13.10.10

JUIN 1927

1. Marcelle et moi conduisons notre directrice des postes à Saint-Saulge dans le couvent des sœurs de la charité de Nevers où elle doit se reposer une quinzaine, étant très fatiguée. Au retour nous nous arrêtons à Limon, où nous trouvons Madame de Maumigny, Geneviève et trois petits Féligonde ou Courrège. En passant, visite au Chazeau, personne, à Curty nous sommes reçus par Nenette, sa belle-mère est à Paris, et son mari à son agriculture. Son petit garçon ressemble d’une manière frappante à son papa.
Carl d’Arbigny épousera le 9 juin à Paris Mademoiselle Paulette Le Brets.

2. Pluie. Notre excellent curé déjeune avec nous, et fait ensuite des visites à Callot et à Tâches.

3. Enterrement de mon camarade Henri de Lavesvre qui meurt à Clamours dans sa soixante-et-onzième année d’une congestion pulmonaire. Il a passé toute sa vie avec son frère Jules, mon contemporain immédiat, car nous sommes, je crois, de la même semaine. Beaucoup de monde à la cérémonie, ce qui ne m’a pas étonné, car la charité est de tradition dans la famille Lavesvre. Les petites sœurs des pauvres en particulier par leur présence étaient venues payer une dette de reconnaissance. Déjeuner chez Marguerite, et Bridge chez Madame Hondaille, avec les Villeneuve qui se rendaient aux Fougis, Gaby avec sa rage de ne pas vouloir abandonner la table de jeu, a bien failli faire manquer le train à sa famille.
Gaudat de Moiry qui prêtait à Marcelle une petite maison où elle réunissait les enfants de son patronage est venu l’autre soir lui dire que dorénavant, elle ne devrait plus y mettre les pieds, ceci en nous abreuvant d’injures. Il est vrai qu’il était ivre mort. Cherut me parlant de cette aventure, m’a fait remarquer assez judicieusement que les ivrognes, quand ils ont bu, disent ce qu’ils pensent lorsqu’ils sont à jeun.

Pentecôte. Monsieur le Curé fait des compliments à ses paroissiens parce qu’il y a beaucoup de monde à la Messe. Mais d’autre part dans son sermon, il nous dit qu’il constate avec peine que la foi s’en va, et que les enfants qu’il prépare cette année à la première communion lui donnent peu de consolation.

6. Nous dînons à la Grâce, les Charles y sont bien ennuyés, le chef poulailler qui avait signé avec eux un engagement de cinq ans les a plantés là, du jour au lendemain. Ils avaient fait pour lui d’assez grosses dépenses, escalier intérieur pour monter au grenier, cabinets d’aisance, changé les papiers de tenture, etc. Ils en sont réduits à laver les œufs eux-mêmes, à donner les repas… je me demande si en fin de compte, ils retirent quelque profit. Ils ont un gentil stagiaire, le jeune de Fraÿs qui s’occupe de la culture, mais non des poules.

7. Marguerite nous vient par l’autobus, les Henri se joignent à elle pour le déjeuner.

8. Enterrement de Duchemin, beaucoup d’hommes témoignant leur affection à Jules Mathieu le beau-père.

11. Pluie. Foire de Nevers, tous les cours en baisse. Je commande à l’office agricole 700 H blé rouge de bordeaux et 200 H avoine d’hiver livrables en septembre pour renouveler mes semences. Nous déjeunons chez Marguerite. Il pleut pour la Saint Barnabé !

12. Les Charles Tiersonnier déjeunent avec nous. Bouheury un modéré radical, bât dans l’Aube un communiste par 28000 voix contre 25000. Les bourgeois qui d’abord devaient voter blanc, pris de trouille se sont ravisés. Est-ce un bon présage pour 1928, Dieu le veuille, nous en avons bien besoin, car la France descend rapidement la pente qui conduit à l’abîme.

14. Pluie. Les Clayeux, Aline et Geneviève nous amènent pour déjeuner Guiguite et sa fille, Gaby arrive de son côté par Nevers et repart le soir pour Villettes avec femme et enfants.

