1 Marcelle va goûter à Planchevienne et moi visiter les Petites Granges où les animaux crèvent de faim. M. le curé faisant sa tournée du culte de notre côté, nous le gardons à déjeuner. Il appelle cela le dîner du culte. Je lui donne 700 F + 100 F pour les bancs à l’église et la propagation de la foi.
2 Marcelle va à La Chasseigne. Chicon met 4 veaux mâles avec leur mère dans le pré Maupilet. C’est un mois en retard, mais il y a peu d’herbe et pas du tout d’eau. On apporte une bâche contenant 400 litres qu’il faudra remplir tous les jours. Tout cela me plonge dans le marasme. A 9 h ½ du soir, téléphone de Cécile, les Valence avec leurs deux aînées sont arrivées à Rennes où ils passeront 8 jours et ils s’arrêteront ici au retour le 9.
3 Marie Antoinette du Verne, Guite de V. et sa fille nous viennent par le car pour déjeuner. M.A. repart à 7 h du soir toujours par le même car et aussi entassée. A 3 h Jean Le Sueur vient me prendre avec Dédette pour me conduire à Planchevienne voir des génisses Normandes envoyées par le frère aîné des Rouville, parce que Marcelle veut en acheter une. Je ne la contrarie pas dans son choix, car pour les vaches laitières je n’y connais rien. Nous revenons par La Seigneurie, là comme ailleurs ni eau ni herbe. Je ne me rappelle pas depuis 1893 avoir vu les prés aussi râpés. Seul le canal sert pour abreuver les animaux des Bardins, de l’Ouche, du Guérimbats et des prés qui sont au Sud et au couchant par rapport au domaine y compris le Boyau.
4 Roy met 4 vaches avec leurs veaux mâles dans le pré de la Joie. Guite et Geneviève prennent à Mars le train de 6 h 40. Premier vendredi du mois. Notre curé étant souffrant, Marcelle va à la messe à Magny quant à moi j’en suis privé. Sept bêtes à cornes qui errent depuis plusieurs jours dans le taillis d’Orgeat ont sauté dans le Paturail Mâle, ils vont faire sortir mes animaux,.autre méfait de la sécheresse. Blois vient pour arranger la pompe qui se dégrène. Il ne peut le faire faute de cuir pour remplacer celui de la soupape qui est dans le puits.
5 Les bêtes des Petites Granges au nombre d’une trentaine entrent dans le pré de la Joie, je passe ma matinée à les mettre dehors, j’en suis éreinté. Le soir, les mêmes bêtes viennent dans l’avenue et avec peine, je les empêche d’aller dans le jardin. Pendant ce temps mon métayer est en train de faire des roulages pour lui au bois de Bord. J’en suis malade.
6 J’inscris ma cuisinière aux allocations familiales, ce qui est obligatoire d’après une loi nouvelle concernant les domestiques de maison.
7 Le facteur nous arrive à 3 h du soir, le train du matin Nevers-Mars est supprimé.
8 Pas de Paris Centre ce matin à cause de cela. Fête de la Sainte Vierge, je m’approche de la Ste Table pour cette fête. Nous avons la visite des Massias et de Robert de Bacquencourt qui habite Aix et qui nous dit que les Hervé auront beaucoup de peine à trouver un logement dans cette ville envahie par les Juifs. Visite des Pierre de Rouville.
9 Messe pour Edith. Les Valence avec leurs deux aînées partis de Rennes à 11 h du soir le 8 passant par Paris arrivent le 9 à midi ½ en gare de St Pierre où le gazo de Moine va les chercher. C’est un rayon de soleil qui passe sur la maison.
10 Jean va à St Pierre dans la matinée pour faire signer sa permission. C’est à Nevers que cela doit se faire, aussi il est obligé d’y aller après midi. Toutes ces promenades à bicyclette par une grosse chaleur et la désespérante sécheresse qui tourne à la calamité. Mention marginale : Barillet 7 st bois.
