1 M. le curé vient administrer la mère Michel qui s’en va grand train.
2 Cécile nous envoie les articles des journaux de Bretagne parlant des funérailles de son beau père. Il avait demandé à ce qu’aucun discours ne soit prononcé sur sa tombe. Mme de Mévolhon née Guipon meurt à Nevers dans la peau d’une baronne. Pendant une heure je fauche des orties et des chardons dans le pré Blond.
3 Bien que j’aie peu de sympathie pour Léon Daudet, je me délecte en lisant son livre au temps de Judas. Marcelle déjeune au Colombier avec les Brémond et fait une visite à Fertot en revenant. La Comtesse se réjouit de voir les Anglais nous bombarder. Renaud apporte à Marcelle un peu de blé pour ses poulets et une bonne brioche pour la remercier du souvenir qu’elle a envoyé à son garçon qui fait sa première communion pour la Fête Dieu.
4 Fête Dieu qui n’est plus guère respectée. Je vais cependant à la messe. J’en reviens furieux, j’avais une paire de lunettes que je laissais depuis deux ou trois ans dans le tiroir du banc de fabrique, on me les a volées. Marcelle déjeune à Dornes. A 3 h téléphone des Edmond Clayeux disant : sommes en panne à Nevers, pouvez-vous nous donner à dîner et à coucher. Ils m’arrivent à 5 h un peu déçus de ne pas trouver ma fille qui ne rentre qu’à 8 h 1/4. Ils me racontent qu’étant à Tours, ils devaient en revenir il y a quarante huit heures mais que les Anglais ont copieusement bombardé la ville et que la gare de St Pierre des Corps est complètement détruite, d’où pagaïe dans le service. Ils sont venus par un train de fortune jusqu’à Saincaize. Pendant les trois jours passés à Paris, ils avaient déjà subi les bombardements de Colombes et d’Asnières, aussi après plusieurs mauvaises nuits, ils se reposent bien ici. A Dornes, Marcelle a trouvé sa tante pas mal moralement, mais elle ne quitte pas encore son lit, la plaie de son pied n’étant pas encore cicatrisée. Longue lettre de Roger de La Brosse.
5 Premier vendredi du mois. Je m’approche de la Sainte Table. Vu Montrichard qui croit au succès des Anglais. Les Edmond Clayeux déjeunent en revenant de la messe et à Midi, Philippe Moine, vient les prendre pour les conduire à la gare de St Pierre. Lettre du Marquis de Roüalle qui me dit qu’il a loué en 1942 pour 14 000 F une prairie qui ne l’était que pour 8 000 en 1941, je poursuis mon enquête pour le renouvellement du bail de la Seigneurie.
6 Lettre de Cécile qui nous annonce Yvonne du jeudi au samedi de la semaine prochaine. Bulhon est toujours la maison du Bon Dieu, on y reçoit pour le moment M. de Léotard et Jean de Sansal et on attend prochainement Simone et Hubert. Aujourd’hui, il y a à la Baratte un gouter pour fêter les fiançailles de Villenaut avec Melle de La Motte-Rouge. Foin (en mention marginale) est payé par la réquisition 720 F les mille kilos livrés à St Pierre.
7 Fête Dieu. Par un temps étouffant, procession, 4 reposoirs, assistance assez nombreuse, une centaine d’enfants, une trentaine d’hommes et une quinzaine de Jocistes. Marie Antoinette du Verne nous arrive pour déjeuner à bicyclette. Elle est coiffée d’une résille comme une petite pensionnaire. J’ai beaucoup de plaisir à la voir. Elle connaît son département mieux que personne et sait quelque chose sur chacun et le dit sans méchanceté.
8 St Médard. Marie Antoinette nous quitte après déjeuner. Je lui donne une certaine somme à déposer au compte de Marcelle au Crédit Agricole. Guite de Sansal vient passer la journée avec nous. Elle rafistole une robe de Marcelle d’avant guerre. M. A. me laisse à trier et à faire la barbe à des milliers de timbres oblitérés qui lui ont été envoyés par Bernamont. Il y en a 1/3 d’étrangers.
