11.10.10

MAI 1927

1. Vin d’honneur offert par le Maire aux communistes, la place Carnot est pavoisée, une guirlande de petits triangles rouges entoure le terre plein, c’est du meilleur effet. Journée calme. Bridge chez Madame Houdaille. Cinq tables plus une de Banco. Marguerite et Félix dînent ici.

3. Nous allons à Tâches, Marcelle et moi, par une vraie journée de printemps, avec Barrat qui me quittera le 10. Je visite une coupe de bois afin de me rendre compte de ce qui est vendu et de ce qui reste à vendre. Il y a encore peu d’herbe.
Les Riberolles entassés dans leur auto nous quittent en passant par Moulins où ils doivent déjeuner chez les Clayeux encore en ville pour deux jours.
A quatre heures nous rentrons pour recevoir les Villeneuve qui sont invités à dîner chez les Houdaille, et à un bridge chez Andrieu, ils n’arrivent qu’à sept heures et demie, ayant eu un accident d’auto. Une camionnette descendant de la rue de l’Asile les tamponne en faisant son tournant direction de Guérigny, heureusement personne n’est blessé mais la Peugeot de Gaby a beaucoup de mal, au moins cinq mille francs de réparations, et s’il ne peut pas prouver qu’il est irresponsable, il faudra tout supporter.
Les Guillemain d’Echon nous font part des fiançailles de leur fille Anne-Marie avec Paul de Boursier de la Rivière. C’est un gentil mariage en perspective. Mais que le futur est donc jeune 29 ans ! la jeune fille en ayant 24.

4. Les Comte offrent à la Haute société un Bridge-goûter que la Marquise de Veyrey honorait de sa présence, et comme dans l’évangile le jour de la multiplication des pains, il est resté des gâteaux de quoi nourrir vingt personnes.
Comme ma ponette continue à boiter sans espoir de guérison, je la vends à la boucherie pour huit cent cinquante francs, cela diminue le prix d’acquisition de mon âne.
Je paye à Cassart quelques petites réparations, il me compte l’heure de travail quatre francs et la fourniture à l’avenant ; ces gens là peuvent plus facilement manger des poulets que les propriétaires.

5. Lettre d’Edith qui nous dit qu’ils ont fait bon retour et qu’ils ont trouvé mémère Marthe en parfaite santé, de l’attaque qu’elle a eu dernièrement, il n’en est rien resté. Bridge chez Marguerite Pinet avec les Touttée, c’est un vieux ménage qui se conserve bien, chic-à-mort, toujours élégant.

6. Nous emmenons Mesdames de Pardieu dt Delecluze faire des visites à La Croix, à Cheugny, aux Bourdons et à Veninge. Nous trouvons les Lenferna au complet, quant aux dames, les deux filles sont plus maigres l’une que l’autre. Madame de Maumigny nous offre une tasse de thé. Amélie de Noury rien du tout, et Madame de Dongermain la vue d’une toilette des plus seyantes, les bas en rigodins et un galurin qui a fait pouffer de rire toutes les visiteuses.

7. Je reçois une invitation au mariage de la belle Solange Thuret avec Monsieur Olivier de Luze qui aura lieu à Béguin le 19 mai à deux heures. Madame Thuret recevra à Champroux après la cérémonie religieuse. Choquets termine les peintures de mes contrevents, sauf le côté des écuries qui attendra l’année prochaine pour se blanchir. Bridge chez Jeanne de Mollins, contrairement à la veine qui depuis un mois me favorise je perds tout ce que je veux. Le jeune ménage Guillemain nous offre à déjeuner à Marcelle et à moi, accueil des plus gracieux et sans pose.

8. Sainte Jeanne d’Arc. Messe à 11 heures à la cathédrale, beaucoup de monde, le préfet s’est fait représenté par le ( ?° ) général Brouillet. La maitrise se fait entendre et l’abbé Boudat nous dit un très court mais très bon panégyrique de la Sainte. Après dîner nous allons avec Marie-Antoinette du Verne admirer les illuminations municipales et particulières. Madame de Savigny s’est distinguée, l’hôtel Maumigny mérite aussi une mention. Le temps est splendide à Nevers, il n’en est pas de même à Paris, où le cortège très nombreux a été fortement arrosé.

9. Déjeuner chez Félix et retour à Tâches[1] par temps gris mais assez chaud. Je règle mes comptes avec mon garde Barrat qui me quitte demain après dix ans de service à la maison, c’est un honnête homme, qui a cependant un gros défaut, il est d’une extrême susceptibilité[2]. Il faut toujours faire attention quand on lui parle, pour ne pas le froisser.

