10.9.10

MARS 1927

(le 19ème cahier commence au 12 mars 1927)

12. Foire, beaucoup de monde, beaucoup de bêtes à cornes, mais transactions difficiles, surtout pour les châtrons qui sont très peu demandés. A dix heures à la Cathédrale, service pour François du Verne mort à vingt-six ans à Paris où il travaillait chez un agent de change. Il a été emporté par la grippe infectieuse en quelques jours. Il y avait énormément de monde à ces funérailles, venus du Cher et de l’Allier. A déjeuner, nous avons eu René et Geneviève Clayeux et F. Jourdier ainsi que les Charles Tiersonnier. A deux heures, mes filles nous ont quittés pour Paris où elles doivent passer le temps que leur donne un billet d’aller et retour. Elles descendent chez Antoinette Jourdier.

15. J’entends chez les Petites Sœurs de l’Assomption, une conférence faite par le Colonel d’Assigny, le sujet traité est la Patrie, et il est fort bien traité, ma foi. Pourquoi un garçon si bien doué que lui a-t-il pu aussi mal guider sa barque. A cinq heures, thé, Bridge chez ma sœur. Je trouve en face de moi des adversaires qui doivent être plus compétents dans leur métier que dans celui de toucher les cartes dans la personne de M.M. Reynier et Dubois de la Sablonnière, tous les deux forestiers, et de M. Saurel, directeur des usines ( ?) Kulmann. Leurs femmes ainsi que Madame Vernin et ses filles jouent au Banco.
Les Larouillères nous font part des fiançailles de Marguerite avec Pierre de Gaudart d’Allaines.

16. Je sors du tribunal où l’on jugeait l’affaire La Brosse. Bassot, fermier à Bonay, ne veut pas quitter son domaine, prétendant que Louis ne lui a pas donné congé à temps. Girard son avocat a bien plaidé, disant : dans cette affaire il y a un menteur, quel est-il ? Tricot, défenseur de Bassot, qui pourtant est conservateur, a plaidé en disant que la parole d’un fermier vaut bien celle d’un propriétaire. Ce n’est pas mon avis dans le cas présent. Mais le tribunal sera-t-il de mon avis !
Bizy me conduit à Tâches, où je constate que mon troupeau de brebis décline tous les jours et que mon métayer Dreure a fort mauvais esprit, ce que je savais déjà. Nous rentrons bredouilles de la chasse aux lapins, il y en a cependant encore beaucoup trop. A dix heures dix-huit du soir, je vais attendre Marcelle à la gare, elle revient de la capitale, n’ayant pas réussi dans l’affaire qui l’y amenait, et pas autrement fâchée, je le constate.

18. Pluie. Je vais à Tâches avec M.M. Constant et Crotat afin de faire avec eux le tour de la propriété, dont je veux leur louer la chasse, me sentant vieux d’une part, et d’autre me refusant à payer moi-même la taxe votée par le conseil municipal sur les chasses gardées.

19. Saint Joseph. Comme je l’ai fait depuis quelques années, je vais communier à la cathédrale avec mes petites filles qui vont ensuite servir le déjeuner des vieillards chez les petites sœurs des pauvres. En me promenant je passe par le cimetière où je recommande au gardien de faire nettoyer la sépulture des miens qui tous les ans est envahie par les ronces. Marguerite et sa petite fille dînent avec nous.

20. J’entends une magistrale conférence faite par deux délégués de la ligue dont Taittinger est le président, et je me fais inscrire au nombre des membres de la jeunesse patriote, je devrais dire de la vieillesse. M. de Gouvion de St Cyr prend le premier la parole, et après avoir exposé le but de la ligue, il demande s’il y a dans la salle des contradicteurs. Un ouvrier monte sur l’estrade et nous raconte quelques absurdités. Il est vite et bien remis à sa place par Gouvion. Nous avons ensuite la bonne fortune d’entendre M. Bergeron qui réfute toute la doctrine du marxisme. Après lui, un ouvrier typographe de Nevers vient vanter les soviets avec un certain talent, et dit que les frontières ne sont représentées que par un morceau de bois qu’il faut abattre. Bergeron lui riva alors son clou et comment ! Malheureusement il n’y avait assez de monde pour assister à cette réunion qui cependant en valait la peine.
Marie Antoinette du Verne emmène Marcelle à Luthenay où elle porte la bonne parole devant les ligueuses de l’endroit. Un thé-Bridge clôt la soirée à la Baratte, c’est la belle Solange qui a l’amabilité de m’y conduire. Il y avait quatre tables de jeux et de nombreux gâteaux, si nombreux que Suzanne a demandé à la jeunesse de venir les finir après dîner, ainsi fut fait, et le Banco s’est prolongé jusqu’à deux heures du matin.

