais est vrai , il y aura du vin cette année, car à 7 h du soir un gros orage s’est abattu sur la région.

10 . pluie Ma grange n’avance pas, Lavergne ne peut pas trouver de maçon et les matériaux n’avancent pas. Nous avions demandé aux du Part de venir déjeuner, Antoine est grippé et n’est pas sorti depuis 15 jours.

11 . Chassagnon vient me parler de son exploitation de bois qui ne lui donne pas toute satisfaction. Veillerot qui lui avait donné de l’argent pour faire les premiers achats s’est retiré et a passé ses marchés à un nommé Magdinier qui doit faire partie de la bande noire, il achète tout, voiture, vache poules etc et il embarque sa marchandise vivante ou non avec son charbon, qui jusqu’à présent avait été fait par le gendre de Chassagnon dans des fours métalliques, qui sont maintenant abandonnés, et c’est un nommé Drut qui habite aux Fonts Bouillants qui va venir carboniser à l’ancienne méthode, c.à.d. avec des fourneaux couverts de terre. J’irai surveiller cela. Avec Marcelle, nous allons aux étangs américains dans ma coupe des Valencins de l’année dernière, presque toutes les pousses de jeunes chênes sont mangées par les lièvres et les lapins.

12 . Marcelle a passé une mauvaise nuit, elle a eu de la fièvre, a la jambe rouge et croit avoir de l’érésipèle. Je demande Bonnichon qui constate que c’est bien cela avec 4o° de température, ce qui est normal au début de cette maladie ; pourvu que cela ne dégénère pas en phlébite comme il y a trois ans. J’écris à Cécile.

13 . Marcelle passe une journée très calme, mange avec un peu d’appétit et le soir sa température est de 39,4

14 . La température est de 38,9 le matin et la nuit a été bonne. Paulette Le Sueur nous a apporté hier deux belles carpes miroir du marché de St Pierre, une pour nous et une pour Planchevienne que Jacques vient chercher ce matin, ils ont encore des hôtes de passage indésirables. Lettre de Zabeth, René s’affaiblit de jour en jour. Lettre de Cécile qui viendra peut-être nous voir prochainement, je m’en réjouis. Bonnichon vient dans la soirée et trouve sa malade mieux.

15 . Pas de température au réveil, bon appétit, Jacques vient goûter avec elle. Dommage de ne pas avoir de fusil, il y a mille ramiers dans le Clou.

16 . Dimanche J’assiste à la grand’messe, que notre curé, selon sa fâcheuse habitude commence dix minutes en avance. Marcelle va mieux, Cécile téléphone pour avoir de ses nouvelles, et demande s’il faut qu’elle vienne pour la soigner. C’est inutile. Yvonne est à l’hôtel à Oudja.

17 . Madame Bonin nous fait part de la mort de Madame Turc. Je vais à St Parize me confesser. Je sors 4 boisseaux d’avoine pour les poules, cela doit faire pour 12 jours, c.à.d. jusqu’à Vendredi 28.

18 . Zabeth me téléphone que son grand-père est toujours dans le même état, il s’affaiblit. Aline peu brillante. Jean d’Aramon me téléphone à Beauny. Sur le désir de Marcelle, j’envoie mon jardinier chercher de l’empoissonnement ; il me rapporte 167 petites carpes miroirs, j’en mets 5o dans la Chaussée Vieille et 117 dans l’autre étang Américain. Lettre d’Édith, Bulhon va bien.

19 . St Joseph, je communie selon mon habitude, assez rares ceux qui font comme moi à St Parize. Lettre d’Edmond, son père ne s’alimente plus, et somnole tout le temps.. Visite de Madame Le Sueur, de Jacques et du Docteur qui permet à Marcelle de se lever pendant une heure. Je passe mon après-midi à brûler des ronces et des herbes sèches dans les craies qui sans cela deviendraient un bois impénétrable, maintenant que je n’ai plus de brebis.

2o . Marcelle va mieux, Guite de Sansal passe la journée avec elle, je lui fais manger une rouelle de veau à la crème, elle rapporte 2 litres de lait, 2 fromages, des salsifis, du beurre, elle sera bien reçue par sa mère. J’assiste à l’enterrement de Madame Turc, morte à 89 ans à Limoux, après une longue maladie. Un seul homme, son fils aîné, les autres sont en zone libre.

21 . Vendredi, avec Marcelle, nous mangeons des œufs et des pommes de terre pour notre déjeuner , ma jardinière et la métayère de Callot vont à St Pierre chercher de la Marée. De Moulins, Edmond nous téléphone que l’état de son père est toujours le même, il ne mange rien, ferme les yeux et ne parle pas. Quant à moi, je continue à faire brûler des herbes sèches dans les craies. Marcelle déjeune et dîne dans la salle à manger.