10. Pluie bienfaisante et douce. J’essaye mon âne qui trotte comme un cheval, mais ne veut pas approcher de chez Blot à cause de dalles qui bordent la maison, je l’attache en face où il n’y en a pas et il reste tranquille.

11. Je montre à Duceau, garde de M.M. Crotat et Constant, la limite de mes bois, cet homme me fait bonne impression. Avec Marcelle nous allons à Nevers pour assister à un thé Bridge donné par Melle de Toytot et Madame de Pardieu chez cette dernière. Beaucoup de monde, ville et campagne, buffet servi par Gobillots et Taupin. Bon champagne, sept tables de jeux. Les Saints de glace se font sentir, 5° à ma fenêtre aussi le soir j’allume une flambée.

12. J’ai au pouce gauche une forte douleur, comme un muscle froissé, j’y mets de l’iode.
Robert Eustache meurt au Chasnay dans sa soixante quatorzième année, enterré à Paris.
Je reçois 446 litres de vin pour la cuisine, coût 1989 francs, et il monte encore.
Verdet peintre à Nevers vient avec un ouvrier peindre le plafond du salon qui est tâché.

13. Je vends au boucher ma ponette boiteuse depuis huit mois, pour huit cent cinquante francs. Elle m’en a coûté deux mille il y a deux ans.

14. Les près sont tout blancs au réveil et les haricots et pommes de terre sont gelés à certains endroits. Foire à Nevers, cours un peu en hausse en comparaison du mois de février. Les agneaux et les petits cochons se vendent bien. Avec Marcelle nous déjeunons chez Auguste du Verne.

15. Marcelle nous conduit mon métayer Barillet et moi à Nevers pour assister à une réunion de l’Union catholique au clos Saint Joseph. Le Président de Pardieu ouvre la séance par une allocution pleine d’à propos et présente les orateurs qui prendront la parole après lui, d’abord le père Janvier qui nous lit son discours, ce qui est toujours moins agréable que d’entendre parler, ensuite M. La Cour Grandmaison député de la Loire-Inférieure, il est jeune et parle avec feu et éloquence, il nous a conseillé de résister de toutes nos forces à la création de l’école unique, en nous montrant que quatre vingt pour cent des instituteurs étaient affiliés à la Confédération générale du travail, et à la Franc maçonnerie. M. Chatelun remercie les orateurs et invite tous ceux qui sont présents à se transporter à la cathédrale pour y chanter le Credo et recevoir la bénédiction du T. St. St. Ainsi fut fait, et notre vieille basilique qui peut contenir sept mille personnes debout était pleine, ce qui prouve qu’il était venu beaucoup de monde. Les forcenés d’Action Française s’ils se sont abstenus n’ont pas fait rater cette splendide réunion à laquelle assistaient mon neveu Villeneuve et Jean de La Brosse accompagné de son épouse que j’ai très en beauté, elle a maigri ce qui lui va bien. Remarqués Pierre de Laplanche, Nadaillac, B. Faulquier, Montrichard, Ch. du Verne, Rouälle, - Damas brillait par son absence, Mauras avait dû lui conseiller de ne pas venir. Les dames présidentes d’œuvre avaient des places au premier rang.

16. Charles et Berthe déjeunent avec nous. Je sème dans le jardin de la Garderie du blé noir, et Marcelle des petits pois. Ce sera un moyen de l’entretenir propre.

17. Henri, sa femme et ( ?) Vou déjeunent à la maison. Le Bridge suit, et je constate que mon cher cousin qui est toujours tout feu tout flamme a fait peu de progrès malgré de nombreuses séances au cercle de Moulins où il s’est mesuré avec de grands joueurs.

18. Promenade peu intéressante à la Seigneurie avec Lavergne, je constate que les couvertures y sont en fort mauvais état, et qu’il y en a au moins six cent cinquante mètres carrés, avec les imprévus c’est une dépense de neuf mille francs environ. Agréable métier que celui de propriétaire. Il ne reste plus une feuille sur les chênes et les érables, tout a été dévoré par les hannetons. Mes quatre châtrons qui sont en pension dans les Guérimbets ont bien profité. Pluie abondante, gros coup de tonnerre sans vent.

19. Marcelle envoie Antoine à Saint Pierre acheter du beurre avec Jaurès, Jaurès c’est mon âne.

21. Nous allons à Nevers où j’assiste à une conférence sur les assurances accidents. Madame de Pardieu raconte à Marcelle que Paul Tiersonnier a donné sa démission de l’Union catholique, ce doit être selon un ordre de Maurras, cette Action Française fait bien du mal en faisant passer la politique avant la religion.