9 Pluie très bienfaisante pour légumes et avoines. Je descends à Moiry, porter à Mme Vaillot un veston dont je fais retourner le col. Je porte des habits dont mes domestiques n’auraient pas voulu autrefois.
10 Pluie. Madame René Marandat née de Villeneuve meurt à Nevers. Elle laisse un fils unique employé de banque Société Générale à Sens. Je taille la haie vive de l’avenue.
11 St Barnabé. Pluie. A bicyclette, Marcelle va à l’enterrement de Mme Marandat. Elle espérait trouver Yvonne à Nevers venant de Rennes et de Tours. A 2 h un téléphone nous dit qu’elle ne viendra que le 13.
12 Pluie. Orage. Il grêle à Chantenay. La St Barnabé n’a pas ramené le beau temps et le vieux dicton (Tout temps qui dure, est mauvais en agriculture) une fois de plus est vrai.
13 Pluie. A 1 h ½ j’ai la joie de voir Yvonne descendre de l’autobus. Elle arrive de Rennes et a couché à Tours chez les Villeneuve. Je la trouve en très bonne forme. Je ne l’avais pas vue depuis novembre 1940. La venue au monde d’Aliette, lui fait faire une économie de 75 pour cent, pour l’héritage de son grand père, parce qu’elle a trois enfants. Cécile, grâce à son grade au secours national a titre de sous préfet, on lui paye ses voyages à Paris en 1ére classe et on lui donne 200 F par jour pour ses déplacements dans la capitale.
14 Pluie. Dimanche. Montrichard réunit quelques notables en vue de préparer une fête au profit des prisonniers de la commune. M. le curé Moyen trouve bon de dire que celle de Moiry a été ridicule. C’était aimable pour Marcelle qui en avait été l’organisatrice, mais tout ce qui est fait en dehors de lui ne peut être bien. Dans la généalogie Robert, il y en a eu un qui s’est appelé R de Chevannes, un R de Villeneuve, un R de Neuville. Les miens descendaient de la branche Chevannes, mais ils n’ont pas porté le nom. Celui de Robert tout court est plus répandu que Durand ou Dupont. Ainsi à St Parize, il y a 3 familles Robert, n’ayant aucun lien de parenté. Il y a aussi R de Gesnay.
15 Yvonne nous quitte. Nous téléphonons dans 3 garages pour avoir un taxi afin de gagner la gare de St Pierre. Rien à faire. En désespoir de cause, nous empruntons une remorque et avec sa bicyclette, mon jardinier mène les deux lourdes valises d’Yvonne à la gare.
16 Mon rosaire. J’envoie à la réquisition à St Pierre, le veau de ma Bretonne qui a 7 semaines. Il pèse 85 kg à 10 F = 850 F. Les bons veaux sont payés, 11,80 F le kilo vif.
17 Edmond m’envoie des photos d’Hubert, que Simone lui a adressées pour nous les faire parvenir, ainsi qu’à ses parents. Je trouve que ce petit est plus Sansal que Riberolles. Edmond me parle du désastre causé par la grêle dans leur pays le 11. Les récoltes qui étaient très belles sont anéanties. Au château des Fougis, 50 carreaux brisés aux fenêtres, sur tous les toits des milliers de tuiles cassées, Jaligny, Tréteau Bouée très éprouvés. Geneviève nous arrive par Mars, venant de Tours. Elle a passé à Nevers la journée avec Marie Antoinette. Ensembles, elles ont longuement parlé du mariage de Paul qui a épousé il y a 6 mois Melle Nathalie de Bilderling d’une grande famille Russe émigrée en France. Son père qui était colonel a été fusillé par les bolchevistes. Elle est depuis 7 ou 8 ans à Ismaïlia chez Madame Honny dont le mari a une situation au Canal de Suez. Paul a fait la connaissance de cette Nathalie chez Madame Honny née Rey, fille du Colonel. Un de ses frères et un beau frère sont naturalisés Français. Ils ont fait la guerre comme officiers de réserve. Madame de Bilderling habite Paris. Antoinette a fait sa connaissance. Elle est remariée à M. Boutoroff, elle est née Stroukoff et sa mère est princesse Wiazensky, elle est agréable. Geneviève connaît la sœur de Nathalie qui a épousé le comte de Ben…ingsen et qu’elle a vue à Moulins ou ils sont réfugiés. On dit Nathalie distinguée et très jolie. Actuellement personne ne sait où est le jeune ménage. Les Saint Péreuse nous font part des fiançailles de leur fille Jehanne avec le comte d’Orsetti.