11 Alain de Villenaut vient nous présenter sa femme née de La Motte-Rouge, une bretonne qui est vraiment très bien. Augustin nous arrive par Mars à 7 h du soir.
12 Les Valence partent pour Boutavent où ils laisseront leurs filles pour aller passer 24 h à Lourdes. Marcelle les accompagne à St Pierre et revient par Buy. Augustin va à Nevers à bicyclette pour s’entretenir avec le notaire. Il ne trouve pas Madame de Sansal partie pour voir sa mère qui s’est cassée le col du fémur. Autre gros ennui causé par la sécheresse, les vaches des Petites Granges sont entrées pendant la nuit dans les betteraves de Gaudat et les ont mises à mal. Ce dégât ne sera pas facile à régler. Tout cela me plonge dans un noir sombre.
13 Dimanche. Beaucoup de monde à la messe, une trentaine d’hommes sans compter la douzaine de jocistes qui y viennent très régulièrement. Marie Thérèse de Champeaux est fiancée au capitaine Dorgeval. A la Comaille M. A. du Verne a vu ses jeunes neveux Doué qui ont 1m80 de taille. Que doivent en penser leurs grands parents du Part. Marcelle et Augustin vont aux Vêpres à Magny et en visite à Planchevienne. Orage à l’Est, mais rien pour nous, que le désastre.
14 Encore des orages autour de nous qui abattent à peine la poussière chez nous. Marcelle et Augustin vont aux domaines des Lieux. Ils rapportent de chez Bringault 4 livres de belle et blanche farine.
15 Augustin part de bonne heure pour Nevers à bicyclette. Il retire de l’argent du Crédit Agricole qui est au nom de Marcelle pour faire un envoi à Cécile, on verra dans mon livre répertoire, nos conventions de règlements de comptes.
16 Mon rosaire. Augustin va le matin à Gy voir Albert Barillet qui est souffrant et le soir Suzanne Le Sueur. Mes vaches à lait mangent les marrons d’Inde que je leur ai ramassés. Guillaume du Verne m’envoie 55 litres de vin à 5F25.
17 Jeanne Mabire et Louise Delamalle viennent manger un canard avec nous et dans l’après midi, les du Part goûtent avec elles. Je leur fais une triste figure car je suis démoralisé par la continuation du temps.
18 Marcelle et Augustin déjeunent à Planchevienne, ce dernier va ensuite au Mou, voir ses nouveaux fermiers. Je mène avec mes métayers de Calot les animaux qui sont dans le Pré de la Joie boire dans l’étang où il y a encore de l’eau pour quelques jours. Mais après !
19 Richard de Parizy vient avec son gazo nous prendre Marcelle et moi pour nous conduire à Nevers, où Augustin se rend à bicyclette. A 10 h il y a un service pour ma chère Edith à la cathédrale, malgré la difficulté des transports, il y vient pas mal de monde. J’y vois M. Th Guillemain rentrée depuis peu dans ses foyers. J’écris à M. Sablé entrepreneur, qui vend la pierre qu’il a fait extraire de ma carrière avant de me l’avoir payée et je lui dis que s’il continue sans venir s’entendre avec moi, je m’emparerai de la pierre qu’il a fait casser dans ma carrière. La pierre qu’il livre aujourd’hui à M. Brunet maçon à Magny, c’est du moellon. Mention marginale : 374 000.
20 Dimanche. Il y a à Challuy parc du Vernay, une kermesse pour les prisonniers qui produit plus de 100 000 F. Il y a eu pour 40 000 F de billets de loterie à 5 F l’un. St Parize est bien pâle à côté des communes qui nous touchent. Le pays malgré la triste sécheresse se montre généreux là où les dirigeants savent faire.