22 . Après en avoir parlé avec mon métayer Chiron, j’envoie l’annonce suivant à Paris-Centre : j’offre pacage gratuit pendant 5 mois sur plateau calcaire à 7o brebis gardées par berger sérieux, non nourri, à la condition que l’on puisse m’apporter 4ooo kg de paille pour faire la litière qui me restera. Visite de Paulette Le Sueur, qui nous fait bien des commissions au Veurdre.

23 . Paulette le Sueur traverse fréquemment l’Allier sur le pont du Veurdre, qui est gardé rive gauche par un poste Français, rive droite par des Allemands ; ceux-ci sont bien tenus, dolmans boutonnés, bottes bien cirées, quant aux soldats Français, ils sont débraillées et se vautrent sur le talus de la route. Elle écrit au Général Huntziger pour lui faire part de cette remarque et lui dire son indignation. Dimanche, ce matin à la messe, en dehors des jocistes qui se tiennent très bien, il y avait 1o hommes, et sur une douzaine de bancs, pas une âme. D’un coté comme d’un autre, la guerre ne nous a rien appris, c’est écœurant. Guite Le Sueur et Anne de Rouville vont à Nevers quêter pour l’œuvre des paroisses pauvres, elles récoltent plus de 5oo frs chacune. À 8 h du soir, Cécile nous téléphone qu’elle arrivera Vendredi, j’en suis bien content. Marcelle va jusqu’à ses poulaillers.

24 . À 2 h, Zabeth nous téléphone que mon pauvre vieux beau-frère s’est éteint ce matin à 1o h. Son agonie a été bien longue et cruelle, et un vrai martyr pour ma belle-sœur qui a été bien courageuse.

25 . Marie Roy va à St Pierre chercher des remèdes pour ses veaux qui naissent avec de la septicémie, maladie souvent mortelle. Je bêche pendant une heure dans le jardin des pauvres vieux Chirat qui sont à bout de force.

26 . Lettre de Roger qui est allé à pied jusqu’à Chintry portant les 74 ans qu’il a eu le 4 Mars. Lettre de mon fermier Bringault qui vient de perdre d’entérite sa troisième et dernière jument, la malchance s’acharne sur son domaine. Lettre de condoléances de Tassain et de Magdeleine Meynier. TSP de Marie de Balloy. Visite des Montrichard. Le Docteur Robet appelé pour voir la Marie Chenut qui souffre d’une néphrite, passe me voir, et comme j’ai de temps en temps des vertiges, il prend ma tension qui est de 16, donc bonne, le cœur bat aussi régulièrement. Il me dit de continuer la digitaline et l’iodalure.

27 .pluie Guite de Sansal passe la journée avec nous, pendant que sa mère partie hier pour Bulhon où elle va voir Jean qui y est en congé d’un mois. Les Boches la font passer par Sancoin, Montmaraut, St Germain etc…

28 . pluie Je reçois des condoléances de d’Anchald, de Lecluse, Henri de Faverge, Jeanne Léger. Hier, son André nous a téléphoné, retour de l’enterrement de mon cher vieux beau-frère, où, malgré le manque d’essence, il y avait beaucoup de monde, dont Édith et Dédette. Ma belle-sœur avait eu le courage d’y assister. À 9h½, Clostre, garagiste à St Pierre nous amène Cécile avec son gazogène, elle arrive de Paris où elle a assisté avec des amies à une réunion de ligueuses. À 7 h, je descends à la gare de Mars d’où je ramène Guite de Villeneuve, retour des Gouttes, et jusqu’à 11 h du soir, nous parlons des tristes et dernières heures de son grand’père.

29 . Montrichard passe prendre Guite pour la mener à Nevers prendre un train pour Tours et Cécile pour prendre à la commandantur un laissez-passer pour aller aux Gouttes. Elle revient déjeuner. Je reçois des condoléances de Naudin, le Sénateur, de Louis de Savigny. La pluie tombée hier fait partir la végétation, on voit pousser l’herbe et fleurir les Prunus Pissardii. Il me naît une belle pouliche.

3o .pluie, Dimanche Alain de Rouville vient nous faire une longue visite, pendant que sa sœur est chez les Le Sueur. Pour sa première sortie, Marcelle vient avec moi à la messe avec mon âne.

31 . +2° Cécile voulant aller aux Gouttes, j’emprunte le petit cheval de Moreau et je la conduis à St Pierre à 13 h prendre le train pour Dompierre. Il fait froid, les bêtes lâchées hier font le gros dos, mais il n’y a plus de foin.

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