21. Le printemps commence par un temps superbe. J’en profite pour monter au grand séminaire où le chanoine Chollet me fait faire le tour du propriétaire, l’ensemble à grand air et de la terrasse la vue est superbe. La chapelle me plait particulièrement. Le jardin d’une contenance d’un hectare et demi est bien tenu et doit, grâce à ses nombreux légumes, aider à la nourriture des hôtes de la maison. Les séminaristes sont actuellement de vingt sept. Bridge chez Madame Delecluze.
A une heure du matin, Augustin revient d’un séjour à Bulhon, où il a installé sa mère qui s’ennuyait dans sa maison de repos à Lyon, où elle a passé un peu plus de deux mois. Toute seule à la campagne, elle s’ennuiera peut être davantage. C’est son affaire. Elle subit l’influence de sa fille, qui est souvent contraire.

23. A minuit trente, Edith revient de Rennes par Paris, elle est bien contente des quatre jours passées chez Cécile qui a mis les petits plats dans les grands pour la recevoir.

24. Pluie. Foire à Saint Pierre, les châtrons ne sont toujours pas demandés, aussi j’en ai quatre des Petites Granges, que j’envoie à mon compte à la Seigneurie et que j’achète mille six cent francs pièce. Marcelle va à Tâches avec ses petites nièces.

25. Pluie. Louis de La Brosse gagne son procès contre son fermier Bassot.
Le maire de Saint Parize m’informe que la taxe sur les chasses gardées primitivement fixée à deux francs ne sera que de un franc par hectare.
Louis Clayeux est nommé colonel et reste au Maroc.

26. Pluie. Après une visite faite à la Grace, nous allons, mes filles et moi, porter au Veuillin nos condoléances, nous y rencontrons les d’Armaillé. Les Guillemain et les Guillaume du Verne dînent avec nous, deux excellents canards composent le rôti, je les arrose d’un excellent Richebourg, datant du mariage de Cécile.[1]

27. Marcelle est emmenée à Bourges en auto par Henri de Faverges, elle déjeune chez Geneviève de Buzonnière. Au retour, visite et goûter chez les ---- à -----. Cependant que chez les Guillemin nous écoutions le sermon prononcé à Notre Dame par le Père Sanson. Les paroles étaient aussi nettes que si nous avions été devant la chaire, mais j’avoue que j’ai mal suivi ; les idées sont trop élevées pour être suivies à distance. Mollins venu là pour faire un Bridge a pu en faire son profit, c’est un acheminement à sa conversion.
Cette pensée protestante me fait noter les fiançailles de la belle Solange Thuret avec M. de Luze, un bordelais.













Solange Thuret

29. Pluie. Marcelle nous conduit déjeuner à Moulins chez les Clayeux, nous avons la chance de trouver Edmond qui regagnait Paris dans l’après-midi.

30. Pluie. Les Guillaume du Verne déjeunent avec nous, et ensuite mon neveu nous mène avec Augustin et le fidèle Bizy, tirer un dernier lapin à Tâches. Le pays est sous l’eau et Barillets ne peut pas semer la –olle.
Les brebis des Petites Granges déclinent toujours, je vais prier Batréau mon vétérinaire, de me faire venir encore de l’extrait de fougère mâle pour traiter ce qui me reste de troupeau. Monsieur de Pardieu m’a demandé ce matin de prendre la présidence de l’Union catholique pour le canton de Saint-Pierre. Je l’ai beaucoup remercié de l’honneur qu’il me faisait, mais je lui ai dit que je n’étais pas du tout qualifié pour cela et qu’il ferait mieux de prendre mon cousin Henri et à son défaut M. Motte, de la Ferté.
Ramonage de la cheminée de la cuisine, c’est la seule que l’on nettoye, parce qu’elle brûle du charbon, celles qui ne brûlent que du bois ne se salissent que peu ou prou, leur ramonage coûte cher et ne donne rien, de temps en temps le feu prend dedans et le nettoyage est alors complet, surtout dans la cheminée du petit salon.

31. Pluie. Tempête.

[1] 1910

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