19 Geneviève prend à Mars le train de 6 h 40 du matin. On rentre les foins de la pelouse coupés depuis la St Médard.
20 Les Guillaume du Verne passent la journée avec nous et font honneur au déjeuner. Suzanne est très en forme, Guillaume un peu nerveux. Le métier de maire lui porte sur le système. Carte d’Edith. Jacques de La Brosse lui a écrit qu’il revient d’Alger et il la prie de lui chercher une chambre à Clermont où il a trouvé un portefeuille d’assurances.
21 Marcelle devait aller faire une conférence aux ligueuses de Luthenay, sur la demande de Mme Sanglé Ferrière leur présidente. Celle-ci ayant eu une congestion, la conférence n’a pas lieu. J’ai la visite des du Part, pendant que Marcelle assiste à st Parize à une comédie jouée par JOC et les JAC au profit des prisonniers de la Commune. Salle comble, places payées 20 F et 10 F.
22 Cheveux. Marcelle va à Nevers pour rapporter dans ma chambre, qui n’est pas occupée par les locataires, les meubles et objets que nous avions mis chez nos voisins Le Droumaguet. Le Cel d’Assigny va très mal et Mme Sanglé Ferrière est morte. On a mis 200 Boches dans la maison de Marie de Balloy, avec deux cochons qu’ils voulaient lâcher dans le jardin. La concierge s’y est opposée. La pauvre Geneviève Tiersonnier est incontinente. Elle a une sœur pour la garder.
23 Le Cel d’Assigny est mort. C’est une haute personnalité Nivernaise qui disparaît. Pendant la guerre, il avait brillamment commandé le 213 éme, il était président de la Croix Rouge, président de la Société Savante, Président de la DRAC, Homme du monde charmant, comme l’était son père, brillant cavalier, conducteur de cotillons dans sa jeunesse et un de mes meilleurs amis. Membre du Conseil de fabrique de la Cathédrale où son absence va faire un grand vide. A midi, téléphone d’Antoine Clayeux nous annonçant que Simone et Hubert sont arrivés à Bulhon. Nous recevons une invitation au mariage du futur amiral du Part le 30 juin à Belley. Le père de Melle de Gouvello est Lt Colonel et son père encore vivant est général. Je lis un livre charmant (L’officier sans nom) de Guy des Cars, je me demande si c’est un neveu de mon ami Louis Lafond, dont la sœur avait épousé le Duc des Cars, en tout cas le livre a du succès, car il est à la 81 éme édition en peu de temps. C’est bien le neveu de Lafond.
24 St Jean. Marcelle va à l’enterrement de madame Sanglé Ferrière à Luthenay. Elle y rencontre la très aimable Madame Charles de Fontenay. Après dîner nous allons aux Queudres où les noisettes abondent, mais où les layons ont bien besoin d’être entretenus. Avoine de printemps assez bonne dans le champ Niéper, mais avoine d’hiver dans le Galichard en partie grêlée.