21 Le pauvre Augustin nous quitte la larme à l’œil, il va à bicyclette prendre à St Pierre le train de midi 40. Bringault m’apporte son terme du mois de mai, en s’excusant d’être si en retard. Je suis coulant car il est malheureux. Garnet à qui j’avais parlé de faire une porcherie pour le Mou, m’arrive avec un devis fait par un maçon de Bourges qui monte à 57 000 F. Ce chiffre n’a pas l’air de l’étonner, je le trouve un peu fort. Il prétend que le génie rural paierait la moitié de la dépense. C’est à voir. Dans tous les cas, je lui dis qu’étant donné les grosses sommes à verser au fisc pour la succession d’Edith, nous ne pouvions nous engager à rien pour le moment. Marcelle réunit dans la salle de l’école libre les femmes des prisonniers de la commune. Sur une trentaine convoquées, il en vient 26 ce qui est bien beau. Elles écoutent avec attention la modeste conférencière qui les encourage à se grouper et à s’entendre pour envoyer des colis aux plus pauvres. On mange des gâteaux apportés par Mesdames de Montrichard et Le Sueur. Un chapelet est ensuite récité à l’église par M. le Curé. Le baromètre baisse beaucoup, le vent est Sud Ouest, les nuages sont très noirs, mais il ne tombe rien. C’est désespérant !
22 Temps gris, maussade, triste comme moi-même.
23 Marcelle devait aller déjeuner à Limont, le mauvais temps la fait reculer. Alexandre commence à curer l’abreuvoir du pré Blond, qui en a bien besoin car l’eau est remplacée par de la vase.
24 Pluie 20 mm. Les Rouville viennent déjeuner avec nous et Gabrielle m’apporte deux litres de précieux pétrole, qu’elle ne veut pas que je lui paye. Notre cuisinière nous quitte pour aller soigner son fils. Nous la regrettons. Lettre d’Yvonne de Lourdes.
25 J’écris à Gonin pour qu’il fasse la déclaration relativement à la location du 42 de la rue de l’oratoire au contrôleur des contributions directes. Les Edmond Clayeux avec deux neveux qu’ils mènent à Nevers pour prendre le train, viennent nous surprendre à l’heure du déjeuner en apportant de quoi se nourrir. Le plâtrier Bureau me présente sa note, il va fort en se faisant payer 14 F de l’heure. Je lui fais remarquer qu’à ce prix là, il gagnera 4200 F par an, ce qu’il trouve tout naturel.
26 Je mets des perches au fond du pré de la Joie, parallèlement aux fils de fer pour tacher d’empêcher les bovins des Petites Granges de passer de mon côté. Je vends 13 châtrons de 18 mois à Chateau, moins chers que l’an dernier, mais je suis bien aise d’en être débarrassé par le temps de famine que nous traversons. Cécile nous arrive gelée par le car de 6 h ½, je lui fais du feu, c’est la première fois de l’année que j’en allume, bien plus tard qu’habituellement.
27 Dimanche. Je conduis Cécile à la messe avec mon âne qui se fait bien vieux. Pourvu qu’il dure aussi longtemps que moi. Lavergne vient me demander un acompte de dix mille francs pour les travaux de ma grange. Cela fait soixante mille francs qu’il a touchés à ce jour.
28 Pas de Paris Centre, parce que pas de train, les transports deviennent impossibles. Il fait froid.
29 Pluie. Nous avons à déjeuner Mériem de Martinprey et son fils Guy engagé depuis 9 ans au 7 éme Chasseurs à cheval, où il est maréchal des logis chef. Bien que sérieusement blessé en mai 1940, il a peu d’espoir d’avancement. Logé, nourri, habillé, il touche 22 000 F de traitement. Un simple soldat touche 10 F par jour.
30 Il fait doux : 20°. Mes filles vont gouter à Planchevienne et rentrent pour me faire un plat de champignons de rosée.
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1 commentaire:
4200 f l'an à 14 f de l'heure celà fait 3000 heures de travail par an, on arrive à plus de 57 h par semaine !
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