22. Berthe emmène Marcelle à Lamenay pour y fonder la Ligue, elles sont admirablement reçues par le jeune ménage Certaines, et trouvent dans cette petite localité des gens de l’ancien régime, polis, et ayant encore le respect des seigneurs, et même du Seigneur car ils suivent la messe avec fierté. Au retour ces dames passent par les Ecots.
Henri qui pense toujours au Bridge et ne m’en veut pas des admonestations dont je l’accable m’apporte un carnet de jeu et cette strophe qui l’accompagne.

Pour marquer les honneurs,
Pour noter les parties,
Au grand maître des joueurs
Souvenir d’un conscrit.

Ton art est légendaire
Ta patience l’est aussi ;
Mais gare au partenaire
Que la mémoire trahit !

23. Blond fait venir un Wagon de charbon dix mille francs, que je partage avec M. Blond de l’Isle, De Gagny S Moselle, la part coûte 654 francs.

24. Bob Le Sueur me conduit à Nevers pour assister à l’assemblée générale de l’Union Nivernaise, président Damas, qui est à la hauteur de sa tâche. Nous entendons d’abord un discours de M. Flandin qui manie la parole d’une façon très intelligente et spirituelle. Midi, déjeuner Salles Vauban, vingt francs par tête, ce n’est pas trop cher car le repas est bon. Montrichard m’indique une place à la table d’honneur, je me trouve à côté de mon voisin Bernigaud, c’est une chance, car on a toujours à retenir quelque chose de sa conversation surtout en agriculture. Il y a cent soixante convives venus de tout le département. Deux invités de marque, le Comte de Warren, député de Meurthe-et-Moselle et le Comte d’Andlau, alsacien celui là, l’un et l’autre se font entendre à la séance du soir. Somme toute grand succès pour l’Union Nivernaise qui est très en progrès. Pendant que l’on prend des conférences on n’en saurait trop prendre, aussi à huit heures et demie du soir, j’en entends une dans la mairie de ma commune, sur les sels de potasse d’Alsace et la conclusion que j’en tire c’est qu’ils ne peuvent faire d’effet que s’ils sont additionnés d’azote et d’acide phosphorique.

25. Par des chemins défoncés, grâce à l’exploitation barbare de la forêt de Parenche, je vais avec Jaurès jusqu’au Lieu Maslin, pour y régler le terme du 11 mai, qui pour la première fois est payé en nature, Billots se plaint beaucoup, je ne suis cependant pas exigeant, car Soulat m’a raconté que le Clergeat qui touche mes domaines et qui a vingt hectares, aurait pu être affermé dernièrement huit mille francs. Il faut tout de même reconnaître qu’il est près de la grande route et d’un accès beaucoup plus facile que le Lieu Normand, qui voit son fermier obligé de passer par les champs pour sortir de chez lui, le chemin rural étant actuellement défoncé par le roulage de l’exploitation d’un bois qui le touche. Et aussi un petit domaine s’afferme plus cher à l’hectare qu’un grand. Le taureau né du domaine de Tâches et vendu à mes fermiers leur donne une très bonne production.

27. Cécile m’écrit qu’elle est au grand ciel, son excellent beau-père vient de lui offrir une GHP Renault, conduite intérieure dernier cri. Yvonne est également dans la joie, ce qui est bien naturel, je me réjouis avec mes chères enfants. Qu’elles profitent donc du répit que nous laisse les communistes, cela ne durera peut être pas longtemps. Quant à moi, en fait de luxe je recouvre les granges.
Bridge à la maison douze personnes, la belle Solange nous amène Madame Delecluze, sa fille et Andrieu, Auguste du Verne suit avec Anne de Champeaux, qui eux même précédent les Dubois de La Sablonnière avec Mademoiselle Richier, grande et belle fille qui est mieux que sa sœur tout en lui ressemblant beaucoup, les du Part ferment la marche avec la jeune Chantal qui n’a pas de bonne pour la garder. A Chevenon l’on est souvent sans personnel et Antoine frotte les parquets tous les matins, pendant que sa femme fait les repssages.

29. Marcelle emmène à Nevers trois demoiselles de Saint-Parize, Andrée Moreau, Denis et Lamoussieu pour assister à Nevers à l’assemblée des jeunes filles ligueuses, débutant par une messe dite à Saint-Gildart par Monseigneur à neuf heures. Marie Antoinette fait ensuite une intéressante conférence sur les progrès de la Ligue, progrès qui sont dû à son inlassable dévouement.

30. Déjeuner à Fontallier avec les Buy et Marie de La Boulaye. Mon camarade Grincour est de plus en plus tardigrade, ce qui ne l’empêche pas d’avoir encore vingt-six chiens au chenil. Au retour , visite à Saint-Léger, personne, au Manoir nous rencontrons les Le Sueur.

31. Pluie. Déjeuner à Buy, même convives que la veille.
Bridge de mazettes.


[1] Souligné dans le texte
[2] Id°

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