25 Montrichard nous mène à l’enterrement du Cel d’Assigny. Tous ses amis étaient là sauf Jeanne Clayeux. Vu la Mse de Chargères avec Carla et deux de ses filles dont l’une vient d’hériter du Mis du Crozet qui était son parrain. Vu la Mse de Pracomtal qui ne change pas, toujours aussi aimable et aussi peinte. Vu Roger amené par Nadaillac. Jean de Pazzis vieilli et maigri, Jean de La Motte qui a 100 ans, Raoul d’Anchald qui en 200, Robert de Gesnais 300. Passé à la Société Générale donner l’ordre de vendre mes 14 actions de Vichy, et Marcelle celui de les acheter. Après cet échange, je n’aurai plus rien, donc plus de droits de succession à payer après moi. Lettre de Cécile, retour de Paris où elle a vu les Louis de La Brosse revenant du grand steeple. Les tribunes pleines à craquer, 50 000 personnes. Auteuil n’avait jamais vu autant de monde. Josefa devait être dans la tribune du Jockey. Odette est à Paris. Tournée à Calot, les trèfles du champ de la vache et des Fraillons donnent et les grains sont bons.
26 Avec Marcelle traînés par Jaurès nous allons au Paturail Mâle où il y a les taures de 18 mois qui n’ont pas profité bien qu’il y ait de l’herbe, mais de mauvaise qualité. Il faudrait pour la rendre bonne mille kilos de scories Thomas, mais il n’y en a plus. J’écris à Aline.
27 Par le beau temps, le foin se fait facilement, il n’a pas plu depuis le 14
28 Dimanche. De moins en moins de monde à la messe. N’assistant pas à la comédie jouée en faveur des prisonniers, je donne un billet à M. le curé. L’autre jour à Nevers, j’ai croisé dans la rue un Monsieur, genre capitaine d’infanterie décoré, qui avait sur la poitrine une plaque en étoffe jaune, large comme la main sur laquelle était écrit en noir le mot Juif. Je me demande si ces gens là sont fiers ou ennuyés qu’on sache qu’elle est leur religion.
29 Geneviève Tiersonnier meurt à Nevers dans sa 81 éme année. C’est une charmante cousine que je perds. En 1884, j’étais allé la marier au château de Chenevières en Gâtinais, le Maréchal de Mac Mahon, voisin des Filleul était son témoin. Cette femme très intelligente était depuis quelques mois en enfance. Elle laisse deux neveux Filleul qui n’ont d’enfants ni l’un ni l’autre. Marcelle va à St Pierre pour faire renouveler son laissez-passer au Veurdre. Elle déjeune à Buy et goûte chez les Le Sueur.
30 Les Montrichard nous emmènent à Gimouille à l’enterrement de Geneviève Tiersonnier, peu de gens de la société, mais pas mal de gens du peuple. Marie de Balloy, insiste beaucoup pour nous retenir à déjeuner. Gabriel aurait bien voulu accepter, mais sa femme qui est au régime a mieux aimé rentrer. Vu Armand, ce qui ne m’était pas arrivé depuis 35 ans et il en a 38. Vu Antoinette Jourdier qui se fait vieille. Retour par Nevers, où j’achète chez Fiot, un cadeau pour le marin du Part.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
3 commentaires:
Il s'agit de Pierre de Léotard qui précise dans ses souvenirs politiques:
"Et puis ce fut la libération. Nous étions tantôt à Clermont-Ferrand, tantôt à Thionne, dans la propriété de mon oncle Edmond Clayeux. Les bruits les plus
contradictoires se propageaient. Les Allemands partaient, puis ils revenaient. Des autorités provisoires remplaçaient les anciennes. Les collaborateurs étaient arrêtés, certains emprisonnés, d'autres exécutés après un simulacre de jugement.
Ce n'étaient pas toujours les plus coupables. Les maquisards se promenaient au grand jour dans les rues. Après avoir pourchassé les derniers Allemands, ils tondaient les femmes accusées de s'être compromises avec les occupants et ils les promenaient nues dans les rues. Le spectacle n'était pas grisant, mais nul ne protestait. La roue avait tourné.
Nous étions à Bulhon, chez les Riberolles, quand nous apprîmes par la radio la libération de Paris. Ce fut, après l'armistice de 1918, la plus grande date
de mon temps.
"je me demande si ces gens là sont fiers ou ennuyés qu'on sache leur religion"
grave question
N'est-ce- pas plutôt Wiazemski,
Enregistrer un commentaire