15. Pluie. Batréau, bon vétérinaire, remets debout une jument des Petites Granges couchées depuis 24 heures à la suite de la mise au monde d’un poulain mort-né. Il fait faire au dessus de la bête, un atelier de six perches solides mises trois par trois en pied de chèvre. Une traverse relie les deux sommets. On attache avec des câbles la jument, d’abord autour des hanches ensuite autour des épaules, on passe des chaînes sur la traverse et avec des leviers on monte successivement le devant et le derrière.
Les Jack d’Assigny, Pierre de Barrau et Houdaille dînent avec nous.

16. Fête-Dieu. Première communion à Saint-Parize, quatorze enfants presque tous des pitaux, cette année correspond comme naissances à la première année de la guerre. Après la cérémonie nous déjeunons à Buy avec les Maurice. Henri qui a pris à Moulins l’habitude du téléphone le fait installer à la campagne. Près de la Chapelle-aux-chasses, le chauffeur de la Chassaigne qui villégiature avec l’auto de son maître dans laquelle il emmène six personnes, entre en collision dans une croisée de routes, avec la voiture d’un huissier de Moulins, conduite par sa femme, celle-ci qui a le volant en main, est tuée sur le coup.

17. Auguste du Verne qui a en séjour chez lui George et sa nièce Guillemette nous les amène à dîner, ils repartent avec des phares éteints !!!

18. Bridge chez Madame Delecluze, cinq tables et goûter beaucoup trop somptueux avec des glaces.
Odette de Noury, née en 1884 est fiancée au Baron Abord Sibuet.

19. Les Henri et Maurice Robert dînent avec nous et restent jusqu’à onze heures pour travailler le Bridge. Voila ce que peut vous faire faire la passion du jeu.

21. Madame de Pardieu et Marguerite passent la journée avec nous. Elles descendent à Mars d’un modeste Wagon de troisième. Signe des temps. Paul Tiersonnier nous fait visite à quatre heures et ramène ces derniers à Nevers.
Dreuze avec deux faucheurs coupe dans sa journée tout le fond du pré de la Joie.

22. Déjeunons à la Grâce. Berthe a un bras en écharpe à cause d’un rhumatisme qui l’a fait cruellement souffrir. Nous passons par le Veuillin, où il n’y a personne. Le Russe qui remplit les fonctions de maître d’hôtel nous dit qu’ils sont dans un petit château près de Vichy.

24. Saint-Jean. Beau temps. Je rentre du bon foin.

25. Pluie une heure le matin. Fête du Sacré-Cœur, je m’approche de la Sainte table. Bien que pas très sec, je finis de rentrer mes foins, le manque de personne fait que l’on se hâte un peu trop, ce qui est un tort.

26. Douze degrés seulement. Henri passe par Tâches et nous prend Marcelle et moi pour nous emmener à Nevers à une conférence de Kerillis. Salle comble, il est venu du monde de tout le département mais surtout des comtes, des marquis et de gros propriétaires avec leurs femmes. Le commandant Bouchacourt qui a été nommé Président du groupe de défense anticommuniste, présente le conférencier dans de très bons termes. Pendant deux heures Kerillis nous expose le danger des cellules communistes, installées dans le plus petit des villages et nous donne quelques moyens pour nous défendre, surtout par les tracts, les affiches et les conférences répétées. Il faudra de l’argent, beaucoup d’argent et se dégrouiller. L’orateur reproche aux modérés d’être restés les bras croisés, attendant les évènements. S’ils continuent c’est la fin de la France en 1928 et le régime des Soviets installés chez nous avec toutes ses conséquences. En sortant par une pluie battante nous allons goûter chez Marguerite avec les Villeneuve.
Léon Adenot est nommé capitaine au 8ème Dragons à Lunéville, au grand désespoir de sa belle-mère.

27. Le nommé Mazau d’Essertenne Saône-et-Loire, adjudant retraité, vient me demander la place occupée par Barrat. Je lui fais visiter l’endroit qui a l’air de lui plaire, et je prends des renseignements sur son compte.
Les Dubois de la Sablonnière nous ont manqué hier pendant que nous étions à Nevers.

28. Félix déjeune avec nous, il apporte à Marcelle une superbe botte d’œillets cueillis dans son jardin. Lettre d’Edith qui a reçu pendant quatre jours Madame Chevrier et Madame Polissart, elle est venue au secours de sa cuisinière en faisant les entremets.

29. Les Soultrait, Toytot, Charles Tiersonnier et le stagiaire de Fraix passent la journée avec nous. Eclipse de soleil.

30. Pluie sérieuse, dite de l’éclipse.

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